A Monsieur Ban Ki-Moon, Secrétaire Général des Nations Unies
Cher Monsieur le Secrétaire Général,
Dans le contexte de la poursuite de l’attaque militaire contre la Bande de Gaza occupée, vous avez récemment déclaré aux membres distingués du Conseil de Sécurité de l’ONU que « une fois de plus, les civils paient le prix de la poursuite du conflit ». Le Conseil des Organisations Palestiniennes des Droits de l’Homme (PHROC), regroupement de douze organisations palestiniennes des droits de l’Homme dans les Territoires Palestiniens Occupés (TPO), est extrêmement préoccupé par la poursuite des attaques aveugles et disproportionnées d’Israël contre les civils palestiniens et les objectifs civils dans la bande de Gaza. Il faut remarquer que la population de la Bande de Gaza vit sous un blocus imposé par Israël depuis sept ans, ce qui constitue une sorte de punition collective. Conséquence, 70 pour cent des Palestiniens de la Bande de Gaza dépendent de l’aide humanitaire et n’ont pas pu se remettre des dégâts et destructions causés pendant les précédentes offensives israéliennes, dont « l’Opération Plomb Durci » et « l’Opération Pilier de Défense ».
« L’Opération Bordure Protectrice » a surgi dans le contexte d’un conflit armé continu et d’une occupation belligérante. Par conséquent, Israël ne peut pas s’appuyer sur l’argument de l’autodéfense dans le sens de l’article 51 de la Charte des Nations Unies. Israël doit donc agir en accord avec les lois qui régissent la conduite des hostilités et l’occupation. De plus, si l’on considère en toile de fond la campagne militaire punitive à grande échelle menée par Israël en Cisjordanie après la disparition, et finalement la mort regrettable, de trois colons israéliens, les récentes hostilités dans la Bande Gaza montrent qu’un calendrier politique plus vaste attise les actions d’israël.
Le 15 juillet 2014 à 13 H., les organisations palestiniennes des droits de l’Homme ont enregistré, dans le contexte de « l’Opération Bordure Protectrice », l’assassinat de 194 Palestiniens, dont 37 enfants et 28 femmes. D’après les premières enquêtes d’Al Mezan, 141 (soit 72,7%) des Palestiniens tués doivent être considérés comme des civils. Par ailleurs, au moins 1.218 Palestiniens souffrent de blessures et 1.489 maisons ont été détruites ou endommagées, dont 276 par des attaques directes sur les maisons. Parmi les morts, au moins 76 ont pour cause l’attaque directe sur les maisons. Al Mezan précise aussi que 23 écoles, 34 mosquées, un centre d’ambulances, 13 bureaux d’ONGs, 38 bateaux de pêche et 5 hôpitaux ont été endommagés ou détruits. Le Bureau des Nations Unies pour l’Aide Humanitaire dans les TPO a annoncé que 17.000 Palestiniens ont cherché un abri dans les écoles de l’UNWRA et 6.500 autres chez les membres de leur famille ou leurs amis.
Le PHROC souligne que toutes les parties engagées dans les combats pendant un conflit armé doivent adhérer aux textes de la législation humanitaire internationale. Le principe de distinction requiert que toutes les parties fassent la différence entre civils et combattants, ainsi qu’entre propriétés civiles et objectifs militaires. Par ailleurs, le principe de proportionnalité prescrit que le lancement d’une attaque, dont on peut supposer qu’elle causera la perte accidentelle de vies civiles, des blessures sur des civils ou des dégâts sur des propriétés civiles, de façon excessive par rapport à l’avantage militaire concret et direct espéré, est interdit. Tout manquement à ces principes de la législation humanitaire internationale peut se retrouver sous l’accusation de crime de guerre.
De plus, les civils palestiniens des TPO sont sous la protection de la Quatrième Convention de Genève. En tant que Puissance Occupante, Israël doit assurer le bien-être et la sécurité de la population occupée et respecter le droit des Palestiniens à la vie et à la sécurité. Et donc, avant de lancer une attaque militaire, Israël a l’obligation de fournir un « avertissement préalable efficace » pour des attaques qui « peuvent affecter la population civile » et doit être prudent dans le choix des moyens et des méthodes d’attaque dans le but d’éviter et de minimiser la mort de civils. La « méthode de frappe sur le toit » couramment utilisée par Israël jusqu’ici et par laquelle il avertit les civils palestiniens de l’imminence d’une attaque aérienne pour bombarder leur maison, doit être considérée comme illégale en elle-même étant donnés les dommages intentionnels et inutiles causés aux maisons des civils et la menace injustifiée qu’elle comporte sur la vie des civils. Bien pire, au cours des récentes attaques, des civils palestiniens ont été tués par des « missiles d’alerte », dont au moins trois femmes et un enfant. Aujourd’hui, une mère et son bébé de 5 jours ont été blessés dans une attaque de ce genre.
De son propre aveu, Israël a ainsi visé intentionnellement des civils palestiniens et leurs maisons. Par exemple, le 8 juillet, le porte-parole de l’armée israélienne a annoncé que les militaires israéliens avaient délibérément bombardé quatre maisons de personnes définies par Israël comme des chefs militants du Hamas.(1) Selon la législation internationale en usage, un objectif militaire acceptable « se limite aux objets qui par leur nature, leur emplacement, leur but ou leur utilisation contribuent effectivement à une action militaire (…ou) ou si cela offre un avantage militaire évident ».(2) Dans ces conditions, le ciblage punitif de maisons appartenant à des personnes qui peuvent avoir des liens avec des groupes armés et qui par ailleurs ne prennent pas part aux hostilités, ne peut être considéré comme autorisé.
Considérant l’engagement du Secrétaire Général sur la question de l’occupation des TPO par Israël, et sa capacité à attirer l’attention du Conseil de Sécurité sur toute affaire qui, selon lui, peut menacer le maintien de la paix et de la sécurité internationales, le PHROC demande à M. Ban Ki-moon de :
. Clarifier les obligations d’Israël en tant que Puissance Occupante engagée dans des hostilités en Palestine
. Déplorer immédiatement et sans équivoque l’attaque aveugle et disproportionnée d’Israël contre les civils palestiniens et les objectifs civils
. Exiger que toutes les parties se conforment à la législation humanitaire internationale, dont les principes de distinction, de proportionnalité et de nécessité militaire
. Reconnaître que la cause fondamentale de l’état de guerre incessant est l’occupation armée par Israël et les violations des lois internationales qui l’accompagnent, y compris sur le droit inhérent des Palestiniens à l’autodétermination
. Soutenir activement la création et le déploiement par les Nations Unies d’une force de protection internationale ayant pour mandat de mettre fin aux violations d’Israël contre le peuple palestinien occupé
. Continuer à porter à l’attention du Conseil de Sécurité les violations contre les droits des Palestiniens
. Prier le Haut Commissaire aux Droits de l’Homme de se joindre au Secrétaire Général pour condamner fermement les violations continuelles des lois internationales par Israël.
Sincèrement,
Association Addameer de Soutien aux Prisonniers et de Défense des Droits de l’Homme
Sahar Francis, directeur général
Al Haq
Shawan Jabarin, directeur général
Centre de Ressources Badil pour les Droits des Réfugiés et à la Résidence Palestinienne
Nidan Alazza, directeur général
Centre Ensan pour les Droits de l’Homme et la Démocratie
Shawqi Issa, directeur général
Centre de Jérusalem pour l’Aide Juridique et les Droits de l’Homme
Issam Aruri, directeur général
Centre des Femmes pour l’Assistance et les Conseils Juridiques
Maha Abu Dayyeh, directeur général
Association Addameer pour les Droits de l’Homme
Khalil Abu Shammala, directeur général
Centre Al Mezan pour les Droits de l’Homme
Issam Younis, directeur général
Défense des Enfants Internationale – section de Palestine
Rifat Kassis, directeur général
Hurryyat – Centre pour la Défense des Libertés et des Droits Civiques
Helmi Al-araj, directeur général
Centre de Ramallah pour l’Etude des Droits de l’Homme
Iyad Barghouti, directeur général
Le Centre Palestinien pour les Droits de l’Homme
Raja Sourani, directeur général
(1) http://www.btselem.org/gaza_strip/20140708_gaza_operation
(2) ICRC, International Customary Law Rule 8
Traduction : J.Ch. pour l’Agence Média Palestine