Un guide touristique et militant politique chassé de sa Jérusalem natale

Rachelle Friesen, The Electronic Intifada, 12 décembre 2014

A Palestinian woman stands on the rubble of her house that was demolished by Jerusalem municipality workers in the east Jerusalem neighbourhood of Issawiya

Une Palestinienne sur les décombres de sa maison dans le quartier d’Issawiyeh à Jérusalem, le 1er décembre. Le bâtiment a té détruit par la municipalité sous prétexte qu’il avait été construit sans permis (Muammar Awad / APA images).

Il y a un volet politique dans les visites guidées de Jérusalem effectuées par Daoud al-Ghoul. Ce dernier, âgé de 31 ans, lorsqu’il parcourt la Vieille Ville, emmène les visiteurs rencontrer des résidants dont l’eau a été coupée par la municipalité d’arrondissement contrôlée par Israël ou des gens qui ont été battus ou arrêtés par des soldats. Les Palestiniens que ses invités rencontrent, luttent pour maintenir une communauté vivante et forte, en dépit de la volonté des colons israéliens et des autorités de les éliminer complètement de leur ville natale.

Les visites guidées d’al-Ghoul vont devoir cesser pour quelques mois.

Au début de décembre, il a, comme d’autres militants – Majd Darwish, Saleh Dirbas, Akram Shurafah et Faris Abu Ghanam – reçu une ordonnance d’expulsion qui leur interdit d’entrer à Jérusalem et de rentrer chez eux jusqu’au 30 avril de l’année prochaine. On n’a donné à ces hommes aucun motif pour cette interdiction.

Tous les cinq sont nés à Jérusalem et ont déjà été emprisonnés par Israël. Le 9 décembre – six jours après la publication des ordonnances d’expulsion – al-Ghoul a reçu une deuxième ordonnance de déportation, de la part d’un tribunal militaire de Cisjordanie occupée, cette fois.

Cette deuxième ordonnance l’exclut de la Cisjordanie dans sa totalité.

Al-Ghoul est un jeune coordinateur des Comités de travail sur la santé, une organisation palestinienne qui fournit des services médicaux.

Ces ordonnances le mettent dans une position très délicate : s’il quitte la Palestine, il n’a pas de garantie que les autorités israélienne le laissent rentrer. S’il reste en place, il risque d’être emprisonné de nouveau.

Un défi

S’adressant à Electronic Intifada, il a lancé une sorte de défi. « Nous ne cèderons pas » a-t-il dit. «Nous n’avons pas peur. Nous combattons pour notre avenir et nous n’avons rien à perdre. Nous refusons cette décision. C’est notre patrie. Il est de notre droit fondamental de vivre dans nos maisons à Jérusalem ».

Les ordonnances militaires israéliennes violent le droit international. La Quatrième Convention de Genève de 1949 interdit à une puissance occupante de déporter les gens qui sont sous occupation.

Al-Ghoul est de Silwan, une partie de Jérusalem proche de la Vieille Ville. Il a passé toute sa vie à Jérusalem. Pour autant, l’occupation israélienne le traite comme un « résidant permanent » plutôt que comme un citoyen de la cité.

Il lui est demandé de prouver régulièrement que son « centre de vie » est à Jérusalem. De telles dispositions bureaucratiques limitent gravement ce que les Palestiniens peuvent faire. S’ils veulent épouser quelqu’un qui vit en dehors de Jérusalem ou étudier à l’étranger, ils risquent un retrait de leur permis de résidence.

Entre 1967 et 2010, Israël a retiré leur permis de résidence à plus de 14 000 Palestiniens à Jérusalem, selon OCHA, le groupe de contrôle des Nations Unies.

Nettoyage ethnique pas à pas

Le nettoyage ethnique de Jérusalem prend des formes variées.

Dans la plus grande partie de la Cisjordanie, Israël est actif dans la confiscation de terres et la construction de colonies. Mais à Jérusalem, ce processus se fait maison par maison, centimètre par centimètre.

Plus de 35% des terrains de Jérusalem Est occupée sont réservés à l’extension de la construction de colonies, selon OCHA.

Des colons s’emparent souvent de maisons palestiniennes, causant ainsi le déplacement de familles et la fragmentation de communautés. Les colons sont généralement accompagnés de gardes armés.

De leur côté, les Palestiniens se voient régulièrement refuser des permis de construire de nouvelles maisons ou de réaliser des extensions dans des maisons existantes. Plus de 2 000 maisons palestiniennes ont été démolies dans Jérusalem Est depuis 1967, selon OCHA.

La municipalité de Jérusalem sous contrôle israélien prétend que la raison de la démolition est que les maisons ont été construites sans permis. Or, le processus de demande de permis est, pour les Palestiniens, un labyrinthe kafkaïen qui aboutit souvent à un refus après que la famille ait dépensé environ 25 000 dollars américains.

Seuls 5% des Palestiniens qui déposent des demandes de permis de construire les obtiennent, selon le Comité Israélien contre la Démolition des Maisons. Dans le même temps, le gouvernement israélien donne son feu vert à la construction de nouvelles colonies.

Cette année a été particulièrement répressive. Depuis juin, Israël a emprisonné au moins 1 300 Palestiniens rien que de Jérusalem, dit le club des prisonniers palestiniens.

Daoud al-Ghoul a des traces de la présence familiale à Jérusalem qui remontent à quatre siècles. Cela n’a pas pour autant empêché Israël de lui refuser le droit de vivre et de travailler dans sa ville natale – tout comme il l’a fait à des milliers d’autres.

Rachelle Friesen a passé quatre ans à travailler à Jérusalem avec une organisation d’aide internationale. Elle a été déportée par Israël en mai 2014. Elle vit maintenant au Canada.

Traduction: SF pour l’Agence Media Palestine

Source: Electronic Intifada

Retour haut de page