Mohammed Omer – Middle East Eye – 22 décembre 2014
Une déception pour les enfants attristés de Shejayeh, à l’est de Gaza ville, qui cherchent partout leurs jouets abandonnés, alors que les Nations-Unies commencent à dégager les décombres après la guerre.
Les enfants se donnent du mal pour trouver des jouets, des vêtements, pendant que les Nations-Unies commencent à débarrasser les gravats après la guerre de cet été.
(MEE/Mohammed Asad)
Gaza ville – Retaj Ayyad, quatre ans, exhorte son père, Aymn Ayyad, 30 ans, à continuer de regarder sous les ruines de leur maison pour trouver ses dessins, ses vêtements, ses crayons de couleur et son ours en peluche. Tous ces objets sont irremplaçables, mais maintenant, ils sont perdus sous les ruines de la maison familiale, complètement démolie par les bulldozers de l’armée israélienne lors de la guerre de l’été passé.
C’est la première fois depuis que le conflit a cessé au mois d’août que la famille revient à sa maison en ruine, à Shejayeh, à l’est de Gaza ville.
Il leur faut fouiller à la main, car ils ne possèdent aucun équipement lourd avec lequel ils pourraient soulever les ruines qui restent après qu’un bulldozer – comme prévu dans un projet en vertu du Programme de développement des Nations-Unies, financé par la Suède – ait aidé à dégager les ruines de la maison et des autres également démolies à Shejayeh.
Ayman finit par trouver un sac de vêtements, mais les tissus sont pourris après les fortes pluies des dernières semaines. Sa découverte crée chez lui un sentiment mitigé et il hésite, ne sachant ce qu’il va bien pouvoir trouver d’autres en creusant.
« Je cherche toujours mes affaires, mes vêtements et mes meubles. Pendant tous ces mois, nous n’avons rien reçu de tout cela par les organisations de secours, » dit-il, haussant la voix pour être certain d’être entendu malgré le bruit du bulldozer qui continue à dégager les ruines tout près.
« Je suis en train de chercher tout ce qui m’appartenait auparavant. Trente années à rassembler des objets, et ce qui reste de tout ce que j’avais a été réduit à néant en quelques minutes, » dit-il.
Mais maintenant, il est contraint de rechercher des choses toutes simples qui peuvent l’aider à recommencer sa vie. Il explique que, tel qu’il voit les choses ici, la communauté internationale a laissé tomber les Gazaouis qui doivent se débrouiller par eux-mêmes pour reconstruire après la guerre, elle ne leur a proposé aucun soutien.
Selon les Nations-Unies, les bombardements israéliens en 51 jours ont démoli plus de 96 000 maisons, faisant 100 000 sans-abri.
En octobre, ce sont environ 50 pays qui se sont engagés pour un total de 5,4 milliards de dollars d’aides pour la reconstruction de Gaza. Les États membres de l’Union européenne ont dit qu’ils contribueraient à hauteur de 570 millions de dollars pour Gaza, pendant que le ministre des Affaires étrangères du Qatar, Khalid al-Attiyah, promettait un milliard de dollars.
Et pourtant, l’argent a été lent à arriver, et même que celui qui est arrivé, pour une grande part, n’a même pas pu arriver jusqu’à Gaza qui est toujours sous le blocus israélien. Le principal accès, le passage frontalier de Rafah avec l’Égypte, est resté presque totalement fermé, seul un petit courant d’aides a été autorisé à passer.
Israël dit craindre que les matériaux de construction tombent entre les mains du Hamas, mais Shelter Cluster, un organisme de coordination d’organisations humanitaires, co-présidé par l’Office des Nations-Unies pour les réfugiés et par la Croix-Rouge, a déclaré qu’au rythme actuel de l’acheminement de l’aide, il faudra 20 ans pour reconstruire Gaza.
« Ça me fait mal de voir tous mes biens en miettes. Rien n’a été laissé. Je me demande où nous allons, et si, ou quand, nous reverrons un jour nos maisons construites ? » interroge Ayyad.
Ses enfants, deux garçons et deux filles, ont tous les deux été traumatisés par les récents événements – un choc d’autant plus amplifié qu’ils doivent creuser dans les décombres de leurs propre maison pour trouver leurs précieux biens.
Retaj rappelle à son père qu’avant que la maison ne soit démolie, sa mère lui avait acheté des vêtements neufs pour l’Eid al-Fitr. « Je veux toujours les porter, papa, » supplie la fillette.
Ayyad essaie de lui faire comprendre que ses vêtements neufs ont disparu, enfouis sous les décombres, mais quand il tente de lui expliquer pourquoi Israël a détruit leur maison, là elle ne comprend pas. Et elle continue à demander, « mais pourquoi ? », et Ayyad ne peut trouver les mots pour expliquer une chose aussi difficile à une enfant de quatre ans.
À côté de la famille Ayyad, à Shejayeh, il y a Salem Saed, onze ans, qui lui aussi est revenu dans le quartier pour essayer et creuser parmi les ruines de ce qui a été autrefois sa maison, ou de ce qu’il croit avoir été sa maison avant l’été dernier. Tout est si différent maintenant qu’il n’est pas du tout sûr d’être vraiment de retour.
Le bloc de maisons tout entier a été complètement anéanti, et aucun des habitants n’est sûr de l’endroit exact où trouver son ancienne maison parmi le vaste chaos qui les entoure.
Mais de temps en temps, de temps à autre, un ancien habitant est chanceux, et un cri de victoire pour l’occasion s’entend alentour pour dire que quelqu’un a trouvé son vieux réfrigérateur à quelques centaines de mètres de là, ou que quelqu’un a réussi à récupérer un jouet, un album de photos ou une pièce isolée de leur matériel de cuisine.
« J’aimerai retrouver mon vélo ou mon auto en plastique, » dit Salem, tout en fouillant au milieu des ruines.
Salem dit qu’il a dû courir avec ses parents et ses frères dans un abri le matin où les obus des chars d’assaut israéliens ont commencé à tomber autour d’eux. « Nous avons couru jusqu’à l’école Saladin et il nous a fallu tout laisser derrière nous, » dit-il.
Maintenant que Salem est revenu, avec ses onze frères et sœurs, il n’y a plus rien à trouver, sauf les ruines calcinées de ce qui avait été leurs rues, leurs jardins et les maisons de leurs voisins.
Et après des heures passées à creuser avec Ibrahim, son cousin de 12 ans, tous les deux ont trouvé bien peu. Simplement quelques vieux bonbons qui se tenaient cachés sous les décombres de ce qui avait été auparavant un supermarché, où ils ont déniché aussi un peu de chocolat fondu, des bonbons collants et un vieux pot de confiture.
Un autre cousin, Mahdi Salem, est lui aussi occupé à fouiller, recherchant son vélo qui doit être tout près, se disant maintenant las d’aller à l’école sans son vélo, surtout par ce froid.
« Si Dieu le veut, je retrouverai mon vélo. Une partie de moi est heureuse de voir les ruines de notre vieille maison être enlevées, mais l’autre partie de moi a peur, parce que je me rappelle la guerre qui a tout emporté ici, » dit-il.
Source: Middle East Eye
Traduction: JPP pour l’Agence Média Palestine