Ali Abunimah – 17 janvier 2015 – The Electronic Intifada
L’initiative de la Cour pénale internationale est une première, une petite, étape sur une longue route parsemée d’obstacles vers la justice pour les victimes palestiniennes des crimes de guerre israéliens. (Anne Paq/ActivesStills)
La Cour pénale internationale de La Haye a ouvert un examen préliminaire sur la situation en Cisjordanie et dans la bande de Gaza occupées.
Amnesty International a déclaré que cette étape « pouvait finalement conduire à une enquête de la CPI sur les crimes commis par toutes les parties en Israël et dans les (territoires occupés), et rompre avec la culture de l’impunité qui a perpétué un cycle de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité ».
Un communiqué de presse d’aujourd’hui de la CPI déclare que l’examen couvrira la période à partir du 13 juin 2014, ce qui inclut la plus grande agression d’Israël de ces dix dernières années en Cisjordanie occupée, et son agression de l’été contre Gaza qui a tué plus de 2200 personnes.
Cependant, ceci n’est qu’un tout petit pas en avant sur ce qui sera une très longue route parsemée d’obstacles vers la justice pour les victimes palestiniennes des violations du droit par Israël.
La CPI déclare que le bureau du Procureur ouvre un examen préliminaire « en tant que question de politique et de pratique » quand il reçoit une déclaration pertinente d’un État membre des Nations-Unies qui a adhéré au Statut de Rome, traité fondateur de la Cour.
Ceci indique que l’examen préliminaire n’a pas été décidé à la discrétion de la procureure en chef, Fatou Bensouda, mais plutôt comme une question de routine.
Le 2 janvier, le secrétaire général des Nations-Unies, Ban Ki-moon, a accepté comme pertinent l’acte de l’Autorité palestinienne par lequel l’ « État de Palestine » s’était inscrit au Statut de Rome.
Pas de délai
Selon la CPI, « un examen préliminaire n’est pas une enquête mais un processus pour examiner l’information disponible afin de parvenir à une décision éclairée et exhaustive qu’il existe ou non une base raisonnable pour poursuivre » avec une enquête complète.
Le communiqué de presse note aussi qu’il n’y a « aucun délai de prévu au Statut de Rome pour une décision sur un examen préliminaire ».
Sur la base de l’examen préliminaire, le procureur est habilité à décider s’il donne suite ou bien s’il « refuse d’ouvrir une enquête ».
Amnesty International, entre autres, a déjà recueilli une grande quantité de preuves indiquant qu’Israël a commis des crimes de guerre l’été dernier à Gaza.
Les États-Unis en colère
Bien que la CPI soit censée être indépendante, la procureure Bensouda pourrait bien être confrontée à des pressions pour ne pas ouvrir une enquête sur les actions d’Israël, en particulier de la part de l’Administration US du Président Barack Obama, qui a œuvré avec ténacité pour garantir l’impunité à Israël.
Le Département d’État US a publié un communiqué qui, même pour l’Administration Obama, se distingue par son hostilité pure à l’idée même de justice pour les Palestiniens. Il affirme que l’examen préliminaire de la CPI est « contre-productif pour la cause de la paix ».
« Comme nous l’avons indiqué à plusieurs reprises, nous ne croyons pas que la Palestine soit un État et par conséquent, nous ne croyons pas qu’elle soit en droit de rejoindre la CPI, » dit le communiqué.
« C’est une ironie tragique qu’Israël, qui a résisté à des milliers de roquettes terroristes tirées sur ses civils et ses quartiers, fasse maintenant l’objet d’un examen par la CPI, » ajoute le Département d’État, ne faisant aucune mention du fait qu’Israël a largué à peu près l’équivalent d’une bombe atomique sur Gaza l’été dernier, tuant et blessant des milliers de personnes et faisant plus de 100 000 sans-abri.
Le ministre des Affaires étrangères d’Israël, Avigdor Lieberman, a réclamé le démantèlement complet de la CPI.
Crédibilité
La Cour souffre déjà d’un problème de crédibilité. Elle a longtemps été critiquée pour se concentrer de façon disproportionnée sur l’Afrique pendant que des crimes présumés qui étaient commis dans d’autres pays étaient ignorés.
Dans une analyse pour « The Electronic Intifada » d’août dernier, l’expert en droit international Michael Kearney soutient que la Palestine poserait à la Cour une série de défis majeurs.
« La pression politique contre le bureau du Procureur est susceptible d’être immense, » note Kearney, « et la mission d’affirmer et de conserver une indépendance de la poursuite est une chose à surveiller de très près ».
Néanmoins, Kearney voit l’éventualité que les Palestiniens pourraient finalement utiliser la Cour pour intenter des poursuites non seulement sur des incidents spécifiques tels que ceux qui ont pu se produire durant l’attaque contre Gaza, mais aussi sur la politique au niveau de l’État, comme les colonies d’Israël en Cisjordanie occupée et le crime d’apartheid.
Un autre risque est que l’AP continue à utiliser son adhésion à la CPI comme un élément tactique négociable et qu’elle bloque ou retire sa procédure en échange de la reprise du « processus de paix » moribond.
Mais étant donné l’impunité totale dont les politiciens et les chefs militaires israéliens ont profité pour conquérir, détruire, coloniser et tuer à volonté, de nombreux Palestiniens sont susceptibles de se réjouir de tout développement, même modeste, qui pourrait finalement les aider à trouver la justice.
Source: The Electronic Intifada
Traduction : JPP pour l’Agence Média Palestine