Mieke Zagt, Electronic Intifada, 8 avril 2015
Non seulement le célèbre site internet TripAdvisor fait la promotion d’hôtels situés dans les colonies qu’Israël construit en Cisjordanie, mais il censure les voyageurs qui se plaignent d’une telle complicité avec des activités illégales.
J’ai découvert cela quand j’ai décidé de prendre une brève pause à la Mer morte l’an dernier. En consultant TripAdvisor et son concurrent Booking.com, je me suis rendu compte qu’ils proposaient des chambres dans l’Hôtel du Kibboutz Kalia.
Tous deux donnent l’impression que Kalia est dans l’intérieur d’Israël. En réalité, c’est une colonie exclusivement juive de Cisjordanie, ainsi que j’en ai eu la confirmation en me rendant à l’hôtel en voiture.
Après y être passée, j’ai essayé de poster un avis sur TripAdvisor. J’y j’expliquais que les colonies israéliennes violent la Quatrième Convention de Genève, qui interdit à une puissance occupante de transférer sa population civile dans le territoire qu’elle occupe. Étant donné que les colonies israéliennes constituent un crime de guerre, mon argument était que TripAdvisor encourageait ces crimes.
Quelques jours après que j’aie écrit cet avis, j’ai reçu une lettre de TripAdvisor. Cette société dont le siège est aux États Unis m’informait que mon avis ne serait pas publié parce que je ne m’étais pas conformée à ses règles.
Ces règles requièrent de ceux qui envoient un avis, de faire état d’une expérience de première main des lieux où ils se rendent, ce que j’ai fait. Mais elles stipulent aussi qu’il convient de « s’abstenir d’introduire dans les avis des opinions personnelles, éthiques ou religieuses ainsi que des discussions ou commentaires ».
Une voix pour les voyageurs ?
À peu près au même moment, j’ai écrit à James Kay, porte-parole de TripAdvisor au Royaume Uni. Ma lettre reprenait les arguments que j’avais tenté de poster sur le site internet de sa société.
En février de cette année, Kay m’a répondu. Malgré la façon dont TripAdvisor avait censuré mes commentaires, Kay déclarait que le site était « construit pour donner aux voyageurs une voix et un espace pour partager leurs expériences avec d’autres ».
« Nous entendons donner aux voyageurs une image exacte et utile de tous hôtels, B&Bs, auberges et autres formes d’hébergements disponibles » a-t-il écrit. « Le fait qu’un tel bien puisse être inscrit sur TripAdvisor ne signifie pas que nous soutenons cet établissement. Nous fournissons une liste censée être une plateforme sur laquelle des hôtes peuvent partager avec d’autres voyageurs leur véritable expérience de séjour. En ce sens, je crains que nous ne puissions retirer de la liste des biens en activité ».
En mars, j’ai consulté TripAdvisor une fois de plus pour avoir plus de détails sur l’Hôtel du Kibboutz Kalia.
L’adresse indiquée pour Kalia était Ein Bokek qui se trouve à l’intérieur d’Israël.
Pour autant, lorsque j’ai tapé « Palestine et Hôtel du Kibboutz Kalia » sur TripAdvisor, il m’a été indiqué que l’hôtel « est contigu aux caves de Qumran » en Cisjordanie.
Tromperie
En donnant deux adresses différentes, il est possible que TripAdvisor soit délibérément trompeur. Il se peut aussi qu’il enfreigne les règles de protection des consommateurs qui exigent qu’une information correcte soit donnée sur les produits et services vendus par une société.
Alors que TripAdvisor a censuré mes critiques au motif que j’avais exprimé une opinion politique, il a bien voulu publier des commentaires favorables à Israël. Par exemple, un avis a recommandé la visite de l’usine de cosmétiques Ahava en notant que l’usine utilise « les magnifiques minéraux de la Mer Morte ».
Aucune information n’est donnée sur le fait que l’usine Ahava est située dans une colonie illégale et qu’Israël a volé aux Palestiniens ces « magnifiques minéraux de la Mer Morte ».
Al-Haq, l’organisation palestinienne pour les droits humains, a apporté des éléments sur la façon dont Ahava viole le droit international, lequel oblige Israël à ne pas porter atteinte aux ressources naturelles du territoire qu’il occupe.
« L’information » de TripAdvisor sur l’hôtel du Kibboutz Kalia est certes accompagnée d’un avertissement selon lequel « le climat de sécurité est complexe en Cisjordanie ». « Les citoyens américains doivent être conscients des risques permanents des voyages dans ces zones, en particulier dans les zones décrites dans cet avertissement, où les tensions et les risques sécuritaires sont accrus ».
Le conseiller de voyage omet un point saillant : les gens qui séjournent dans cet hôtel apportent un soutien financier à des crimes de guerre.
Mieke Zagt est une militante de défense des droits humains basée aux Pays Bas ; elle est cofondatrice du Article 1 Collective.
Traduction : SF pour l’Agence Media Palestine
Source: Electronic Intifada