Maureen Clare Murphy – The Electronic Intifada – 9 avril 2015
Une rue déserte dans le camp de réfugiés de Yarmouk, le 9 avril. (Youssef Badawi/EPA)
Des groupes de défense des droits de l’homme et des groupes humanitaires mettent en garde contre la tragédie à venir dans le camp de Yarmouk, à la périphérie de Damas, alors que des milliers de civils sont pris au piège dans leurs maisons, sans nourriture ni eau.
Ahmad Majdalani, ministre du Travail de l’Autorité palestinienne basée en Cisjordanie occupée, a annoncé que les principales factions palestiniennes s’étaient mises d’accord pour coopérer avec le gouvernement syrien pour utiliser la force militaire afin d’expulser « le groupe terroriste ISIS du camp de réfugiés de Yarmouk ».
Majdalani n’a pas nommé les organisations palestiniennes qui avaient accepté cette coopération militaire.
Selon la BBC, Aknaf Beit al-Maqdis, la milice d’opposition palestinienne qui combattait ISIS, « n’était pas impliquée dans l’accord ».
ISIS, connu aussi sous le nom d’État islamique et d’ISIL, a attaqué le camp la semaine dernière, infligeant un autre chapitre de misère aux 18 000 civils qu’on estime y être restés pris au piège.
Yarmouk autrefois abritait environ 150 000 réfugiés palestiniens et ressortissants syriens, mais, comme l’Associated Press l’a déclaré hier, « la plupart des résidents s’en sont sauvés fin 2012 alors que les rebelles y pénétraient au milieu des attaques féroces du gouvernement, dont beaucoup étaient dirigées contre les camps palestiniens surpeuplés dans le Liban voisin. Le gouvernement a placé Yarmouk sous blocus, empêchant l’entrée des ravitaillements de base ».
Des dizaines de résidents sont morts de faim dans le camp alors que la nourriture et l’eau sont devenues une arme de guerre, comme en d’autres endroits en Syrie.
Amnesty International a fait savoir hier qu’ « au moins 18 civils, dont une fillette de 12 ans et un travailleur humanitaire » ont été tués à Yarmouk depuis sa prise de contrôle par ISIS la semaine dernière.
En plus des tirs des snipers de l’ISIS, les résidents sont également « menacés par l’intensification des pilonnages et des bombardements aériens des forces du gouvernement syrien sur le camp… notamment par le largage des bombes barils ».
« Un militant civil à Yarmouk a déclaré à Amnesty International que deux autres résidents étaient morts de faim cette semaine », ajoute l’organisation des droits de l’homme basée à Londres.
Aucun accès
Depuis la fin du mois dernier, l’UNRWA, l’agence des Nations-Unies pour les réfugiés de Palestine, est incapable de fournir une aide alimentaire à Yarmouk. L’année dernière, l’UNRWA n’a pu distribuer que « l’équivalent de seulement 400 calories par résident et par jour, drastiquement en deçà des 2100 calories que le Programme alimentaire mondial recommande pour les civils dans les zones de crise ».
Une coalition d’organisations de la société civile a prévenu aujourd’hui que « la situation dans le camp continue de se détériorer rapidement, et elle s’attend à ce que cette situation se transforme en une tragédie humanitaire à grande échelle, si les couloirs humanitaires ne sont pas sécurisés immédiatement ».
« Alors que les fournitures médicales sont épuisées dans les établissements sanitaires du camp, comme l’hôpital Palestine et l’hôpital al-Basil, les parties combattantes refuser de laisser le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) fournir une aide humanitaire aux civils du camp et évacuer les vingtaines de civils blessés, » déclare l’organisation.
« Il faut par conséquent que le gouvernement syrien autorise l’accès du CICR au camp pour qu’il fournisse de la nourriture et des fournitures médicales, et qu’il évacue les civils blessés », ajoute le communiqué.
L’appel à un accès et à l’évacuation émane également du porte-parole de l’UNRWA, Chris Gunness, lors d’un entretien diffusé aujourd’hui sur la CBC.
« Nous avons besoin d’une pause (dans les hostilités) pour que nous puissions avoir un accès humanitaire aux civils… et aussi pour que les civils qui le veulent puissent être évacués, » a dit Gunness.
Gunness a déclaré à la CBC qu’ISIS contrôle « probablement plus de la moitié » du camp, « où se trouvent 95 % de sa population civile. C’est donc une situation de danger de mort sachant que les officiels syriens parlent de plus en plus d’attaquer le camp et que vous avez des gens qui se retrouvent absolument piégés à l’intérieur à cause du blocus qui se poursuit ».
« C’est une population protégée par les Nations-Unies, dans la capitale d’un État membre des Nations-Unies, au XXIe siècle, » dit Gunness.
« Il est inconcevable pour moi que le monde que l’on dit civilisé puisse tolérer que des femmes et des enfants, les plus vulnérables dans cette guerre civile, puissent être soumis à la barbarie qui est infligée actuellement à la population de Yarmouk. » ajoute-t-il.
« Un camp de la mort »
Le secrétaire général des Nations-Unies, Ban Ki-moon, a déclaré aujourd’hui que « Au titre des horreurs dont la Syrie est le théâtre, le camp de réfugiés de Yarmouk est le cercle le plus profond de l’enfer » (1), ajoutant, « ce camp de réfugiés commence à ressembler à un camp de la mort ».
Les États membres de l’Assemblée générale des Nations-Unies n’en ont pas moins coupé les financements à l’organisme des Nations-Unies mandaté pour fournir des services aux réfugiés palestiniens.
Gunness a déclaré à la CBC aujourd’hui que « la réalité, c’est que nous limitons les services à des populations dans des situations comme à Yarmouk parce que des gouvernements, comme celui du Canada, réduisent leurs financements ».
« Ce n’est rien de moins que la crédibilité du système international lui-même qui est en jeu », ajoute-t-il.
Mais ce système a laissé tomber depuis longtemps les réfugiés palestiniens abandonnés, qui restent apatrides et sans protection, depuis plus de six décennies après leur expulsion forcée de la patrie.
(1) http://www.un.org/apps/newsFr/storyF.asp?NewsID=34567#.VSkbdPD2SQk
Source: Electronic Intifada
Traduction : JPP pour l’Agence Média Palestine