Des Arméniens attaqués dans la Vieille Ville
Le 6 avril 2015 – 23h22
Apo Sahagian est un Arménien Jérusalémite , musicien et écrivain.
C’est arrivé de nouveau samedi soir. Un groupe d’étudiants du séminaire arménien marchait vers le couvent arménien lorsqu’un groupe de jeunes Juifs extrémistes les ont agressés. Mais la police n’a pas voulu l’entendre, ils ne veulent pas entendre le fait qu’au sein de l’état d’Israël, ce n’est pas toujours nous, les goyim, qui sommes les provocateurs. La plupart du temps, dans la Vieille Ville de Jérusalem, ce sont les Juifs. Au moins 20 officiers de police sont entrés illégalement dans le séminaire pour arrêter 2 étudiants qu’ils accusaient d’avoir mis un œil au beurre noir à l’un de leurs agresseurs.
Ces incidents sont bien trop fréquents pour ceux d’entre nous qui vivons dans les anciens murs de la ville de Jérusalem. Il y a un an, je parlais avec un prêtre arménien quand soudain, sorti de nulle part, un jeune juif lui cracha dessus. Une fois que j’ai réalisé ce qu’il venait de se passer, j’ai voulu pousser ce jeune contre un mur et lui rappeler l’histoire de son propre peuple, mais le prêtre insista encore et encore pour tendre l’autre joue. Je décidai de prendre en compte ses paroles et d’être un « bon chrétien » pour cette soirée.
Peu importe le nombre de fois où notre communauté et le patriarcat se sont plaints de ces agressions, les autorités en sont restées résolument indifférentes. Au contraire leur réponse a toujours été d’arrêter les étudiants du séminaire arménien. La police ne vous l’a peut être jamais fait remarquer mais aucune agression de ce genre n’est arrivée avec un musulman. Pourquoi cela arrive-t-il avec de jeunes Juifs qui se baladent dans la Vieille Ville, croyant qu’ils ont le droit inhérent d’agresser ceux qui diffèrent de leur groupe démographique préféré?
L’indifférence de la police mènera éventuellement à des incidents bien plus graves. Je me souviens de ces quelques années en arrière lorsqu’on a découvert des graffitis sur les murs du quartier arménien où l’on pouvait lire : « Mort aux arabes et aux arméniens ». L’incident ne fut pas signalé car le graffiti a été rapidement effacé. Mais les autorités continuent à agir comme si de tels ressentiments n’existaient pas parmi les jeunes Juifs extrémistes ; pour eux, sur la terre des Juifs, tous les autres sont suspects.
Malheureusement, ces tendances extrémistes inquiètent une petite communauté qui n’a jamais causé d’ennuis à l’Etat. Durant ces décennies de conflits entre Israéliens et Palestiniens, les Arméniens de Jérusalem ont gardé un profil bas dans leur quartier calme. Mais ne nous prenez pas pour des faibles. S’il y a une chose que nous les Arméniens et Juifs partageons, c’est que ces histoires tragiques nous ont appris que l’on ne peut pas toujours compter sur les autres pour nous défendre et on ne peut pas toujours tendre l’autre joue. L’application d’une règle juste et de la loi est un devoir pour une communauté qui a abandonné l’idée de changer l’attitude indifférente des autorités. Cela en est arrivé au point où j’ai entendu par hasard une personne dire à un des étudiants du séminaire: « Prends toi une raclée. Si tu te défends ils vont t’arrêter. Tu n’est pas juif ».
Il n’est pas exagéré de dire qu’Israël adore se vanter de ses « communautés chrétiennes grandissantes », dans un Moyen Orient de plus en plus hostile à une vie commune avec les chrétiens. Mais tôt ou tard, Israël devra admettre qu’en achevant la création d’un Etat au Moyen Orient, il a aussi acquit les maux du Moyen Orient. Prendre à l’occasion cette menace en considération peut faire beaucoup pour empêcher les dégâts.
Traduction: Latifa M. pour l’Agence Média Palestine
Source : The Times of Israël