Samah Salaime – 3 juin 2015 – +972
Un nouveau documentaire raconte l’histoire de cinq Palestiniennes, pilotes de course automobile, pour qui il faut apprendre à remettre en question les normes de leur propre société tout en étant confrontées à la violence de l’occupation militaire d’Israël.
Les Speed Sisters. (photo Tanya Habjouqa)
Cette quête de quelque chose de bien, qui vous remplit d’espoir et d’énergie positive, est devenue mission impossible, même pour des optimistes comme moi. Au cours du week-end, je comptais regarder un film avec une amie qui souffre de « dépression temporaire » (comme moi), jusqu’à ce que notre conspiration soit déjouée par cette petite chose appelée enfants et maris. Dimanche, nous avons essayé de notre mieux d’aller à un spectacle comique, mais finalement, nous avons décidé que nous pouvions simplement regarder la Chaîne de la Knesset. Et lundi, notre projet d’aller dans un spa a été jeté dans le même tiroir de la commode que les chaussettes et les sous-vêtements quand ils sortent du lavage.
Mais cela, c’était avant que Haggai Matar me dise qu’un nouveau film intitulé « Speed Sisters » (Les Sœurs de la vitesse), (“السابقات”en arabe), venait d’être projeté en Palestine à Ramallah, samedi dernier. Après deux minutes à regarder sa bande-annonce, j’ai su qu’il me fallait voir ce film. Une énergie indescriptible surgissait de l’écran, où je voyais cinq Palestiniennes, portant une tenue de rallye, de grands casques, avec des voitures de course aux couleurs vives couvertes d’autocollants lançant des éclairs. Je me suis forcée à surmonter mon extrême fatigue et à revenir à la vie, de peur que mes théories sur l’émancipation des femmes ne s’écroulent d’elles-mêmes.
Speed Sisters est un film documentaire qui raconte l’histoire captivante de cinq femmes palestiniennes exceptionnelles qui ont décidé que les voitures, la conduite, la vitesse, les dérapages, la boue, les roues et les moteurs, c’était simplement fait pour elles. Ensemble, elles ont décidé de former une équipe de course automobile entièrement féminine dans les territoires occupés. Cinq jeunes femmes qui partagent le même rêve : conquérir un monde dominé par les hommes et foncer, sans restrictions ni checkpoints.
Vidéo : https://vimeo.com/125648413
Marah Zahalka est la championne, elle vient du camp de réfugiés de Jénine. Son grand-père est un réfugié de Haïfa, et son père est le héros invisible qui soutient son rêve. Il travaille 18 heures par jour pour subvenir aux besoins de sa famille et il aide Marah à gonfler la voiture de ses rêves. J’ai aimé sa théorie, selon laquelle il n’attendra pas la fin de l’occupation et la création d’un État palestinien – comme quand il était jeune – parce que sa fille a besoin de faire ce qu’elle veut de sa vie, et son rôle à lui est de lui fournir tout ce qu’il peut.
Betty Saadeh, belle jeune femme née à Mexico et qui s’identifie comme une « latino-Palestinienne », meurt d’envie de battre le record de Marah et a gagné le titre de championne. Mona Ennab, première des cinq femmes à se lancer dans les courses, est déchirée entre sa quête d’amour et d’un homme qui l’enlèvera, et la puissance du moteur. Dans le film, elle a deux accidents, et pourtant, elle poursuit sa quête. Noor Daoud, l’enfant sauvage, est une sportive à la peau brune, avec une carte d’identité de Jérusalem, qui brise chaque stéréotype à l’égard des femmes qui se dresse sur son chemin. Et Maysoon Jayyusi, capitaine et entraîneur de l’équipe, qui possède un magasin place de la Tour de l’Horloge à Ramallah, s’est éprise d’un Palestinien-jordanien de l’équipe de rallye du Royaume hachémite. Son aimé ne peut venir à elle, et elle trouve difficile d’aller vivre toute sa vie à Amman.
Ces courageuses jeunes femmes n’ont pas d’autre endroit pour s’entraîner à l’écart en dehors de la zone dégagée à proximité de la prison militaire d’Ofer. À défaut d’une autre possibilité, et en dépit de tous les dangers, ces femmes ont décidé qu’elles devaient commencer leur entraînement afin d’améliorer leurs cascades.
Les Speed Sisters (photo Amber Fares)
Le film nous présente un tableau compatissant et gentil des sœurs. Il intègre les dilemmes liés au sexe et à la vie sociale, entre sports et occupation, checkpoints et restrictions à la liberté de déplacement. Entre une carrière dans le monde exigeant du sport dominé par les hommes, et l’amour et la famille. Entre l’accommodement à une vie dans l’ombre de l’occupation et une résistance active à cette occupation.
La championne Marah Zahalka (photo Speed Sisters)
Speed Sisters est un film courageux, un film aussi complexe qu’un moteur de voiture de rallye. Le genre de voiture qu’il vous faut conduire pour vraiment comprendre.
Réalisateur : Amber Fares. 80 minutes. En arabe et en anglais. Speed Sisters est actuellement projeté à des festivals à travers le monde.
Traduction: JPP pour l’Agence Média Palestine
Source: +972