Tandis que la Troisième Flottille de la Liberté s’approche de Gaza, tous les yeux sont tournés vers Israël dans l’attente de sa réaction à cette tentative de briser le siège qu’il impose à la bande côtière.
Un homme agite un drapeau palestinien à Gaza, en un geste symbolique de bienvenue pour la Flottille de la Liberté (MEE/Mohammed Asad)
Mohammed Omer,Jeudi 25 Juin 2015
GAZA CITY – Le courant change à Gaza. Non seulement les courants politiques régionaux qui offrent un nouvel espoir aux Gazaouis, avec le sentiment que quelque chose de bon va se produire dans un avenir proche – soit du côté de l’Égypte, par l’ouverture du passage de Rafah, soit du côté d’Israël, par la possibilité d’un échange de prisonniers à l’instar de ce qui a été fait en 2010. Mais un véritable changement vient par la mer, les yeux de nombreux Gazaouis ne quittant pas le port actuellement calme.
Mahmoud Al-Abbsi, vendeur de sandwiches kebab de 23 ans à Gaza (MEE/Mohammed Asad)
Un chalutier suédois reconverti a quitté l’Italie, avec à son bord des activistes des droits humains de plus de 20 pays. Il vogue en Méditerranée en compagnie d’autres bateaux qui vont dans la même direction – La Flottille de la Liberté N°3 a un but : briser le siège d’Israël sur Gaza.
Le « Marianne de Göteborg » qui a quitté la Suède le 10 mai, a rendu public son trajet le long des côtés méditerranéennes vers Gaza. Son arrivée imminente à Gaza est une source d’enthousiasme pour de nombreux habitants.
Mahmoud al-Absi, un vendeur gazaoui de sandwiches, qui a 23 ans, a dit que de telles flottilles sont bienvenues et que pour lui ce qui est le plus important n’est pas seulement qu’elles apportent des approvisionnements essentiels à la survie, mais aussi « que les passagers qui sont à bord puissent montrer au monde la punition qu’est la vie quotidienne d’1,8 millions de personnes assiégées par Israël.
Mohammed Salem, un Palestinien de 17 ans à Gaza (MEE/Mohammed Asad)
Mohammed Salem, qui a 17 ans, marche comme tant d’autres le long du port de pêche après Ramadan ; il a dit qu’il espère qu’Israël laisse entre cette flottille pour que le monde pense qu’il n’y a pas de siège sur terre, si sur mer ni dans les airs à Gaza.
« J’ai bon espoir que cette flottille arrive à Gaza et apporte de bonnes nouvelles comme quoi le blocus illégal est levé. Et peut-être que davantage d’Arabes se positionneront en solidarité avec nous » a-t-il dit. « Nous savons tous que la piraterie navale d’Israël pourrait tenter d’arrêter la flottille. Et si cela arrive, nous manifesterons encore au port et nous inonderons les réseaux sociaux du monde entier pour répandre le constat de l’injustice ».
Ramy Abdu, président du Bureau Euro-Mediterranéen de Veille sur les Droits Humains de Gaza (MEE/Mohammed Asad)
Depuis le Bureau Euro-méditerranéen de veille sur les droits humains de Gaza, le président Ramy Abdou a déclaré : « nous, Gazaouis, somme plus impatients que jamais d’accueillir la flottille ».
Abdou a dit que le timing de la flottille est significatif, dans la perspective de changements politiques importants dans la région. Il a exprimé l’espoir que ce sera un premier pas vers l’installation d’un port maritime permettant aux Gazaouis de voyager en toute liberté, sans intimidation.
Abdou a participé à un événement qui a eu lieu mardi au port de pêche de Gaza, avec un allumage de bougies en signe de bienvenue pour ceux qui arrivent de plus de 20 pays différents.
En même temps, al-Absi disait qu’il avait le sentiment qu’Israël voulait améliorer sa réputation au niveau international après la guerre. « Je serais étonné qu’ils laissent passer les bateaux, mais ils peuvent vouloir abuser le monde en faisant croire qu’il n’y a pas de blocus à Gaza et en laissant entrer le bateau ».
Al-Absi a dit qu’il n’a pas l’impression que le bateau va créer quelque obstacle que ce soit pour d’éventuelles discussions indirectes entre Israël et le Hamas. « Nous savons que de telles discussions prennent des années et nous avons déjà attendu longtemps. Voyons le bateau qui, nous l’espérons, nous apportera la liberté de voyager.
Dimanche, Tzipi Hotovely, la vice-ministre israélienne des affaires étrangères, a déclaré au Jerusalem Post que son ministère travaillait nuit et jour sur tous les moyens diplomatiques » susceptibles de bloquer la flottille.
Le Hamas, de son côté, en la personne de son principal leader politique Ismail Haniyeh, a envoyé un message de bienvenue aux passagers attendus prochainement à Gaza. « Nous souhaitons la bienvenue aux membres de la solidarité internationale de la Flottille de la Liberté n° 3 » a dit Haniyeh.
Mais la flottille est un défi pour Israël, dans la mesure où parmi les gens à bord se trouvent des personnalités politiques en vue, dont l’ex président de la République tunisienne, Mohammed Moncef Marzouki et Basel Ghattas, le membre palestinien de la Knesset en Israël, qui a annoncé sa participation dans une lettre ouverte à Netanyahou, ainsi que plusieurs députés européens et des militants.
Hotovely a dit que l’implication de Ghattas équivalait à « servir l’ennemi en profitant de l’immunité parlementaire ».
Le bateau transporte des panneaux solaires, du matériel médical et d’autres éléments d’aide humanitaire. Un nouveau rapport publié en mai par la Veille Euro-méditerranéenne des Droits Humains basée à Genève s’est concentré sur les effets du blocus israélien et des attaques israéliennes contre des paysans à proximité de la zone tampon et contre des pêcheurs qui ont reçu des coups de feu.
Jeunes palestiniens protestant contre le siège de la bande de Gaza (MEE/Mohammed Asad) –
Al-Absi a dit être informé qu’en 2010 l’attaque par Israël d’une flottille a tué 10 militants de la paix turcs et en a blessé 50 autres à bord. Il a dit que cela pouvait arriver encore. Mais, a-t-il ajouté, maintenant on ne joue plus la même partie : le monde entier sait que le siège de Gaza continue alors que la guerre a dévasté les lieux et que les matériaux pour reconstruire une vie normale pour les habitants, n’arrivent pas.
Makarim Wibisono, rapporteur spécial de l’ONU, s’est aussi rendu au Moyen Orient au début du mois de juin, mais Israël lui a refusé l’accès aux territoires palestiniens occupés sans même accepter de lui donner une explication.
Wibisono est préoccupé par le blocus, qui en est maintenant à sa huitième année et qui a imposé de terribles restrictions à la liberté de circulation des Palestiniens, à l’économie, aux importations et exportations, et qui a condamné Gaza à un chômage croissant et à la dépendance de l’aide internationale, ainsi qu’il l’a indiqué au Conseil des Droits Humains, vendredi dernier.
« En conclusion, si Gaza doit se remettre des dégâts dus aux multiples épisodes des hostilités qui ont bouleversé son économie, le blocus doit être levé ».
Mais les Palestiniens de Gaza estiment que de tels commentaires de la communauté internationale ne sont pas à même de forcer Israël à changer sa politique sur le terrain, a dit Shaymaa Miqdal, un écrivain de Gaza.
« Je sais que la flottille est un soutien symbolique et ne peut résoudre les problèmes de Gaza mais
nous ne pourrons pas très longtemps continuer à vivre assiégés, avec des ressources très limitées ».
Un droit palestinien
« Ce qu’il nous faut, ce sont des actions semblables à celle de la Flottille de la Liberté n° 3 » a dit Abdou à Middle East Eye (MEE). Il a dit que c’est un « droit des Palestiniens d’avoir un port maritime souverain et une liberté de circulation entre Gaza et le reste du monde ».
Abdou a dit que l’UE avait précédemment accepté d’installer une unité d’observation d’une mission européenne d’assistance aux frontières au passage de Rafah et que l’UE pourrait agir de même au port de Gaza.
« Dans ce cas, des observateurs de l’UE pourraient s’occuper de tous les problèmes de sécurité d’Israël et des craintes d’acheminement d’armes de contrebande par les Palestiniens par voie maritime ».
Quoi qu’il en soit, l’image actuelle n’est pas exactement reluisante, et les jours qui viennent montreront la détermination des passagers de la flottille à apporter de l’aide et à voir de leurs propres yeux la situation à Gaza, comme l’a dit Kajsa Ekis Ekman, journaliste de Suède, à MEE la veille du départ.
Pendant ce temps, les pêcheurs de Gaza ont constaté une activité croissante de la part de bateaux de guerre israéliens dans la zone des cinq milles du rivage et des tirs constants sur les pêcheurs.
« Nous allons vers un test majeur des intentions d’Israël qui doit décider ce qu’il veut des Gazaouis » a dit Salim, son regard plein d’espoir scrutant l’horizon.
Des Palestiniens brandissent leur drapeau national dans les eaux de Gaza, en un geste symbolique de bienvenue pour la Flotille de la Liberté (MEE/Mohammed Asad)
Traduction: S.F pour l’Agence Media Palestine
Source: MiddleEastEye