Un groupe de danse palestinien maintient en vie l’art populaire

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La troupe de danse El-Funoun, dans le spectacle de la production « Images et Souvenirs », le 21 juin 2009.
(Photo El-Funoun)

Par Ahmad Melhem

Ramallah – Cisjordanie. Avec une troupe de danse populaire palestinienne du nom d’El-Funoun, Mohammad Yaacoub et ses amis Mohammed Atta et Wassim al-Kurdi ont entrepris une tournée pour interpréter les chansons populaires palestiniennes, accompagnées de danse et de la dabkeh (danse folklorique arabe du Levant), avec l’objectif de préserver le patrimoine et le folklore palestiniens.

El-Funoum, dont les membres ont été dès sa création des bénévoles et continuent de l’être, a été la première troupe à réunir les arts populaires en Cisjordanie après l’occupation de 1967. Elle a présenté près de 1000 spectacles, localement, régionalement et internationalement, et en a produit 15 autres qui allient authenticité culturelle et modernité.

Les trois cofondateurs d’El-Funoun affirment qu’il y a aussi d’autres raisons, en plus de la préservation du folklore palestinien, derrière le groupe. Le cofondateur Yaacoub a déclaré à Al Monitor, « Nous avons décidé de créer El-Funoun pour être partie prenante du changement, et parce que nous croyons que l’art est un élément du mouvement révolutionnaire et populaire contre l’occupation (israélienne), et une composante authentique du tissu populaire et de ses aspirations nationales et culturelles, sous le secret qui aujourd’hui entoure les évènements culturels en raison du harcèlement de l’occupation ».

La vision artistique d’El-Funoun s’inspire du folklore historique pour épanouir l’art populaire contemporain qui contribue à susciter le changement dans la société et chez les individus. « Nous avons été convaincus dès le début que l’art sous l’occupation ne peut pas être neutre, » dit Yaacoub, « mais il doit avoir un rôle instructif et pédagogique et privilégier les causes nationales, basé sur notre conviction que notre travail s’intègre dans la résistance à l’occupation ».

Khaled Katamesh, l’agent d’El-Funoun, a déclaré à Al-Monitor que depuis la création de la troupe de danse en 1979, et jusqu’en 1984, « Les spectacles d’El-Funoun se sont inspirés de la réalité rurale et civique (en Palestine), sans rien y ajouter ou modifier. Cela a été clair dans les chorégraphies folkloriques de 1982. Nous avions l’habitude de rencontrer les paysans dans les villages, d’écouter leurs chansons à la saison des récoltes et lors des mariages, et nous les interprétions sur scène en ville ».

Et d’ajouter, « Jusqu’en 1984, notre travail relevait davantage d’un travail de terrain et d’un contact direct avec la population, que d’un travail artistique créatif. Cela, cependant, nous a aidés à être acceptés par la population ».

El-Funoun a exposé sa philosophie artistique, culturelle et nationale dans son spectacle de 1984 « Wadi a-Tuffah » (Apple Valley). Il s’agit d’une épopée folklorique qui relate l’histoire du peuple palestinien sous l’autorité israélienne. Le spectacle invite les gens à poursuivre la recherche de la vérité et de la justice pour les Palestiniens.

La dabkeh palestinienne est une composante majeure des chorégraphies réalisées par El-Funoum. « La dakbeh est un élément essentiel de l’identité nationale et culturelle, » a dit Katamesh à Al-Monitor, « et par conséquent, sa préservation sous l’occupation est un devoir, afin pour nous de confirmer notre présence sur notre terre, car cela fait partie de la lutte qui va de pair avec la montée révolutionnaire (du pays), à un moment où l’occupation contrecarre et ferme les festivals folkloriques et traditionnels ».

En 1986, les succès de la troupe qui avaient précédé convergèrent dans le nouveau spectacle appelé « Misha’I » (Le Flambeau), lequel s’inspirait de la réalité palestinienne sous la domination ottomane. Cependant, le spectacle a fait apparaître les signes d’une nouvelle orientation vers la dabkeh sur scène, qui fut soumis aux règles académiques applicables au théâtre et aux arts. Le spectacle ré-instrumentalisait également les chants traditionnels.

Malgré les succès populaires ainsi obtenus, et pour ajouter au harcèlement des autorités israéliennes, la troupe s’est trouvée confrontée à une pression au niveau local, et plus spécialement à une pression sociétale, étant donné que les filles n’étaient pas autorisées à participer aux spectacles, et confrontée aussi à une critique contre l’introduction d’une certaine modernité dans le folklore.

Yaacoub affirme que la troupe reste résolue et déterminée pour continuer son travail en dépit des attaques, tout en étant ciblée par les autorités israéliennes, « ce qui conforte notre conviction qu’il n’y a pas d’art neutre sous l’occupation ».

Pour sa part, Darwish dit, « La société n’acceptait pas que les femmes obtiennent un emploi, et la participation des filles dans la troupe a soulevé des critiques. Nous avons été quelquefois empêchés de jouer, et nous avons été agressés comme cela s’est passé à Hébron en 1984. Pourtant, notre conviction dans l’éducation (du public) et (la réalisation) du changement nous a encouragés à poursuivre notre tâche. »

Pour Yaacoub, la critique est normale. « Nous avons un message que nous faisons passer à travers les idées lancées sur la scène. Donc, il doit y avoir des critiques, particulièrement depuis que notre message fait partie de leur patrimoine et de leur présence ».

Yaacoub d’ajouter, « Les coups de l’occupation ont aguerri la troupe, ils ont prouvé la justesse de son message et renforcé notre popularité. Cela s’est produit en 1989, alors que nous préparions la réalisation d’une œuvre d’art surnommée « Marj ibn Amer », deux ans après le déclenchement de la Première Intifada. L’armée israélienne a arrêté 14 des 16 danseurs de la troupe, en plus du parolier, du musicien et de certains chanteurs ».

El-Funoum se compose actuellement de 122 bénévoles, comprenant 80 danseuses et danseurs divisés en deux groupes selon l’âge (12-18 ans, et plus de 18 ans). Au cours de l’année dernière, ils ont présenté 19 spectacles en Palestine, et deux autres au Canada et en Jordanie. La troupe a aussi programmé un spectacle en Égypte et deux à Milan, en Italie.

« La troupe a un public étranger, et nous sommes ouverts à tous, et à toutes les expériences, toutes les cultures et aux différents styles de danse, lesquels nous servent à épanouir la danse palestinienne tout en préservant l’identité artistique palestinienne » dit Darwish. « Nous avons réussi à faire connaître la dabkeh palestinienne au monde. Les pays européens en sont devenus très familiers, et ils l’aiment ».

Le 6 mars, El-Funoum a fêté son 36e anniversaire et, d’après Yaacoub et Katamesh, elle est impatiente de connaître un plus grand succès encore grâce à la chorégraphie créative contemporaine qui intègre l’identité et l’histoire culturelle palestiniennes.

Traduction : JPP pour l’Agence Média Palestine

Source: Al Monitor

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