L’avenir de Gaza paraît sombre

L’avenir de Gaza paraît sombre

Un nouveau rapport de l’ONU prédit que la bande de Gaza ne sera pas « habitable » d’ici 2020.

ddf9e32c197641c88e4eb332e4e2a040_18

Gaza est dans un état d’urgence permanent et sans changement radical, le pire est à venir pour ses habitants, écrit Ben White [AP].

Par Ben White, journaliste indépendant, écrivain et militant, spécialiste du conflit israélo-palestinien.

On a vu des gros titres tristement familiers la semaine dernière, alors qu’un nouveau rapport des Nations-Unies prévenait que Gaza pourrait être inhabitable d’ici 2020 si les tendances actuelles se poursuivent. Ce dernier avertissement vient trois ans après une prédiction semblable de l’ONU qui disait que la bande de Gaza ne serait plus « habitable » d’ici 2020 si aucune mesure drastique n’est prise pour améliorer l’infrastructure et les services élémentaires.

Le nouveau rapport, publié par la Conférence des Nations unies sur le Commerce et le Développement (CNUCED), est une analyse approfondie de la réalité économique du territoire palestinien occupé. Le rapport met en cause les « politiques discriminatoires » d’Israël et explique comment les offensives israéliennes sur la bande de Gaza en 2014 ont fait chuter son PIB de 15 % et fait plonger l’économie palestinienne dans sa première récession depuis 2006 avec un taux de chômage culminant à 44 %.


Gaza ruinée

Selon le rapport, les perspectives d’amélioration sont « peu encourageantes » en raison de l’instabilité des conditions politiques, de la réduction des flux d’aide et de la lenteur de la reconstruction. Israël a porté un coup supplémentaire en retenant les recettes douanières palestiniennes pendant les quatre premiers mois de 2015.

Le rapport de la CNUCED rappelle avec force comment Israël a imposé ces 15 dernières années à la bande de Gaza un processus qu’on nomme « dé-développement », un terme utilisé pour décrire comment Israël a exproprié des ressources, contribué à la dépendance économique et affaibli la capacité de production de Gaza. Le blocus et les offensives militaires ont touché tous les aspects de la vie : le logement, l’éducation, la santé, le système sanitaire, la sécurité alimentaire, entre autres.

Selon le contenu du rapport, avant même les violences de l’été 2014, le blocus israélien avait déjà « infligé des dommages considérables à l’économie locale, aux actifs productifs et aux infrastructures de Gaza ». L’opération militaire, connue sous le nom d’opération Bordure protectrice, « a eu des incidences sur une économie déjà paralysée alors que la situation socioéconomique était à son plus bas niveau depuis 1967 ».

Les restrictions imposées à Gaza par Israël ont commencé dans les années 90 et se sont intensifiées en 2000 quand Ehud Barak, puis Ariel Sharon, ont essayé de réprimer la deuxième Intifada. Mais le pire restait à venir : après la victoire électorale du Hamas en 2006, Israël n’a plus autorisé les ouvriers à entrer par le point de passage d’Erez ou Beit Hanoun.

Le blocus a été encore renforcé en 2007 quand le Hamas a pris le contrôle de la bande de Gaza après des affrontements violents avec les forces du Fatah. Un télégramme diplomatique américain de 2008 révélé par Wikileaks dit : « Des responsables israéliens ont confirmé en de multiples occasions qu’ils avaient l’intention de maintenir l’économie de Gaza au bord de l’effondrement sans toutefois la faire basculer. »

Les éléments clés du blocus (parmi lesquels une liste d’articles interdits tels que les cannes à pêche, la coriandre et les cahiers, et presque toutes les exportations) ont perduré jusque 2010. La colère internationale face à l’assaut meurtrier du bateau Mavi Marmara faisant route vers Gaza a entraîné seulement un léger assouplissement des restrictions. Il a porté sur les restrictions à la circulation des personnes et des biens entre Gaza et la Cisjordanie occupée dans le cadre de ce que les responsables israéliens ont appelé une « politique de séparation ».

En plus du blocus permanent, Israël a mené trois offensives militaires dévastatrices depuis 2008. Selon les estimations de la CNUCED, les pertes économiques directes de l’opération Plomb durci atteignent près de 2,5 milliards de dollars, alors que le coût direct cumulé des opérations Pilier de défense et Bordure protectrice (qui inclut les dommages faits aux actifs et la baisse du PIB) est, dit-on, d’environ 3,2 milliards de dollars.

Etat d’urgence

Un an après la dernière de ces trois offensives, la reconstruction d’environ 2000 des 19000 foyers détruits a commencé l’année dernière, mais pas un seul n’a été complètement reconstruit. Une centaine de milliers de Palestiniens sont toujours sans domicile, et seulement 5 % des matériaux nécessaires à la reconstruction a pu arriver à Gaza.

L’infrastructure de Gaza est endommagée et est proche de l’effondrement. L’année dernière, Israël a détruit ou endommagé 17 hôpitaux et 56 centres de soin primaires. L’éducation à Gaza est également dans un état chaotique avec 85 % des écoles qui fonctionnent par roulement ; un groupe d’étudiants assiste aux cours le matin et un autre groupe l’après-midi. Les coupures de courant sont fréquentes dans les logements, les hôpitaux et les stations d’épuration, et 95 % de la nappe phréatique côtière, source d’eau douce dont dépendent les habitants de Gaza, est non-potable sans traitement.

A la conférence du Caire d’octobre 2014, les donateurs ont promis de verser 5,4 milliards de dollars pour la bande de Gaza, dont la moitié devrait être utilisée pour la reconstruction.

En mai 2015, seulement 27 % de la somme promise avait été versée. Pendant ce temps, le blocus continue. Les biens qui partent de Gaza pour le marché de la Cisjordanie occupée, le marché israélien et les marchés internationaux ne représentent encore que 13 % des exportations de 2005.

Comme le dit le rapport de la CNUCED, « si l’aide des donateurs est d’une importance vitale pour les personnes en proie à de grandes difficultés à Gaza, elle ne saurait être considérée comme une solution de remplacement à la fin du blocus, ni permettre de s’abstenir de rappeler à Israël ses obligations en vertu du droit international. »

Pour le dire simplement, le niveau d’aide n’est pas suffisant dans le contexte des offensives répétées d’Israël et du blocus économique permanent. Le statu quo ne peut même pas être une solution temporaire ; Gaza est dans un état d’urgence permanent, et sans changement radical, le pire reste à venir pour ses habitants.

Donc, les donateurs occidentaux (les gardiens du soi-disant « processus de paix ») continuent à mettre de l’argent dans un puits sans fond. Ils subventionnent les crimes de guerre et les politiques d’apartheid d’Israël dans la bande de Gaza et en Cisjordanie occupée dans un contexte insoutenable. Parce qu’ils refusent de faire pression sur Israël pour qu’il mette un terme à ses violations des droits de l’homme et pour qu’il respecte le droit international.

Traduction: E.C pour l’Agence Média Palestine

Source: Al Jazeera

Retour haut de page