Le Quartet brasse de l’air pendant que la Palestine brûle

Par Ali Abunimah, 2 octobre 2015

021015_shh_00_14

Des Palestiniens sont assis devant leur maison après que des colons juifs l’ont barbouillée de graffitis en hébreu disant « Vengeance, Henkin » et ont mis le feu à leur voiture dans le village de Beit Ilu, près de Ramallah, le 2 octobre dernier.(Shadi Hatem, APA images)

Jeudi dernier, deux colons israéliens ont été tués en Cisjordanie occupée.
Eitam et Naama Henkin ont été abattus par des coups de feu alors qu’ils se déplaçaient de Itamar à Elon Moreh, deux colonies exclusivement réservées aux Juifs et construites sur des terres arrachées aux Palestiniens en violation du droit international.

Leurs quatre jeunes enfants ont été laissés indemnes par les assaillants, qui auraient fui dans leur propre véhicule.

Les assassins restent inconnus, alors que les forces d’occupation israéliennes mènent des incursions de grande envergure dans la région de Naplouse.

Pendant ce temps, les colons ont pu librement attaquer les Palestiniens et saccager leurs biens, en ce que même Ynet Israël a appelé une nuit de « price tag attacks » (des attaques de vengeance provocatrices, ndlr).

Les Palestiniens ont défendu leurs communautés contre les représailles continuelles des colons.

L’attaque de l’armée et des colons israéliens contre les Palestiniens à la suite de la tuerie d’hier offre un contraste frappant, mais tristement prévisible, avec la situation d’août dernier, après que des colons israéliens ont brûlé vive la famille Dawabsha, dans le village de Dura.

La ministre de la Défense d’Israël, Moshe Yaalon, a récemment admis que les forces d’occupation savent qui sont les assassins du bébé Ali Dawabsha, de sa mère et de son père Saad Riham, mais ont décidé de ne pas les arrêter.
Il semble tout à fait plausible que le meurtre des Henkin constitue une vengeance. Leurs enfants, comme le frère d’Ali, âgé de quatre ans et gravement blessé, sont désormais orphelins.
Israël reste le responsable de toutes ces morts horribles et évitables ; son occupation violente terrorise tout Palestinien, homme, femme et enfant, de façon brutale, systématique et permanente.

Quant aux Henkins, avec d’autres familles de colons, ils constituent, aux yeux des hauts responsables israéliens, tel le vice-premier ministre Silvan Shalom, « le gilet pare-balles de l’État d’Israël » – des munitions à exploiter pour justifier l’accaparement des terres.

L’impunité systématique et la protection qu’Israël offre aux colons qui détruisent et volent les terres et les propriétés palestiniennes et qui brûlent vifs des Palestiniens envoient le message effrayant que les Palestiniens ne jouissent d’aucune protection contre un régime d’occupation dont les ministres et les dignitaires religieux incitent au génocide contre eux.

Les attaques meurtrières contre des colons sont relativement rares par rapport aux meurtres commis de façon routinière par Israël à l’encontre de Palestiniens. Mais dans la réalité brutale, en dehors de toute loi, du colonialisme de peuplement et de l’occupation, une telle violence adopte sa propre logique sinistre, comme l’a également montré le long et sanglant conflit en Irlande du Nord. Dans ce pays, seul un règlement politique dont la légitimité ralliait une large adhésion a pu mettre fin à la violence.

Beaucoup ont averti que l’escalade progressive de la violence – particulièrement à Jérusalem – provoquée par la colonisation frénétique et les tentatives agressives de prise de contrôle de la mosquée al-Aqsa qu’effectue Israël risquent d’entraîner une explosion aux conséquences pires que ce que nous avons déjà vu.

Pourtant, alors que le comportement d’Israël devient de plus en plus éhonté et dépourvu de retenue, l’indifférence internationale semble se durcir.

Remplis d’illusions

Un exemple frappant en est la déclaration faite par le soi-disant Quartet, le groupe ad hoc de représentants de l’ONU, de l’UE, des États-Unis et de la Russie qui est censé gérer le « processus de paix ».
Une réunion regroupant la majorité de ses hauts fonctionnaires a eu lieu à New York cette semaine, en marge de l’Assemblée générale de l’ONU.

La déclaration qu’ils ont publiée est un amas de clichés vides, au point qu’elle aurait pu être produite par une machine.

« Le Quatuor a réaffirmé son engagement indéfectible à parvenir à une solution à deux États qui réponde aux besoins des Israéliens en matière de sécurité et aux aspirations des Palestiniens à un État et à la souveraineté, mette fin à l’occupation qui a commencé en 1967, et résoudre toutes les questions liées au statut permanent, afin de mettre fin au conflit », stipule cette déclaration.

Cela est un engagement à la fois ferme et délirant d’ignorer la réalité, à savoir que si une « solution à deux États » a jamais été possible, Israël l’a rendue caduque avec son implacable colonisation.

De surcroît, la chef de la diplomatie israélienne, la vice-ministre des Affaires étrangères Tzipi Hotovely, a récemment admis ouvertement ce que tout le monde sait : Israël a l’intention de ne pas se retirer d’un pouce de la Cisjordanie, qu’il dénomme «Judée et Samarie». 

« [La restitution de] la Judée et de la Samarie ne sont même pas sur la liste des options que nous offrons aux Palestiniens », a déclaré Tzipi Hotovely.

Certes, le Quatuor a exprimé sa « grave préoccupation devant le fait que les tendances actuelles sur le terrain – notamment la poursuite des actes de violence contre les Palestiniens et les Israéliens, les activités de colonisation en cours, et le nombre élevé de démolitions de structures palestiniennes – mettent dangereusement en péril la viabilité d’une solution à deux États ».


Il n’a absolument rien dit, cependant, à propos d’un suivi sur l’enquête indépendante des Nations Unies qui appelait à ce que les auteurs de crimes de guerre à l’encontre de Gaza soient traduits en justice.
D’autres actions seraient-elles toutefois envisagées ? La déclaration précise, dans une langue de bois magistrale, qu’absolument aucune ne sera entreprise :

« Les délégués du Quatuor vont entamer un dialogue directement avec les parties afin d’explorer des actions concrètes de la part des deux parties qui puissent démontrer leur engagement réel à œuvrer pour une solution à deux États, notamment en encourageant les efforts visant à se mettre d’accord sur des mesures importantes, conformément aux accords antérieurs, qui puissent profiter aux Israéliens et aux Palestiniens. » 
L’expression « les deux parties » apparaît tout au long de la déclaration, perpétuant l’image trompeuse selon laquelle Palestiniens et Israéliens seraient de puissances égales, et donc égaux à l’égard de la responsabilité et de la capacité à agir.


Il en résulte l’absolution d’Israël, la puissance occupante, et la soustraction à toute responsabilité de la violation de dizaines de résolutions de l’ONU.
Au-delà de son absurdité, la déclaration du Quatuor équivaut à une ferme volonté de rester inactif dans les coulisses tandis que la Palestine brûle.
Il s’agit d’une attitude particulièrement irresponsable étant donné que, comme l’a fait observer cette semaine le ministre des Affaires étrangères russe, Sergueï Lavrov, dans une conférence de presse de l’ONU, la situation en Palestine reste l’un des principaux facteurs qui alimentent l’extrémisme et de la violence dans cette région du monde.


Quoi qu’il en soit, tandis que les projecteurs se dirigent ailleurs, Israël continuera à occuper, coloniser et terroriser les Palestiniens, avec le résultat certain et tragique que davantage de familles, palestiniennes et israéliennes, pleureront des proches.

Traduction: Francoise M. pour l’Agence Média Palestine

Source: Electronic Intifada

Retour haut de page