Ali Abunimah, 28 octobre 2015
Des membres d’une équipe médicale palestinienne transportent un manifestant blessé lors des affrontements avec les forces d’occupation à l’extérieur de la colonie de Beit El, près de la ville de Ramallah en Cisjordanie. 27 octobre. (Shadi Hatem / APA images)
Israël pratique des exécutions sommaires de Palestiniens, a confirmé Amnesty International.
Il laisse parfois des Palestiniens blessés se vider de leur sang.
L’association de droits de l’Homme dit qu’elle a « mené une enquête approfondie sur au moins quatre incidents dans lesquels des Palestiniens ont été délibérément abattus par les forces israéliennes alors qu’ils ne représentaient aucune menace vitale imminente, dans ce qui semble bien avoir été des exécutions extrajudiciaires ».
La condamnation par Amnesty de ce qu’elle a appelé une « tendance manifeste » vers ce genre d’assassinats sommaires est survenue alors que le nombre de Palestiniens tués ce mois-ci par les forces israéliennes s’est élevé à au moins 61.
Dix Israéliens sont morts dans la même période.
Mercredi, les forces israéliennes ont abattu un Palestinien dont elles ont déclaré qu’il avait essayé de poignarder un des soldats d’un checkpoint près de la colonie de Tel Rumeida dans la ville d’Hébron en Cisjordanie occupée.
Le Mouvement de Solidarité Internationale (ISM) a dit qu’un de ses membres à Hébron a vu que l’homme avait été abattu alors qu’il se trouvait à deux mètres des soldats israéliens.
« Je suis sûre à 100 pour cent qu’il n’était pas armé », a dit le témoin. « J’ai vu les deux soldats avancer lentement en rampant, tenant leurs fusils armés, sur la route qui passe sous la fenêtre de notre appartement, et j’ai regardé en bas dans la rue pour savoir pourquoi. J’ai vu un homme non armé qui marchait normalement vers les soldats et brusquement, ils ont tiré. »
Wattan TV a donné le nom de la victime : Islam Rafiq Ebeido d’Hébron, 23 ans.
ISM a mis ce témoignage, ainsi qu’une photo de l’homme gisant mort, sur son site.
Jacob Burns
Des colons armés dans les rues avec des tas de militaires et de civils tout autour #Hébron
28 Oct. 2015 – 14 H.38
Mardi, les forces israéliennes ont abattu trois Palestiniens. Hammam Said, 23 ans, a été tué près de Tel Rumeida. Plus tôt ce jour là, deux Palestiniens ont été tués par balles près du bloc de colonies de Gush Etzion au sud de Bethléem après avoir soi-disant poignardé un soldat.
Ils ont été identifiés comme Shaban Abu Shkeidem, 17ans, et Shadi Nabil Abd al-Muti Dweik, 22 ans, tous deux d’Hébron.
Le rapport d’Amnesty dit que de récents assassinats perpétrés dans des circonstances similaires équivalaient à des « exécutions extrajudiciaires ».
Adolescents exécutés
Amnesty déclare que le meurtre de Saad Muhammad Yousif al-Atrash, âgé de 19 ans, dans la Vieille Ville d’Hébron est un « cas particulièrement insigne ».
Israël a prétendu que le jeune homme avait essayé de poignarder un soldat, mais selon Amnesty, « un témoin oculaire qui observait le déroulement des événements depuis son balcon a dit qu’il ne représentait aucune menace lorsqu’il a été abattu ».
« L’un des soldats lui avait demandé sa carte d’identité et, comme il mettait la main dans sa poche pour attraper sa carte, un autre soldat qui se tenait derrière lui a tiré, le touchant au côté droit », a dit le témoin à Amnesty.
Al-Atrash a été atteint par six ou sept balles, puis laissé à perdre son sang pendant environ 40 minutes. Le témoin a dit aussi qu’elle avait vu les forces israéliennes placer un couteau dans la main d’al-Atrash.
Abattue les mains en l’air
La veille, les fores d’occupation israéliennes ont abattu Dania Jihad Hussein Irsheid, 17 ans, tout près de là où al-Atrash a été tué.
Peu avant, « elle était passée par un checkpoint équipé d’un détecteur de métal et de deux grilles pivotantes, entre lesquelles les forces israéliennes enferment fréquemment les personnes qu’elles jugent suspectes », déclare Amnesty.
« A un deuxième checkpoint en face de la mosquée d’Abraham à Hébron, elle a été appelée pour une deuxième inspection par plus de cinq membres de la police aux frontières qu ont commencé à fouiller dans son sac et à lui demander en criant de montrer son couteau », ajoute le rapport. « Des tirs d’avertissement ont été tirés à ses pieds, l’obligeant à rapidement reculer et à lever les mains en l’air. »
La lycéenne criait qu’elle n’avait pas de couteau tout en gardant les mains en l’air, quand les tireurs israéliens l’ont abattue de multiple balles.
Une photo « montre un couteau à côté du corps », déclare Amnesty, qui note cependant que, même si Irsheid possédait un couteau, « les récits des témoins indiquent qu’elle n’était pas une menace pour les forces israéliennes quand ils l’ont abattue et que son meurtre est donc absolument injustifié ».
Ce récit de l’assassinat d’Irsheid recoupe parfaitement une enquête publiée cette semaine par le Centre Palestinien des Droits de l’Homme.
Amnesty a également étudié les meurtres extrajudiciaires de Fadi Alloun, 19 ans, le 4 octobre dans Jérusalem Est occupée, et de Hadil Hashlamoun, 18 ans, le 22 septembre à un checkpoint d’Hébron.
Le Centre Palestinien des Droits de l’Homme a étudié l’exécution extrajudiciaire, filmée en vidéo vendredi dernier, d’Ahmad Muhammed Said Kamil, 17 ans, au checkpoint d’al-Jalameh au nord de la Cisjordanie.
Meurtre par refus de soins
Les personnels médicaux palestiniens racontent fréquemment que les forces israéliennes leur refusent l’accès aux Palestiniens blessés.
Amnesty a également découvert que « Dans certains cas, la personne abattue était abandonnée par terre se vidant de son sang et ne recevait aucune assistance médicale rapide, en violation de l’interdiction de la torture et autres mauvais traitements. »
Plusieurs associations de droits de l’Homme ont récemment condamné l’incitation des leaders israéliens à ce que soldats et civils aient l’obligation de tuer des Palestiniens simplement soupçonnés de se préparer à commettre une agression.
Le refus délibéré de soins médicaux apparaît comme une autre méthode pour obéir à ces instructions.
« Graves infractions »
En principe, Amnesty justifie l’usage de la force par Israël contre une population palestinienne qu’il maintient sous occupation militaire depuis des décennies.
L’association de droits de l’Homme a simplement exhorté Israël à mettre fin à ce qu’elle juge comme une « force excessive » et des « meurtres illégaux ».
Amnesty a failli à reconnaître clairement que la violence israélienne sert à enraciner et à faire perdurer un système illégal d’apartheid et de colonisation qui n’a aucune légitimité quelle qu’elle soit.
Mais Philip Luther, directeur du secteur Moyen Orient de l’association, concède néanmoins que « des soldats et des policiers lourdement armés et portant des gilets pare-balles face à une potentielle attaque au couteau ont le devoir d’utiliser une force proportionnée et graduée et d’essayer d’arrêter les suspects avant de recourir à l’utilisation d’une force létale ».
Luther note également que « les systèmes d’investigation d’Israël ont longtemps servi à perpétuer l’impunité en cas de meurtres illégaux de Palestiniens par les forces militaires et policières israéliennes ».
Ces meurtres, ajoute-t-il, « sont de graves infractions à la Quatrième Convention de Genève, selon laquelle tous les Etats doivent exercer la compétence universelle ».
En d’autres termes, les Israéliens responsables pourraient avoir à faire face à des poursuites dans tout pays prêt à faire valoir la primauté du droit sans courber l’échine sous les intimidations d’Israël et de ses soutiens.
Raed Salah emprisonné
Mercredi, un soldat israélien a comparu devant un tribunal de Haïfa, accusé de s’être poignardé lui-même avec un couteau et d’avoir dit à la police qu’il avait été attaqué par un Palestinien.
Parallèlement, un tribunal israélien a rejeté l’appel de Raed Salah, leader influent chez les citoyens palestiniens d’Israël, qui dirige la branche Nord du Mouvement Islamique.
Salah a été condamné à 11 mois de prison pour une soi-disant incitation à la violence dans un discours de 2007.
Sheikh Raed Salah le 27 octobre devant un tribunal de Jérusalem.
(Mahfouz Abu Turk / APA images)
Salah a dit que les décisions de la Cour ne le surprenaient pas à la lumière des récentes décisions d’Israël de « légitimer les exécutions sommaires de Palestiniens ». Il a ajouté que « la prison est le prix le moins élevé que nous pouvons payer pour l’amour de Jérusalem ».
Ahmad Tibi, membre du parlement israélien pour la Liste Arabe Unie, a dit à la Cour qu’il avait été « influencé par l’atmosphère passionnée dans le public ».
Le Premier Ministre d’Israël Benjamin Netanyahu a récemment menacé de mettre hors la loi le Mouvement Islamique, au prétexte qu’il serait derrière la récente « vague de violence ».
Tibi a accusé le gouvernement de « chercher à transférer la responsabilité des violences en cours sur d’autres partis, dont le Mouvement Islamique ».
Saisie de terres, descente dans un hôpital
Israël poursuit sa répression brutale et ses arrestations massives de Palestiniens dans toute la Cisjordanie occupée. Seulement mardi, des responsables du Croissant Rouge ont dit à l’Agence Ma’an News qu’il y avait eu 143 blessés dans les affrontements avec les forces d’occupation israéliennes, dont au moins 22 à balles réelles.
Mercredi, pour le deuxième jour d’affilée, les forces israéliennes ont fait une descente dans un hôpital de Jérusalem Est occupée et ont fouillé dans les dossiers des patients.
Un manifestant palestinien tient une cartouche de gaz lacrymogène tirée le 27 octobre par les troupes israéliennes pendant les accrochages près de la frontière entre Israël et le centre de la Bande de Gaza.
(Yasser Qudih / APA images)
Les forces d’occupation israéliennes se sont emparées de terrains privés dans six villages palestiniens, près de la ville de Naplouse en Cisjordanie, mesure dont un responsable de l’Autorité Palestinienne a dit qu’elle était faite pour « satisfaire les colons extrémistes ».
Les forces d’occupation ont aussi tiré sur des manifestants palestiniens dans la Bande de Gaza, près de la frontière Est du camp de réfugiés d’al-Bureij, blessant sans trop de gravité une personne.
Traduction : J Ch. pour l’Agence Média Palestine
Source: Electronic Intifada