Nur Arafeh: L’étranglement de l’économie palestinienne

Par Nur Arafeh, Le Monde Diplomatique – Edition anglaise

17 novembre 2015

 

L’Union Européenne a publié cette semaine ses lignes directrices attendues depuis longtemps sur l’étiquetage des produits des colonies , produits issus des colonies illégales construites par Israël dans les territoires qu’il a occupés en 1967. Même avant la publication de ces lignes directrices, le gouvernement israélien a dynamité cette décision, prétendant qu’elle représentait un danger pour la paix et une discrimination envers Israël.

 

Il a même prétendu que l’étiquetage porterait tort aux travailleurs palestiniens dans les colonies israéliennes. Cette déclaration crée délibérément une confusion et détourne l’attention internationale du préjudice colossal que l’occupation et la colonisation de la Palestine par Israël portent à l’économie palestinienne.

 

C’est vrai, quelques Palestiniens travaillent dans les colonies israéliennes. Mais combien ? Et pourquoi travaillent-ils dans les colonies ? Pour répondre à ces questions, il faut commencer par jeter un regard rapide sur l’impact de l’occupation israélienne sur l’économie palestinienne.

 

Israël a exploité l’économie palestinienne – directement et à travers son entreprise coloniale illégale – depuis qu’il a démarré son occupation. Il a confisqué la terre et les propriétés palestiniennes pour y installer ses colonies et son agriculture, s’est emparé des ressources en eau (les plus de 600.000 colons utilisent maintenant autant d’eau que les 2.600.000 Palestiniens de Cisjordanie), s’est emparé des sites touristiques, et a exploité les carrières, les mines, la Mer Morte et d’autres ressources naturelles non renouvelables palestiniennes.

 

En plus, les colonies sont soutenues par une infrastructure de routes, de checkpoints, et le Mur de Séparation, créant ainsi des bantoustans isolés. Selon une étude de la Banque Mondiale, 68 % de la soi-disant zone C – qui représente 60 % de la Cisjordanie et est richement dotée en ressources naturelles – sont réservés aux colonies israéliennes, alors que moins de 1 % est attribué à l’usage des Palestiniens.

 

Cette fragmentation physique, couplée avec les restrictions israéliennes sur la circulation et l’accès, a conduit à l’émergence de différentes économies dans les territoires occupés, endommageant gravement les perspectives de développement économique. Globalement, on estime que le coût total de l’occupation représente presque 85 % du total estimé du PIB palestinien (environ 7 milliards de dollars) dans la seule année 2010. L’entreprise coloniale illégale a ainsi gravement étranglé l’économie palestinienne. Il n’est donc pas surprenant que l’économie souffre maintenant de faiblesse structurelle et et d’une base de production affaiblie, incapable de générer suffisamment d’emplois et d’investissements. Il n’est pas non plus surprenant que les Palestiniens soient devenus dépendants de l’aide étrangère, y compris de celle des contribuables de l’UE et de ses pays membres.

 

C’est cette rude réalité économique qui conduit quelques Palestiniens – estimés en 2013 à 3,5 % de la force totale de travail en Cisjordanie – à travailler dans les colonies israéliennes où ils sont soumis à des conditions de travail difficiles et parfois dangereuses. La plupart n’ont pas d’assurance maladie pour les protéger en cas d’accidents du travail, et on estime que 93 % n’ont pas de syndicat pour les représenter ; ils sont soumis à des licenciements arbitraires et à des retraits de permis s’ils réclament leurs droits ou essaient de se syndiquer.

 

On avance parfois que les travailleurs palestiniens dans les colonies reçoivent des salaires plus élevés que sur le marché palestinien ; il faut cependant noter qu’ils sont payés en moyenne moitié moins que le salaire minimum israélien. Par exemple, à Bequa’ot, colonie israélienne de la Vallée du Jourdain, les Palestiniens sont payés 35 % du salaire minimum légal. (Les usines de conditionnement de Mehadrin, le plus grand exportateur de fruits et légumes vers l’UE, se trouvent dans cette colonie.) Plus de 80 % des travailleurs palestiniens quitteraient leurs postes dans les colonies s’ils pouvaient trouver une alternative dans le marché du travail palestinien.

 

Tandis qu’Israël insiste pour dire que l’étiquetage par l’UE fera du tort à quelques milliers de travailleurs palestiniens, en réalité des millions de Palestiniens ont été dépossédés de leurs ressources économiques. Et l’occupation israélienne porte tort aux Palestiniens bien plus que l’étiquetage européen des produits des colonies ne le pourrait. Ce dont les Palestiniens ont besoin, c’est de la fin de l’occupation, pas de plus d’emplois dans les colonies illégales. Alors seulement, ils pourront renforcer la base de production de leur économie, générer de l’emploi, assurer leur indépendance et leur auto-suffisance – et cesser de dépendre de l’aide européenne.

L’UE a reconnu l’illégalité de l’entreprise coloniale d’Israël, qui viole les Règlements de La Haye de 1907, la Quatrième Convention de Genève de 1949, et le droit des Palestiniens à l’autodétermination. Mais l’UE étant le principal partenaire commercial d’Israël, ses lignes directrices ne satisfont pas entièrement ses obligations morales et juridiques. Les Etats tiers sont tenus à ne fournir aucune aide au maintien d’une situation illégale. L’UE devrait interdire tous les produits des colonies et mettre fin à ses relations avec toutes les formes d’économie israélienne engagées dans l’entreprise coloniale illégale d’Israël.

 

Traduction : J. Ch. Pour l’Agence Média Palestine

Source: Mondediplo.com

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