Un blocus maritime d’Israël sur Gaza motivé par les découvertes gazières

Charlotte Silver – The Electronic Intifada – 22 décembre 2015

 

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Israël a accéléré la militarisation des eaux de Gaza, interdisant aux Palestiniens l’accès à des ressources qui se trouvent aux larges de leur côte. (Mohammed Asad/APA Images)

 

Quand Benjamin Netanyahu a supprimé les lois anti-monopoles pour permettre l’exploitation de vastes réserves de gaz en mer la semaine dernière, le Premier ministre a rejeté les critiques en présentant sa décision comme impérative pour la « sécurité nationale » d’Israël.

Qualifiant le gaz sous la Méditerranée de « cadeau de Dieu », Netanyahu a promis que sa décision conduirait Israël à son indépendance énergétique.

Il y a quinze ans, le défunt dirigeant de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), Yasser Arafat, faisait une déclaration semblable comme il se trouvait à bord d’un bateau de pêche en Méditerranée, tandis que la British Gaz confirmait la présence de gaz naturel à moins de 20 miles nautiques de la côte de la bande de Gaza, à l’intérieur de la zone maritime du territoire occupé.

« C’est un cadeau de Dieu pour nous, pour notre peuple, pour nos enfants » avait dit Arafat. « Cela fournira une base solide à notre économie, pour la création d’un État indépendant avec la ville sainte de Jérusalem pour capitale ».

Mais quinze années plus tard, la découverte de nombreux et riches gisements pétroliers dans l’est méditerranéen n’a rien rapporté aux Palestiniens – et c’est probablement ce qui motive le blocus maritime dévastateur d’Israël sur Gaza.

« Israël a fermé tout accès aux eaux territoriales de la Palestine pour protéger les plates-formes gazières et les pipelines d’exportation », selon Annexing Energy, nouveau rapport de l’organisation palestinienne de défense des droits de l’homme Al-Haq.

Dans le même temps, Israël s’opposait par la force à ce que les Palestiniens puissent exploiter les champs gaziers dans leurs eaux de Gaza.

« L’appropriation, l’exploitation illégales par Israël, et son opposition à l’exploitation des ressources pétrolières et gazières constituent un pillage et une violation de plus du droit à l’auto-détermination de la Palestine », déclare Al-Haq.

Le groupe souligne aussi que les Israéliens n’agissent pas seuls : « Par leurs actions, les grandes sociétés internationales et les États, dont ceux de l’Union européenne, qui concluent des accords pour l’exportation par pipelines du gaz des gisements de Tamar et Leviathan d’Israël… donneront efficacement leur soutien à la fermeture illégale des eaux maritimes palestiniennes et en retireront des profits ».

 

Les découvertes de gaz

 

En 2000, dans les moments où les gisements gaziers de Gaza étaient découverts, Israël découvrait Mari-B, un gisement gazier situé à la frontière maritime avec Gaza.

Depuis lors, Israël a accéléré la militarisation des eaux de Gaza, officiellement pour protéger ses propres précieuses ressources – tout en sabordant toute possibilité pour les Palestiniens d’accéder aux leurs.

La réduction violente d’Israël de la zone maritime de Gaza de six à trois miles nautiques au large de la côte a commencé en 2000, indique le rapport, bien qu’elle n’ait été annoncée officiellement qu’en janvier 2009.

En août 2008, note Al-Haq, des restrictions pour la pêche ont été imposées aux Palestiniens, et en décembre de la même année, Israël a envahi cette minuscule bande de terre dans ce qu’il a baptisé l’ « Opération Plomb durci ».

Quand Israël a mis fin à son agression, qui a coûté la vie à plus de 1400 Palestiniens, il a maintenu en place son blocus maritime de Gaza.

 

La militarisation des eaux de Gaza

 

En 2014, la marine israélienne a déclaré à un journal d’affaires israélien que tout bateau de pêche palestinien naviguant à moins de sept miles des plates-formes de forage sera « intercepté ».

Aujourd’hui, pas une semaine ne se passe sans que des pêcheurs palestiniens ne soient pris pour cible par les forces navales israéliennes alors qu’ils essaient de pêcher dans les eaux au large de Gaza.

Ainsi, pendant qu’Israël se prépare à exploiter le gisement gazier de Leviathan, le plus important au centre du débat actuel sur l’énergie, il équipe sa marine, déjà meurtrière, d’un armement renforcé.

En mai, Israël a signé un contrat de 470 millions de dollars avec l’Allemagne pour quatre navires patrouilleurs armés pour garder ses plates-formes gazières en mer.

Le même mois, il a signé un accord de coopération de défense avec le gouvernement de gauche de la Grèce, pro-Israël, en partie en raison de ses préoccupations pour la « sécurité maritime » dans les gisements gaziers méditerranéens.

Et plus tôt ce mois-ci, l’armée israélienne a annoncé qu’elle installait des intercepteurs de missiles de l’Iron Dome (Dôme de fer) sur ses navires de guerre pour protéger ses plates-formes de forage.

Pendant ce temps, Al-Haq affirme que le gazoduc sous-marin, qui transporte le gaz entre Israël et l’Égypte, se situe « au cœur » du blocus maritime illégal d’Israël sur Gaza.

Construit en 2005, le gazoduc d’El-Arish coupe directement à travers les eaux de Gaza. Débutant en février 2008, l’Égypte a utilisé le pipeline pour distribuer le gaz vers Israël, assurant à 40 % du gaz d’Israël un prix nettement inférieur à celui du marché.

Israël a procédé à la mise en place illégale de zones tampons autour du gazoduc et de ses gisements gaziers de Mari-B, empêchant les pêcheurs palestiniens de pénétrer sur leurs propres eaux.

Al-Haq indique que cette zone d’exclusion, s’étendant profondément à l’intérieur des eaux palestiniennes, constitue une violation de la législation internationale, laquelle autorise les pays à maintenir une « zone de sécurité » de 500 mètres à l’extérieur de leurs eaux territoriales.

 

Inexploité

 

En attendant, les gisements gaziers de Gaza restent inexploités. British Gas, qui avait signé un contrat de 25 ans avec l’Autorité palestinienne, a tenté d’obtenir un accord avec Israël pour exporter le gaz palestinien.

Le Président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas et le gouvernement israélien de l’ancien Premier ministre Ehud Olmert, avaient convenu secrètement que les parts palestiniennes des revenus seraient acheminées à travers un compte offshore inaccessible au gouvernement officiel de l’Autorité palestinienne dirigé par le Hamas depuis sa victoire aux élections législatives de 2006.

Finalement pourtant, Israël a bloqué l’exportation de tout gaz palestinien.

Depuis 1967, les Palestiniens de Cisjordanie et de la bande de Gaza sont totalement dépendants d’Israël pour leur énergie, une dynamique de pouvoir qui s’est avérée extrêmement lucrative pour Israël.

De fait, la facture énergétique de l’Autorité palestinienne constitue le plus gros facteur de son déficit commercial avec Israël.

Le jour même où Netanyahu mettait l’exploitation des gisements gaziers en route, Israël et la Turquie prenaient de nouvelles mesures pour normaliser leurs relations. Selon les dirigeants israéliens et des articles dans la presse turque, la Turquie cherche à acheter du gaz israélien pour sa propre utilisation et pourrait devenir la principale plaque tournante pour sa distribution en direction de l’Europe.

Israël se sert des gisements gaziers comme d’une opportunité pour renforcer ses liens avec l’Égypte également, de même qu’avec les gouvernements européens soucieux de réduire leur dépendance au gaz russe.

Pas surprenant que les commentateurs pro-Israël célèbrent l’heureuse « convergence d’intérêts » découlant de l’aubaine pour Israël du combustible fossile offshore.

Pendant ce temps, la découverte du gaz dans les eaux de Gaza a seulement apporté à Israël plus de prétextes et d’opportunités, avec la complicité internationale, pour garder les Palestiniens prisonniers sur leur propre terre.

Traduction : JPP pour l’Agence Média Palestine

Source: Electronic Intifada

 

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