Samedi 6 février 2016, par Free Haifa
Jeudi 4 février, 72ème jour de la grève de la faim du journaliste palestinien Mohammed Al-Qiq pour dénoncer sa détention administrative, Herek Haïfa a organisé une manifestation pour sa libération. Environ deux heures avant le rassemblement, nous avons entendu dans les nouvelles que la cour d’injustice israélienne avait décidé de « suspendre » la détention administrative d’Al-Qiq à cause de la détérioration de sa santé. Immédiatement, nous avons commencé à recevoir des coups de fil : « Est-ce que la manifestation va être annulée ? » Non, avons nous répondu. Nous ne pouvions pas consulter Muhammad ni quiconque agissant en son nom. Mais la grève de la faim était faite pour faire annuler la détention administrative, pas pour la « suspendre ». Nous nous souvenions du cas de Muhammad Allan, dont la détention administrative avait été « suspendue » après plus de 60 jours de grève de la faim, mais qui avait été réactivée dès que son état de santé s’était amélioré.
Herak Haifa – Manifestation jeudi 4 février : Libérez Muhammad Al-Qiq !
Le seul point positif de la suspension, c’est que Muhammad n’est plus attaché à son lit et qu’on peut lui rendre visite. En fait, pas tout le monde. Sa famille est toujours emprisonnée derrière les barrières qui enferment les enclaves de l’ »autonomie palestinienne » en Cisjordanie et n’a pas obtenu la permission de lui rendre visite, en dépit de ce qui avait été prétendu au tribunal. De nombreux militants politiques et gens de conscience parmi les Palestiniens qui vivent à l’intérieur de la Ligne Verte ont saisi cette opportunité pour rendre visite à Muhammad Al-Qiq depuis jeudi. Quand je suis entré dans sa chambre d’hôpital aujourd’hui (samedi 6 février), je l’ai trouvé trop faible pour parler. Par des gestes et des grimaces, il a remercié ses visiteurs et réaffirmé sa résolution.
Pendant ces visites, Al-Qiq a été pris en photo avec un message écrit : « Je continue la grève ! »
Le danger est que la « suspension » saperait le combat pour la libération d’Al-Qiq, aggravant ainsi instantanément son risque vital. Même « Sikha Mekomit » (« Conversation Locale »), aile gauche du débat politique israélien, a titré « La Haute Cour a suspendu la détention administrative du journaliste en grève de la faim à cause de son état de santé ». Seul le sous-titre mentionne que la grève se poursuit « jusqu’à l’annulation totale de sa détention ». Le titre aurait dû dire que le tribunal israélien refusait d’annuler la détention administrative d’Al-Qiq et continuait à donner une apparence trompeuse de légalité à la politique de l’occupation de détention sans inculpation et sans aucune possibilité de protection juridique.
Une policière armée devant la chambre d’Al-Qiq à l’hôpital d’Afula : Détenu ou libéré ?
Le silence, l’accoutumance et les aspects « culturels » qui entourent les crimes de l’occupation sont maintenant en train de tuer Mohammed Al-Qiq. Quand Samer Issawi a mené une grève de la faim contre sa détention administrative en 2013, ses émouvantes lettres de prison ont bouleversé l’opinion publique mondiale et ont même touché une partie du public israélien. Quelques « intellectuels israéliens » ont trouvé convenable de lui écrire et de lui demander d’arrêter sa grève. Lors des derniers jours de la grève de la faim de Muhammad Allan, en août 2015, tous les yeux se sont focalisés sur l’hôpital d’Ashkelon où le rapport militaire du directeur de l’hôpital accroissait les soupçons sur l’intention d’alimenter Allan de force. Quand des gangs fascistes d’Ashkelon ont attaqué les sympathisants d’Allan et que la police d’Ashkelon a finalement décidé de bloquer les entrées de la ville pour empêcher l’arrivée des sympathisants et que des accrochages s’en sont suivi, cela a dramatisé la situation et augmenté la pression pour la libération d’Allan.
Depuis octobre dernier, des Palestiniens sont tués tous les jours dans l’ « Intifada des Individus ». Le sang des Palestiniens et les Droits de l’Homme ont atteint un prix dérisoire aux yeux des Israéliens et de l’opinion publique mondiale. Cela devient plus difficile que jamais de mobiliser l’opinion publique contre les crimes de l’occupation.
Le gouvernement israélien marche ouvertement sur tous les principes de la justice et des droits de l’Homme, en supposant que cela conduira finalement les Palestiniens au désespoir. Et si ce désespoir augmente le bain de sang, il le voit comme un bonus, parce que la violence israélienne est toujours plus efficace et mortelle et qu’elle fait avancer l’objectif de détruire ou d’expulser les Palestiniens de leur terre afin d’achever de la voler. C’est pour cela qu’ils ont arrêté les prisonniers qui avaient été relâchés dans un échange de prisonniers en 2011. Ainsi en 2012, après que la grève de la faim collective des prisonniers palestiniens se soit terminée avec des promesses de réduction de l’utilisation de la détention administrative, les autorités de l’occupation ont depuis doublé le nombre de détentions administratives.
De nombreuses personnes demandent « innocemment » pourquoi les Palestiniens ne mènent pas un combat non-violent. Comme si la violence était le résultat du choix des Palestiniens. Comme si on donnait le choix aux Palestiniens. Eh bien, la grève de la faim est la forme la plus élevée de lutte non-violente. Mais, même contre elle, la réponse du gouvernement israélien est l’escalade de la violence : l’alimentation forcée. Ou bien, si les médecins refusent d’alimenter de force les grévistes de la faim, le gouvernement israélien et sa justice offrent une autre solution : mourir tranquillement.
Visite auprès de Muhammad Al-Qiq à l’hôpital : Ne laissons pas notre silence le tuer !
Muhammad Al-Qiq est un journaliste et sa détention administrative est une agression contre la liberté d’expression et le droit du public, le droit de chacun de nous, d’entendre la vérité à propos des crimes de l’occupation.
La détention administrative est le cas le plus facile pour que les défenseurs de l’état de droit et des droits de l’Homme puissent prendre une position claire. C’est une détention sans charges, sans jugement ou processus juridique qui permettrait de donner à la victime une chance de réfuter les accusations alléguées contre elle.
La lutte contre la détention administrative est conduite ces dernières années par l’ »intifada des individus » sous la forme de grèves de la faim prolongées. Des gens courageux et sans peur qui mettent leur vie en danger pour exiger la liberté et la justice : Khader Adnan, Hana Shalabi, Samer Issawi, Muhammad Allan, Muhammad Al-Qiq.
Nous ne devons pas laisser mourir Muhammad Al-Qiq – Elevons nos voix dans l’intérêt de l’élimination de la détention administrative et pour sa libération immédiate !
(Cet article est également disponible en Hébreu)
Traduction : J. Ch. pour l’Agence Média Palestine
source: Free Haifa