Un dissident israélien a reçu l’ordre de soumettre ses posts facebook à la censure militaire

 Ali Abunimah – The Electronic Intifada – 4 février 2016

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 Le journaliste israélien Yossi Guvitz dit qu’il va défier la censure militaire (Jonathan Klinger)

Un dissident juif israélien a reçu l’ordre de soumettre ses posts pour les médias sociaux à la censure militaire.

Yossi Gurvitz, qui écrit en anglais et en hébreu pour un certain nombre de publications, critique fréquemment les violations par son pays des droits des Palestiniens, et son idéologie officielle, le sionisme.

« La censure militaire m’a adressé un ordre aujourd’hui, exigeant que je soumette à son contrôle préalable tout post ou statut Facebook que j’écrirai sur les FDI (Forces de défense israéliennes – l’armée israélienne) ou sur l’organisation du ministère de la Défense, » écrit Gurvitz dans une série de tweets mercredi. « Je n’ai pas l’intention de me plier à cette exigence et je suis en train d’examiner quelles sont mes options sur le plan juridique, » ajoute-t-il.

« Exiger que les posts et statuts soient préalablement soumis à la censure, c’est fondamentalement tuer les médias sociaux en Israël, » déclare Gurvitz.

Guvitz a révélé à The Electronic Intifada par téléphone qu’il avait d’abord reçu un message sur Facebook, depuis un compte qui prétendait être celui de la censure militaire officielle.

Mais la page de profil du compte ne contenait que peu d’informations, ce qui l’a amené dans un premier temps à penser qu’il pourrait s’agir d’un canular.

« J’en ai parlé à des amis et ceux-ci m’ont dit que si c’est un canular, bon c’est un canular, mais si c’est vrai, alors tu dois y donner une réponse » dit Gurvitz.

« Donc je leur ai envoyé (au bureau de la censure militaire) un courriel, et quelques jours plus tard, ils ont répondu que oui, « c’est bien nous qui vous avons envoyé cela » ».

« Je leur ai dit que, selon moi, leur action était extravagante et que je ne m’y conformerai pas, » ajoute Gurvitz.

Des dizaines de censurés

Gurvitz est l’un des 30 utilisateurs et bloggeurs sur les médias sociaux à avoir reçu un ordre similaire ces derniers jours, selon le quotidien Ha’aretz de Tel Aviv, mais il semble être le seul à s’exprimer haut et fort à ce sujet.

Elad Hen, l’éditeur de Hevra (la Société), a confirmé à la publication israélienne The Seventh Eye que son journal de gauche avait reçu un avis similaire.

Gurvitz a de son côté écrit à +972 Magazine et blogué au groupe des droits de l’homme Yesh Din.

Il a tweeté également : « Après avoir consulté un conseiller juridique, j’ai décidé de ne pas publier le document envoyé par la censure militaire car c’est interdit de façon expresse. »

Gurvitz indique à The Electronic Intifada qu’il ne sait toujours pas si l’ordre concerne seulement ses posts sur les médias sociaux, ou s’il vise aussi son blog personnel Friends of George.

Le bureau de la censure militaire a confirmé qu’il avait bien envoyé ces ordres.

« Dans la dernière semaine, de telles communications ont eu lieu avec plusieurs pages Facebook qui se définissent elles-mêmes comme des informations et/ou un bulletin d’informations, » a déclaré le bureau de la censure à Ha’aretz. « Dans la communication, il n’y a aucune demande spécifique de suppression de la moindre publication. Il faut souligner que les profils impliqués ne sont pas des profils privés mais uniquement des pages publiques, lesquelles se définissent elles-mêmes comme des médias et qui sont destinées à être lues par le public. »

Gurvitz précise à The Electronic Intifada que lorsqu’il a ouvert son compte Facebook, il l’a classé comme « informations », parce qu’il n’a pensé à aucune autre description plus appropriée.

Une répression d’envergure

Les ordres de censure tombent à un moment où les dissidents, les défenseurs des droits de l’homme et les gens de gauche sont confrontés à une vague d’incitation et de répression policières actuellement en Israël.

Le groupe d’extrême droite Im Tirtzu, pour lequel le Premier ministre Benjamin Netanyahu a personnellement collecté des fonds, y est pour beaucoup dans cette incitation.

Il a récemment publié une vidéo où il qualifie de traîtres les responsables de plusieurs groupes israéliens des droits de l’homme.

Gurvitz est l’une des voix qui a longtemps été dans le collimateur d’Im Tirtzu.

Guvitz a encore indiqué à The Electronic Intifada que les ordres de censure pouvaient être liés à l’atmosphère politique.

« Je ne peux l’affirmer avec certitude, mais le timing est très suspect, » dit-il. Il note aussi qu’aucune publication de droite n’a indiqué avoir reçu de tels ordres.

 « Un cas d’urgence »

En vertu de la Réglementation pour la Défense (en matière d’urgence) de 1945, imposée par la puissance coloniale britannique en Palestine et maintenue depuis par Israël, la censure militaire dispose de larges pouvoirs pour bloquer pratiquement toute publication.

La répression israélienne contre le droit d’expression des Palestiniens de la Cisjordanie et de la bande de Gaza occupées, et celui des citoyens palestiniens d’Israël, a été longtemps la norme.

Israël lance fréquemment des poursuites contre les Palestiniens, particulièrement à Jérusalem-Est sous occupation, pour ce qu’il nomme « l’incitation » sur Facebook.

Cependant, ses violations tendent seulement à attirer l’attention et la critique internationales à un haut niveau quand elles en viennent à cibler les juifs.

À cet instant, des voix libérales commencent à être préoccupées par l’ « érosion » d’une démocratie israélienne qui n’a jamais fonctionné comme telle pour les Palestiniens.

Gurvitz dit ne pas connaître les conséquences possibles d’un refus de l’ordre de censure.

« Personne ne sait, » dit-il. « Au cours des trente années passées, la censure n’a lancé aucune poursuite contre une personne pour ne pas lui avoir obéi, sauf s’il y a eu aussi infraction à la sécurité. »

Gurvitz dit avoir discuté avec les avocats de l’Association pour les Droits civils en Israël.

« Si la censure persiste dans cette voie, nous pourrions n’avoir d’autre recours qu’une action devant les tribunaux, » dit-il.

« Tout le monde devrait connaître ce que l’on appelle la Silicon Wadi, cette grande zone de startups qui laisse la censure militaire fouler aux pieds ses utilisateurs de Facebook, » dit Gurvitz, se référant aux tentatives d’Israël de se vendre comme un havre pour une haute technologie ouverte et tournée vers l’avenir.

« Je crois que Facebook a quelque chose à dire à ce sujet, » ajoute-il.

 Dena Shunra et Ofer Neiman ont contribué à cette traduction en anglais.

Traduction : JPP pour l’Agence Média Palestine

Source: Electronic Intifada

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