Retour du cinéma à Gaza après une longue absence

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Des gens se rassemblent à Gaza pour voir le film « Oversized Coat » (Un manteau trop grand), le16 janvier 2016. (photo de facebook/Gaza Cinema)

Ville de GAZA dans la bande de Gaza — La lumière était discrète et le public chuchotait. Les spectateurs fixaient l’écran pour voir ce qui allait arriver au héros du film Oversized Coat projeté le 26 décembre dans la salle de la Société du Croissant Rouge. Les Gazaouis ont regardé le film dans une atmosphère stimulée comme la ville n’en avait pas vue depuis des décennies.

Les cinémas ayant été fermés à Gaza depuis l’intifada de 1987, des réalisateurs prennent des initiatives personnelles pour tenter de faire revivre l’industrie du cinéma dans la bande de Gaza.

Entsar Abu Jahal

31 janvier 2016, traduction de Sami-Joe Abboud

 

Avant l’intifada Al-Aqsa de 1987, on pouvait compter environ six salles de cinéma dans la bande de Gaza. Mais les projections dans ces salles se sont arrêtées lorsque les priorités de Gaza se sont déplacées vers la résistance et que certains se soient opposés au contenu des films projetés, les jugeant immoraux.

Messaab al-Hindi, le directeur de Ain Media qui a organisé la projection du film, a dit que l’initiative de la Première était celle du réalisateur de Oversized Coat, Nawras Abu Saleh, un réfugié palestinien vivant en Jordanie. Ce dernier avait contacté Ain Media et exprimé le désir de projeter le film une deuxième fois dans un contexte privé qui puisse restaurer l’esprit du cinéma à Gaza.

La Première du film a eu lieu le 15 décembre à l’occasion su 28ème anniversaire de l’intifada Al-Aqsa, dans la salle de conférence de l’université islamique de Gaza. Mais le public fut restreint, du fait que la projection n’avait été annoncée qu’aux étudiants. La salle de l’université est réservée aux étudiants et au personnel et n’est pas ouverte au public. C’est pourquoi les gens ont demandé une deuxième projection.

Hindi a dit au Moniteur : « pour la deuxième projection (dans la salle de la Société du Croissant Rouge), nous avons essayé de créer une ambiance de cinéma, avec des lumières tamisées et des sièges en gradins. Nous avons vendu les billets 2,25 € pour couvrir les frais de location de la salle et donner une modeste participation aux organisateurs et à ceux qui ont vendu les billets ».

« Le manque de salles de cinéma à Gaza a fait que les Gazaouis sont en attente de toute tentative de créer une ambiance cinématographique » a dit Hindi.

Interrogé sur les obstacles qu’a rencontrés sa société pour la deuxième projection, Hindi a dit qu’il n’y a pas eu de problème ; une fois choisie la salle de la Société du Croissant Rouge, la communication a été conçue et les billets ont été vendus. Il a noté que tous ceux qui avaient des billets n’ont pas pu prendre place dans la salle, étant donné qu’elle n’était pas faite pour des projections à un public nombreux. Des sièges ont été ajoutés et même comme cela, tout le monde n’a pas trouvé de place.

Quand on l’a questionné sur le prix des billets au regard du siège israélien et de la crise financière dont souffrent les fonctionnaires du gouvernement de Gaza, Hindi a dit qu’ils ont l’intention de demander à la direction de la Société du Croissant Rouge Palestinien une réduction du coût de la location de la salle, initialement fixé à 317 €. Il a dit que s’il était répondu favorablement au souhait de sa société, le prix des billets serait diminué pour de futures projections parce que l’objectif premier est de soutenir le spectacle palestinien et non de faire du profit.

« Si quelqu’un se présente en disant ne pas pouvoir payer, nous le laisserons entrer gratuitement » a-t-il dit.

Interrogé sur les raisons de choisir la salle de la Société du Croissant Rouge Palestinien, Hindi a dit : « Le nombre de salles qui se prêtent à des projections de films est limité à Gaza, mais celle-ci a été choisie en fonction de sa taille et de son équipement. Elle contient 200 personnes et la Société du Croissant Rouge permet à des activités et des événements de s’y tenir moyennant finances. La salle a aussi une bonne logistique pour les projections ».

La première, à l’université, était gratuite puisqu’il s’agit d’une institution d’éducation, mais comme le public n’a pas pu assister à la projection, Ain Media a décidé de lancer le Programme de Cinéma de Gaza qui projette un film palestinien chaque samedi dans la salle du Croissant Rouge.

Questionné sur les projets futurs de sa société, Hindi a dit qu’il allait contacter le ministère de la culture pour obtenir un soutien au Programme de Cinéma de Gaza, et qu’ils allaient procéder à quelques aménagements dans la salle pour qu’elle ressemble vraiment à une salle de cinéma. Il a ajouté qu’il allait contacter de nombreux réalisateurs de cinéma palestiniens, pour ajouter davantage de films palestiniens au Programme de Cinéma de Gaza, qui va se poursuivre tant qu’il suscite suffisamment d’intérêt.

À propos de “Oversized Coat,” Abu Saleh a dit que le film traitait de la réalité palestinienne entre 1987 et 2011, une période jamais abordée dans quelque spectacle que ce soit, en dépit de l’importance des événements qui se sont déroulés et qui ont conduit la cause palestinienne là où elle en est aujourd’hui.

Abou Saleh a dit avoir lancé l’opération Al-Mi’a (100) par un appel à dons de 100 personnes pour couvrir les dépenses liées à la production du film.

Questionné sur les raisons qui l’ont amené à projeter le film, Abou Saleh a dit : « je voulais que le plus grand nombre possible de Palestiniens le voient, sachant combien on est éloigné de la sphère du cinéma, à Gaza ».

De façon générale, l’industrie palestinienne du cinéma est face à plusieurs obstacles concernant le financement, à des difficultés pour la production et à un manque d’intérêt, étant donné que les gens se concentrent sur des choses qui sont très éloignées du cinéma, au vu de la situation politique.

« L’industrie cinématographique palestinienne est jeune. Bien qu’il y eût des salles de cinéma à Gaza avant l’intifada (Al-Aqsa), celles-ci se limitaient à des films égyptiens, en l’absence de films palestiniens. L’industrie nécessite une stratégie bien pensée qui puisse la soutenir et la mettre sur le bon chemin du soutien d’ensemble à la cause palestinienne, puisque c’est un art qui peut aisément apporter le message aux spectateurs » a dit Abou Saleh.

En ce qui concerne l’opinion des Palestiniens sur le besoin de salles de spectacle à Gaza, Khouloud Nassar, qui a assisté à la deuxième projection de Oversized Coat, a dit au Al-Monitor : « les Gazaouis ont besoin de salles de spectacle (où l’on puisse voir des films) qui reflètent les préoccupations et les rêves de la cause palestinienne et qui soient une sorte de paradis, à l’écart des différences politiques ».

Il a dit : « il n’est pas juste que les salles de cinéma restent fermées sous prétexte des mauvaises conditions économiques et du siège de la bande de Gaza ».

Pour sa part, Atef Asqool, le directeur général du Département des Arts et du Patrimoine au Ministère de la culture, a insisté sur le rôle du cinéma dans la société, qui soulage de la pression que subissent les habitants de Gaza à cause des cirses successives qui s’abattent sur Gaza.

Asqool a pointé certaines réalisations du ministère dans une demande de soutien au cinéma. Il s’est référé au film de Mahmoud Zahar, “Imad Akel,” sur les pratiques des Forces de Défense Israéliennes contre des Palestiniens dans un camp de réfugiés. Le film a représenté un bond prodigieux au niveau local, dans le domaine du spectacle palestinien, lors du Festival International de Palestine du film pour enfants de 2013.

Asqool a dit que la raison qui préside au manque de cinéma ne tient pas à la tendance islamique du gouvernement du Hamas, mais au fait que le gouvernement du Hamas ne soutient pas d’initiatives destinées à réactiver le rôle du cinéma.

Il a dit que le ministère est en partenariat avec les autorités solidaires pertinentes qui portent intérêt aux films et aux événements culturels, étant donné le manque de ressources financières du ministère. Mais le ministère croit fermement à l’importance sociale et culturelle d’avoir des cinémas à Gaza, ce qui l’incite à faire revivre ces salles.

Questionné sur la direction du ministère, Asqool a dit : « (le ministère) est tombé d’accord avec un groupe de jeunes entrepreneurs pour mettre sur pied un atelier élargi permettant de discuter des moyens de renforcer le cinéma à Gaza ».

Il a ajouté qu’ils ont passé un contrat avec le Centre italien d’échanges culturels et se sont mis d’accord pour créer une Semaine du film Palestine-Italie qui sera bientôt annoncée et qui comprendra des projections simultanées de films à Gaza et en Italie. Le Centre couvrira en principe le coût de la restauration de salles de cinéma de Gaza dans un futur proche.

Traduction SF pour l’Agence Media Palestine

Source: Al Monitor

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