Six exemples de deux poids deux mesures de l’UE en faveur d’Israël

Martin Konecny – EU Observer – 22 février 2016

 

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Dommages de guerre à Gaza : l’UE n’a jamais dit que les Palestiniens avaient le droit de se défendre. (Zoriah)

Au cours de ces derniers mois, le gouvernement israélien a intensifié ses accusations que l’UE emploie un « deux poids deux mesures » par rapport à Israël.

D’après le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, « il y a une tendance naturelle dans l’establishment de l’UE à prendre Israël pour cible et à le menacer avec des façons auxquelles les autres pays ne sont pas confrontés ». Cette allégation d’un deux poids deux mesures est devenue le point d’achoppement essentiel en ce qui concerne l’Europe, répété à chaque occasion.

Aussi, vérifions donc les faits. Ce que prétendent les Israéliens est-il vrai ? L’Europe demande-t-elle à Israël de respecter des règles différentes qu’aux autres pays ?

Eh oui : il se trouve que Netanyahu a tout à fait raison. L’Europe applique, effectivement, des deux poids deux mesures envers Israël – sauf qu’il se trouve que tous sont à l’avantage d’Israël plutôt que l’inverse. En voici six exemples.

 

Les droits de l’homme

L’UE n’a aucun sous-comité pour les droits de l’homme avec Israël, bien que de tels organismes fassent partie intégrante des relations de l’UE avec les pays méditerranéens partenaires, du Maroc au Liban.

Il y a des années, l’UE céda devant le refus d’Israël et accepta à la place un simple groupe de travail informel sur les droits de l’homme.

De la même façon, le plan d’action UE-Israël mis en place durant les dix dernières années comporte les engagements les plus minimes de tous les plans d’action de l’UE avec les pays voisins.

Bien que l’UE entretienne des relations plus profondes avec Israël qu’avec tous les autres pays de la région, la question des droits de l’homme fut inscrite tout au bas de la liste des priorités.

 

La Cour pénale internationale

L’UE soutient vigoureusement la Cour pénale internationale (CPI). Elle utilise les accords de commerce et de développement qu’elle a avec beaucoup de pays pour encourager ceux-ci à adhérer à la Cour de La Haye, et elle a retiré son aide au Soudan et au Soudan du Sud qui avaient refusé.

Mais dans le cas de la Palestine, les plus importants États de l’UE, dont le Royaume-Uni et la France, firent pression sur le Président Mahmoud Abbas pour ne déposer aucune demande d’adhésion, au motif que cela pourrait conduire à des poursuites contre les Israéliens et contre les Palestiniens pour crimes de guerre.

À l’époque, ils prétendirent qu’une participation de la CPI pourrait miner le (défunt) processus de paix israélo-palestinien. Pourtant, ces mêmes gouvernements déployèrent des efforts afin de faire adhérer à la Cour d’autres pays engagés dans des conflits – le Soudan, la Libye et la Syrie – via le Conseil de sécurité des Nations-Unies, et ils condamnèrent la Russie et la Chine pour avoir bloqué le dossier dans le cas de la Syrie.

Quand la Palestine rejoignit finalement la CPI, en avril 2015, ce fut la première fois que l’UE ne publia aucun communiqué de félicitations.

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Pour la première fois, l’Europe n’a pas « félicité » un nouveau membre de la CPI : la Palestine (Coalition pour la CPI)

 

Les sanctions

L’UE applique des sanctions contre plus de 30 pays à travers le monde. Les sanctions semblent être devenues sa réponse par défaut aux défis internationaux, avec leur utilisation qui s’est massivement accrue ces dernières années.

Mais Israël n’est pas sur cette liste.

Et ceci, en dépit de ses violations notoires, à grande échelle, du droit international et des droits humains dans les territoires occupés, violations qui rendent, qui plus est, la solution pacifique avec deux États au conflit pratiquement impossible ; l’expansion des colonies de peuplement en Cisjordanie n’en est qu’un exemple. Pourtant, l’UE n’applique même pas les sanctions les plus modérées contre ceux qui poussent à l’expansion coloniale, ou contre les colons extrémistes qui agressent violemment les Palestiniens et détruisent leurs biens.

Les rares mesures que l’UE a prises à ce jour – tel l’étiquetage différencié pour les produits des colonies – ne constituent pas des sanctions comme Israël aime à les qualifier. Elles ne font qu’assurer une application correcte de la législation existante de l’UE relative à sa non-reconnaissance d’une souveraineté israélienne sur le territoire palestinien occupé.

Par contre, pour souligner sa non-reconnaissance de la souveraineté de la Russie sur la Crimée, l’UE a imposé de vraies sanctions, d’une portée considérable, notamment en interdisant tout commerce et investissement dans la péninsule.

 

La sécurité

L’UE met souvent en avant son engagement pour la sécurité d’Israël, mais elle fait rarement mention de la sécurité des Palestiniens. Ceci en dépit du fait que ces derniers ont souffert de niveaux d’insécurité plus inquiétants et de loin, et d’un nombre beaucoup plus élevé de victimes durant les décennies de conflit.

L’UE affirme qu’Israël a le droit de se défendre contre les attaques palestiniennes, mais elle n’a jamais dit si les Palestiniens avaient un droit à se défendre contre les attaques israéliennes, dans les limites du droit international.

L’UE appelle aussi régulièrement les groupes militants palestiniens de la bande de Gaza à mettre fin à leurs tirs de roquettes et de mortiers sur Israël, mais elle n’appelle pas Israël à limiter ses agressions quasi-quotidiennes, qui sont reconnues aussi comme violant le droit international.

En 2015, il y  eut 35 attaques depuis Gaza, des attaques qui ne causèrent aucune victime et aucun dégât chez les Israéliens. Durant la même année, les forces israéliennes conduisirent 56 raids dans la bande de Gaza et ouvrirent le feu sur des Gazaouis dans plus de 600 cas, tuant 25 Palestiniens et en blessant plus de 1300.

Ces incidents ciblèrent souvent des civils qui ne représentaient aucune menace. Pourtant, les dernières conclusions du Conseil de l’UE sur le conflit ne prennent en compte, une fois de plus, que les tirs de roquettes par les militants palestiniens.

 

Les principes du Quartet

Dans le cadre du Quartet, l’UE exige que tout gouvernement palestinien reconnaisse Israël, qu’il accepte les accords antérieurs et qu’il renonce à la violence.

En 2006 et 2007, l’UE boycotta financièrement les gouvernements palestiniens, qui comprenaient le Hamas, car ils ne s’engageaient pas sur ces trois principes. La position de l’UE contribua à la scission politique désastreuse entre Gaza et la Cisjordanie qui perdure encore aujourd’hui.

Pourtant, ni le Quartet, ni l’UE, n’ont exigé que le gouvernement israélien adhère à ces mêmes principes. En réalité, Israël aurait du mal à satisfaire à l’épreuve : car il n’a pas reconnu la Palestine, il ne respecte pas les points essentiels des accords passés, dont les Accords d’Oslo et la Feuille de route, et il recourt fréquemment à la violence pour maintenir son occupation.

Mais plutôt que de faire appliquer ces mêmes principes tant aux gouvernements palestiniens qu’aux gouvernements israéliens, le Quartet les employa comme exigences unilatérales.

 

Les armes nucléaires

L’Europe tolère l’arsenal d’armes nucléaires non déclaré d’Israël et qu’il échappe à toute inspection internationale.

En fait, ce sont la France et la Grande-Bretagne qui, secrètement, aidèrent Israël à obtenir « la bombe » dans les années 1950 et 1960. L’Allemagne fournit toujours Israël en sous-marins subventionnés par son gouvernement, tout en sachant, semble-t-il, qu’Israël les équipe de ses missiles nucléaires.

Les Européens s’opposent souvent par leur vote aux résolutions demandant à Israël d’adhérer au Traité de non-prolifération (TNP), ce qui ouvrirait ses installations nucléaires aux inspections.

Le contraste est saisissant avec l’immense pression que l’UE met sur l’Iran afin qu’il restreigne son programme nucléaire, en dépit des différences entre les deux cas.

Indéniablement, les Européens – et les Allemands en particulier – ont une dette historique envers la population juive, qui influe sur leur position concernant les armes nucléaires d’Israël. Mais il n’en existe pas moins un deux poids deux mesures qui favorise Israël.

 

Redresser le déséquilibre

Certaines incohérences en politique étrangère sont inévitables – Israël n’est pas le seul domaine où l’UE se rend coupable de deux poids deux mesures. Les raisons du traitement privilégié d’Israël par l’Europe sont multiples, et beaucoup sont faciles à comprendre : affinité culturelle, culpabilité historique, sympathie pour les démocraties, et admiration pour les réalisations culturelles et scientifiques (et aussi pour les lobbies pro-Israël organisés).

Mais l’Europe a toutes les raisons de redresser son approche déséquilibrée du conflit israélo-palestinien et d’être plus impartiale. Après tout, comme le gouvernement israélien le dit très justement, le deux poids deux mesures « empêche l’UE d’être un médiateur sincère dans le conflit ».

Et alors qu’il n’existe aucun médiateur efficace, qui soit prêt à faire respecter les mêmes règles aux deux côtés, la possibilité même d’une solution pacifique est en train de disparaître rapidement, nous promettant plus de violence et d’instabilité aux portes de l’Europe, et plus de poids à un extrémisme mondial dans les décennies à venir.

Martin Konecny dirige le Projet européen pour le Moyen-Orient (EuMEP), une ONG basée à Bruxelles.

Traduction : JPP pour l’Agence Média Palestine

Source: EUOberserver

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