Des milliers à un rassemblement de « mort aux Arabes » à Tel-Aviv

Par Ali Abunimah , 19 avril 2016

À Tel-Aviv, mardi soir, sur la place Yitzhak Rabin, des milliers d’Israéliens se sont rassemblés pour soutenir Elor Azarya, le soldat qui a été filmé exécutant le mois dernier un Palestinien gravement blessé.

Les participants ont crié des slogans anti-arabes et ont attaqué des gens considérés de gauche ou des journalistes.

Quelques heures plus tôt, le premier ministre Benjamin Netanyahu avait appelé à l’indulgence pour le soldat.

 

Le reporter de Times of Israel Judah Ari Gross a tweeté qu’un militant de B’Tselem, l’association des droits humains qui a publié la vidéo montrant Azarya tuant Abd al-Fattah al-Sharif, a dû être escorté hors de la place Rabin par la police pour «protéger sa vie ».

Journaliste attaqué

Le journaliste David Sheen, qui contribue à The Electronic Intifada, a été agressé par la foule puis a reçu l’ordre de la police de quitter les lieux après qu’il ait été accusé d’être associé à B’Tselem.

Sheen a dit à The Electronic intifada qu’il est arrivé sur la place Rabin avant le début du rassemblement alors que plusieurs centaines de personnes étaient déjà là. Certains lui ont demandé de les filmer avec des panneaux soutenant Azarya.

Sheen dit qu’à ce moment-là, un homme a commencé à lui demander pourquoi il filmait. D’autres membres de la foule l’ont rejoint rapidement, criant à Sheen « Vous êtes B’Tselem ? Allez à Gaza ! »

Sheen explique qu’il tenta de rester calme et de quitter la place mais la foule de plus en plus agitée l’a suivi et a commencé à l’entourer et à le frapper.

Ensuite un officier de police l’a attrapé et extrait. Sheen dit que la police a pris sa caméra et l’a interrogé. Après qu’il ait dit qu’il était journaliste, ils lui dirent qu’il devait partir immédiatement ou passer la nuit en prison. Sheen a dit qu’il choisissait de partir et que la police lui rende son matériel.

Comme l’a observé Sheen, la police agissait comme complice de la foule en assurant l’extraction des journalistes qui pourraient documenter ce qui se passait.

Sheen a dit que l’attaque était effrayante, « parce que je savais que tous les autres avaient le même état d’esprit dans ce rassemblement et que personne ne s’interposerait, aussi ça aurait pu être facilement bien pire et personne ne serait venu me repêcher ».

Il a dit qu’il a été menacé lors d’autres rassemblements récents qu’il a couverts, mais qu’il n’avait pas connu ce niveau de violence.

« Je suis pas surpris que les gens haïssent les journalistes en Israël » dit Sheen.

« Ils ne pensent pas que les actes du soldat soient un problème » a-t-il ajouté. « Le problème, ils le voient dans l’exposition aux médias mondiaux faisant pression sur leur gouvernement pour qu’il cesse de soutenir ce soldat ».

Mais la vitesse avec laquelle les gens se sont transformés en une foule l’écume à la bouche m’a quand même surpris », dit-il.

Les slogans entendus par Sheen incluaient « Tuez les gauchistes » et « Elor Azarya est un héros, rendez-le nous !”

Une vidéo de l’attaque de la foule contre Sheen a été publiée sur Facebook par un utilisateur qui l’accuse d’être un vidéaste de B’Tselem ayant l’intention de « provoquer » les participants. Sheen n’est pas affilié à cette association des droits humains.

On entend des gens dans la foule crier « fils de pute » et d’autres insultes.

« Tuez-les tous »

Un autre reporter indépendant, Dan Cohen, a tweeté que nombreux étaient ceux dans la foule qui criaient « Mort aux Arabes », un cri de ralliement fréquemment entendu lors des manifestations anti-palestiniennes.

Ahmed Tibi, un juriste palestinien membre du parlement d’Israël, a publié l’image d’un panneau dans le rassemblement où on lit « Tuez-les tous ».

Le rassemblement était organisé par Sharon Gal, un journaliste israélien, ancien législateur, et était dédié aux parents d’Azarya.

D’après le site Web Ynet, plusieurs icônes de la pop israélienne étaient prévues pour divertir la foule, dont les chanteurs Moshik Afia, Maor Edri et Amos Elgali ainsi que le rappeur Subliminal.

Mais deux exécutants, Eyal Golan et David D’Or, se sont retirés à la dernière minute à la suite de l’indignation publique estimant que leur apparition pourrait être considérée comme une attaque contre l’armée israélienne, qui a été lourdement critiquée pour avoir pris quelques mesures contre Azarya.

« J’aurais aimé venir jouer au rassemblement au nom de l’art et personnellement comme interprète et comme être humain » a déclaré Golan. « Mais je suis désolé de dire qu’il y en a qui utiliseront ça comme un spectacle politique ».

« Je voulais montrer ma sympathie pour la famille du soldat », a dit D’Or, « pas dire quoi que ce soit contre IDF [armée israélienne] ou contre le chef d’état-major de l’IDF, Dieu nous en garde.

Indulgence

Le mois dernier, un sondage d’opinion a établi que 57 % des Israéliens ne voyaient rien de mal dans l’action d’Azarya et 32 % le soutenaient carrément. Seuls 5 % considéraient que tirer sur une personne blessée et paralysée est un meurtre.

Ce soutien vient des plus hauts échelons du gouvernement israélien. Lors d’une déclaration aux médias quelques heures avant le rassemblement, le premier ministre Benjamin Netanyahu a appelé à l’indulgence pour Azarya.

« En tant que père d’un soldat et premier ministre, je veux répéter : l’IDF soutient ses soldats », a dit Netanyahu. « Étant familier avec le système judiciaire militaire, je suis convaincu que la Cour considérera toutes les circonstances concernant l’incident. Nos soldats ne sont pas des meurtriers. Ils agissent contre des meurtriers et j’espère qu’un moyen sera trouvé pour faire la part entre l’action et le contexte global de l’événement », a ajouté le premier ministre.

L’intention de Netanyahu de préjuger de l’issue d’un quelconque procès ressemble à une tentative de surfer sur la vague de popularité d’Azarya qui se manifestait vivement – et violemment – au rassemblement de Tel-Aviv.

Précédemment, B’Tselem à condamné les déclarations similaires de hauts responsables israéliens comme autant de messages qui « vident de signification réelle les restrictions officielles sur l’usage de la force, et particulièrement du tir réel ».

Camouflage

Abd al-Fattah al-Sharif et Ramzi al-Qasrawi, âgés de 21 ans, ont été abattus après qu’ils auraient tenté d’attaquer des soldats occupants israéliens dans la ville Cisjordanienne d’Hébron le 24 mars.

Le meurtre d’al-Sharif a été enregistré sur une vidéo montrant le jeune au sol, paralysé, tandis qu’Azarya pointe de près son fusil sur lui et tire directement à la tête.

Le groupe palestinien des droits humains Al-Haq, qui a enquêté sur l’incident, a qualifié le meurtre de crime de guerre et noté la complicité du personnel médical israélien et d’autres à proximité qui n’ont rien fait pour assister le blessé al-Sharif avant son exécution extrajudiciaire.

Al-Haq a écarté l’arrestation d’Azarya comme faisant partie d’une opération de relations publiques, notant que personne n’a été détenu pour le tir sur al-Qasrawi, dont le meurtre n’a pas été filmé.

« La détention du soldat accusé par les autorités d’occupation est un camouflage du crime, pour montrer que l’État occupant se conforme à la loi et tient les contrevenants pour responsables », a déclaré Al-Haq.

« L’arrestation d’un soldat et pas de l’autre suggère que ce que l’autre soldat avait fait n’était pas un crime parce qu’il n’a pas été enregistré par une caméra », ajoute le groupe.

Israël a annoncé au début qu’Azarya serait poursuivi pour meurtre, mais après une montée du soutien public, les charges ont été réduites à ‘homicide’.

Source : Electronic Intifada

Traduction: JPB pour l’Agence Média Palestine

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