Venant de Palestine occupée, deux défenseurs des droits humains rencontrent la politique de Washington

Ce qui peut arriver quand vous tentez d’éduquer le Congrès américain sur la montée des violations des droits humains par Israël.

Par Max Blumenthal, Alternet, 27 avril 2016

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Ce mois-ci, deux célèbres défenseurs des droits humains en Palestine occupée, le fondateur du Centre Palestinien des Droits de l’Homme (PCHR) Raji Sourani et le fondateur d’Al Haq Shawan Jabarin, se sont embarqués dans une tournée de conférences à New York et à Washington DC. Après leur apparition à l’université Columbia, où ils ont parlé lors d’un événement organisé par le Centre des Droits Constitutionnels, j’ai rencontré Sourani et Jabarin lors d’une rencontre privée à Washington DC. Tous deux revenaient d’une série de rencontres au Congrès, y compris avec un des collaborateurs les plus compétents en politique étrangère.

Le première rencontre de Sourani et Jabarin a eu lieu aux sous-comité du Sénat sur les Opérations d’État et Etrangères au bureau de Tim Reiser, assistant de longue date du sénateur démocrate Patrick Leahy. Considéré comme un défenseur des droits humains au congrès, Reiser est le concepteur de la loi dite loi Leahy qui restreint les ventes d’armes US aux nations qui violent en permanence les droits humains. En mars, Leavy s’est joint à dix membres du congrès en signant une lettre demandant à l’administration Obama d’enquêter sur les « graves violations des droits humains » d’Israël et de la junte militaire égyptienne. D’après un militant des droits humains de Washington qui accompagnait Sourani et Jabarin au bureau de Reiser, tous deux espéraient en tirer une idée sur l’application de la loi Leahy, mais ils ne reçurent que des recommandations informelles.

Une rencontre avec le représentant démocrate John Lewis suivit celle avec Reiser. Le militant de Washington m’a dit que Lewis à disserté avec Sourani et Jarabin plus d’une heure, bien plus qu’attendu, et posé pour des photos avec les deux hommes, offrant à leur cause la présence d’un symbole vivant du mouvement pour les droits civiques. Il leur laissa des copies de son roman illustré de 2013, March, sur la fameuse marche par le pont Edmund Pettus à Selma, Alabama. « Ils sortirent réconfortés du bureau de Lewis », dit le militant.

Mais Jarabin et Sourani reçurent une douche froide de l’administration Obama. Un collaborateur du Département d’État accepta de les rencontrer, mais rappela deux heures plus tard pour annuler, sans donner d’explication. Ce traitement ne fut guère un choc après des années de déceptions avec les gouvernements occidentaux.

Vers la CIJ

Ni Sourani ni Jabarin n’avaient prévu de consacrer leur vie à la cause des droits humains. Mais alors qu’ils étaient adolescents, ils furent arrêtés par l’armée et torturés dans les prisons israéliennes. Jabarin dit qu’à 18 ans, Israël « tua mes rêves », l’interdisant de voyager à l’étranger pour étudier la médecine où une bourse l’attendait. Les deux se sont plongés dans le droit international et ont cherché des recours légaux pour contester l’occupation israélienne des territoires palestiniens.

En 1979, Jabarin fonda Al-Haq à Ramallah, maintenant siège de l’Autorité palestinienne en Cisjordanie occupée, où Israël a mené une campagne soutenue de démolitions de maisons, de construction de colonies et de transfert de population. Pour sa part, Sourani fonda le PCHR à Gaza-Ville, qui est maintenant la cible d’une violence sans précédent par les drones, les bombardiers et l’artillerie lourde israéliennes.

Sourani préside actuellement 63 collaborateurs. « Même avec ce nombre », commente-t-il, « nous n’avons pas un seul jour de repos. La quantité et la qualité des violations des droits humains dont nous sommes témoins sont stupéfiantes ».

Pendant les 51 jours d’attaques israéliennes sur la bande de Gaza en 2014, les enquêteurs du PCHR ont souvent été en grave danger alors qu’ils sortaient pour documenter les attaques qui ont causé 2200 morts et 100,000 foyers partiellement ou complètement détruits.

« J’appelais Raji tous les jours juste pour savoir s’il était vivant » se souvient Jabarin. Avec l’expérience acquise par Sourani et son équipe, ils ont formé des personnels des droits humains pour enquêter sur les atrocités au Yémen, en Libye et en Syrie. D’après Sourani, la grave situation de Gaza à élevé son organisation en « organisation des droits humains la plus sophistiquée du Moyen-Orient ».

Al Haq et le PCHR dirigent la campagne palestinienne pour faire établir la responsabilité d’Israël par la Cour Pénale Internationale (CPI). Sourani décrit ceci comme un dernier recours. « Nous avons épuisé les recours légaux nationaux en Israël. Khalas ! [« Assez ! », en arabe] Après des années d’expérience nous avons découvert que ce système fournit une couverture juridique aux crimes de guerre systématiques. La torture est légalisée et légitimée. Les assassinats extrajudiciaires sont légalisés. C’est pourquoi nous nous tournons vers la juridiction universelle à la CPI.

Menaces, répression et interdictions de voyages

En raison de leur détermination à faire connaître les crimes israéliens contre les droits humains et en rendre les auteurs responsables devant les organismes judiciaires internationaux, Sourani et Jabarin sont devenus des cibles d’Israël et de ses lobbyistes internationaux.

Leur venue à l’université Columbia a été précédée par une lettre d’intimidation de la conseillère juridique du groupe de droite NGO Monitor à l’Ecole de droit de Columbia, posant des questions sur les partenaires de l’événement.

NGO Monitor se qualifie d’organisation de surveillance fournissant une « analyse critique » des ONG internationales, mais en pratique c’est un outil du gouvernement de droite d’Israël. Le fondateur du groupe, Gerald Steinberg, a opéré comme consultant du gouvernement israélien et a servi dans un Comité de direction supervisé par le bureau du premier ministre israélien. Témoignant devant la Knesset d’Israël, Steinberg a appelé à « mener la guerre » contre les organisations des droits humains. Il a pressé le gouvernement israélien à soutenir des groupes comme le sien qui donnent l’impression d’une contre-attaque de la « société civile ».

La tentative ratée de NGO Monitor pour empêcher la venue de Sourani et de Jabarin à Columbia est une expansion de l’attaque montante du gouvernement israélien contre les organisations des droits humains. Les deux hommes ont été empêchés de voyager à l’étranger par les services de sécurité israéliens.

D’après Jabarin, les fondateurs d’Al Haq ont été confrontés à une vague de menaces et d’intimidations par les forces pro-israéliennes. Récemment, des membres de son personnel ont trouvé au seuil de leur maison ce qu’il appelle des « fleurs funéraires », fleurs coupées accompagnées de cartes avec des messages de menaces. Il dit que l’ordinateur serveur de son groupe a été attaqué, que son personnel a reçu des e-mails de menaces et que lui et Sourani sont soumis à un cortège permanent d’attaques dans la presse israélienne. « Si vous recherchez nos noms sur Google », dit Jabarin, « je vous garantis que vous verrez le mot ‘terroriste’ à côté. Nous savons que ce travail n’est pas de la rigolade et nous sommes préparés à payer le prix pour le poursuivre ».

Jabarin a soumis son dossier à La Haye – le siège de la CIJ – le 23 novembre 2015. Enfermé dans Gaza, où avec le siège israélien actuel voyager est devenu presque impossible, Sourani a tenu une conférence de presse simultanée dans les ruines des maisons détruites par l’armée israélienne.

« Ce n’était qu’un petit pas » dit Jabarin à propos de la conférence de presse dans les ruines de Gaza. «Raji [Sourani] était entouré de gens qui avaient perdu leurs bien-aimés, leurs biens, leur maison – tout. Et cette soumission à la CIJ leur a donné l’espoir que la justice viendrait ».

Il a indiqué que l’administration Obama est la principale opposante à la quête des droits humains palestiniens. « Vous avez vu les USA faire pression pour que la Palestine ne s’adresse pas à la CIJ », rappelle Jabarin. « Ils ne veulent pas que nous acceptions la justice ! C’est la contradiction qui nous met un peu en colère ».

Cependant, dans un salon à Washington DC, entouré par des supporters, y compris quelques-uns pourtant des pins pour la candidature présidentielle du sénateur Bernie Sanders, Jabarin a fait le point sur le changement des vents politiques. « Pour nous, vous êtes la nouvelle Amérique, pas l’administration », a-t-il dit à son audience.

Max Blumenthal est un éditeur en chef du Grayzone Project d’ AlterNet et l’auteur récompensé de Goliath et de Republican Gomorrah. Son livre le plus récent est The 51 Day War: Ruin and Resistance in Gaza. 

Source: Alternet.org

Traduction: JPB pour l’Agence Média Palestine

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