Nesma Seyam, The Electronic Intifada, Bande de Gaza
24 mai 2016
Mohammed Alhaulimy (Hosam Salem)
Dans le monde entier, les enfants de 12 ans aiment leurs ordinateurs. Mais peu le font au niveau de Mohammad Alhaulimy.
Depuis son jeune âge, Mohammad a fait preuve d’une passion pour les ordinateurs, la programmation et la technologie, passion acceptée par sa famille et qui a reçu le soutien d’autres pays et des invitations à des conférences dans la région.
Mohammad a construit sa première application mobile, Sauveurs du Monde, à 9 ans. Il cherchait à éveiller l’attention sur des sujets planétaires tels que les guerres et la pollution sous forme de jeux. Ce n’est pas allé très loin et c’est maintenant oublié, mais ce fut le premier défi pour ce programeur en herbe.
« Je voulais créer quelque chose de mon cru, un jeu ou une vidéo… Quelque chose que j’apprécierais », a dit Mohammad, le regard fixé sur son Mac.
Il a suivi un cours pour le Permis International de Maîtrise d’Ordinateur, ICDL, lorsqu’il avait 7 ans, afin d’obtenir le certificat mondial de compétences informatiques. Mais il s’est vite rendu compte que ce n’était pas assez ambitieux.
« Les cours que j’ai suivis ne m’ont jamais satisfaits. Je me suis tourné vers Internet et YouTube pour chercher ce qui m’avait manqué dans les cours », a-t-il dit, alors qu’un avertissement Facebook apparaissait soudain sur son écran.
La famille de Mohammad l’a soutenu dès le début. Luai Mohammad Alhaulimy, professeur et père très fier de Mohammad, a acheté à son fils un ordinateur portable flambant neuf quand il avait 10 ans pour l’encourager à améliorer ses compétences.
Sa mère Elham pense que son fils a un caractère unique et une ambition qui le mèneront au succès. Elle s’inquiète cependant du temps qu’il passe devant l’écran où « il reste assis concentré pendant de longues heures ».
« J’ai peur que sa santé en soit affectée. C’est mon fils unique », a dit Elham. « Mais je suis heureuse d’avoir un petit génie à la maison. »
Le potentiel de Mohammad a vite été reconnu ailleurs. En 2014, il a pris part à la compétition des étudiants en technologie de la Coupe Imagine de Microsoft où, avec un autre Palestinien de Cisjordanie, il a mis hors compétition 500 autres pour parvenir à l’épreuve finale.
Connexions internationales
La Coupe Imagine de Microsoft et d’autres événements de ce genre sont accueillis à Gaza par Gaza Sky Geeks qui dit que c’est le premier accélérateur de jeunes entreprises à Gaza. Gaza Sky Geeks a été fondé par Mercy Corps, association caritative internationale qui essaie d’encourager l’innovation et les petites entreprises à travers le monde. Elle vise à mettre les jeunes les plus talentueux de Gaza en relation avec des investisseurs pour qu’ils leur procurent de l’expertise, des parrainages et des réseaux.
Said Hassan, directeur de l’information et de l’accélération de Gaza Sky Geeks, a dit que l’organisation fournit des opportunités équivalentes à tous les membres sans tenir compte de leur âge et en se fondant entièrement sur le mérite. Et Mohammad a déjà été mis en relation avec la corporation des Technologies Informatiques (IT) de Zain en Jordanie.
« [Nous] avons mis Mohammad en relation avec Khaled ElAhmad, directeur des médias sociaux à Zain, qui l’a aidé à obtenir un nouveau Mac après une campagne de collecte de fonds en Jordanie », a dit Hassan.
Gaza Sky Geeks l’a aussi mis en relation avec un studio de jeux vidéos à Gaza – Baskalet (bicyclette), dont ils disent que c’est le premier éditeur de jeux de l’enclave côtière à recevoir un financement international significatif. Là, a dit Hassan, Mohammad a pu « affiner sa technique, acquérir une expérience professionnelle et être impliqué dans une communauté dynamique qui alimente l’innovation ».
Mohammad a reçu des invitations de sociétés IT de divers pays à participer à des conférences et des compétitions. Il y a eu entre autres l’Exposition des Consommateurs d’Electronique à Las Vegas en 2015 et le Congrès Mondial des Portables à Barcelone la même année. Mais les restrictions de circulation imposées aux Palestiniens de Gaza par Israël et l’Egypte font de la sortie de cette bande appauvrie une tâche pour ainsi dire impossible, et Mohammad n’a encore pu participer à aucune de ces rencontres IT.
« Parfois, vous devez simplement vivre avec le fait d’être Palestinien. On m’a refusé plusieurs fois le droit de voyager. Récemment, je n’ai pas pu participer à une compétition de robots et d’intelligence artificielle près du Jourdain », a dit Mohammad.
L’événement était organisé par l’Association Arabe de Robotique et se tenait en mars dans la Vallée du Jourdain.
L’amour de Mohammad pour le codage informatique l’a aussi poussé à apprendre plus de langues et il s’est spécialement intéressé à l’hébreu. Même si l’anglais serait plus adéquat, les cours sont plus chers à Gaza, a dit Mohammad, qui a ajouté qu’il veut explorer les sites de programmation en Hébreu.
« Les cours d’anglais sont trop chers ici à Gaza. On peut aussi les trouver facilement sur YouTube. Les cours d’hébreu sont plus abordables. Je suis aussi plus intéressé par l’apprentissage de l’hébreu que d’autres langues », a dit Mohammad.
Leçons d’Hébreu, ambitions mondiales
Apprendre l’hébreu devient un phénomène dans la Bande de Gaza où de plus en plus de gens s’inscrivent à ces cours. Mohammad est le plus jeune étudiant du Centre Nafha pour les Etudes des Prisonniers et les Affaires Israéliennes et, peut-être sans surprise, un de ceux qui réussissent le mieux.
Après avoir eu les meilleures notes au niveau intermédiaire, il étudie maintenant pour obtenir son diplôme d’Hébreu.
« Mohammad a une personnalité pleine d’entrain qui l’a aidé à s’entendre avec tout le monde dans le cours », a dit Eman Ben Said qui enseigne l’hébreu au centre. « En plus d’être d’une intelligence phénoménale, il a de l’esprit, a confiance en lui et a plus de connaissances que ses pairs plus âgés. »
C’est un joyeux compagnon qui fait souvent rire ses camarades étudiants, a dit Said, qui tient beaucoup à ce que l’on encourage et nourrisse le potentiel du garçon.
« Généralement, Mohammad a tendance à avoir des amis plus âgés », a dit sa mère. « Il a des amis de son âge, mais il agit et pense comme un adulte. »
Le modèle de Mohammad, c’est Steve Jobs, l’ancien PDG et fondateur d’Apple.
« Garde ta faim, garde ta folie », dit-il d’après son idole, avant d’expliquer pourquoi ceci résonne ainsi en lui : « Ne sois jamais satisfait et désire ardemment en savoir et en faire plus. Sois fou ; sois prêt à sortir de ta zone de confort et essaie de faire des choses dont les gens disent qu’elles sont impossibles. »
Poursuivant simplement ses ambitions en IT dans l’environnement très difficile de Gaza pourrait en soi sembler par trop donquichottesque. Un blocus israélien de presque dix ans sur Gaza signifie que l’infrastructure IT est très obsolète. Israël a empêché les sociétés IT palestiniennes d’offrir des services et un équipement disponible en 3G, sans parler du 4G, et l’enseignement reflète cet isolement.
Heureusement, même avec des connexions lentes, Mohammad peut quand même interagir avec la communauté mondiale et améliorer ses compétences grâce à sa pure et simple ténacité. Et il n’est pas découragé par les difficultés qui l’entourent.
« Mon rêve est de fonder une société qui pourrait en quelque sorte changer le monde. Aucun Arabe n’est mentionné quand il s’agit de IT. Je veux être le premier. »
Nesma Seyam est une interprète et journaliste qui vit à Gaza. Twitter : @Nesma Seyam
Traduction : J. Ch. pour l’Agence Média Palestine
Source: Electronic Intifada