Par Ben White, 29 juin 2016
Lundi, le premier ministre turc Binali Yildirim a déclaré que le blocus de la Bande de Gaza par Israël avait été « largement levé » comme convenu dans le contrat de réconciliation fraîchement signé entre Israël et la Turquie.
La normalisation des relations turco-israéliennes, six ans après que les forces israéliennes aient tué 10 citoyens turcs à bord d’un bateau en route pour Gaza, verra Ankara livrer de l’aide humanitaire à l’enclave cloturée, et aussi « construire un hôpital de 200 lits, un projet de logements et une usine de désalinisation à Gaza » – cependant « à condition que les matériaux passent d’abord par le port israélien d’Ashdod ».
Malheureusement, rien de tout cela ne constitue une levée du blocus. Aucune aide, même importante, ne peut modifier ce qui est au cœur des restrictions imposées par Israël sur la Bande de Gaza et ses 1.8 millions d’habitants. Voici donc cinq raisons pour lesquelles le blocus reste inchangé.
1. Restrictions sur ce qui entre à Gaza.
Une moyenne hebdomadaire de 2.145 chargements de camion est entrée dans la Bande de Gaza en 2016 (presque la moitié en matériaux de construction), 76 pour cent du chiffre d’avant le blocus. Israël conserve une « vaste » liste d’articles ‘à double usage’, y compris d’articles « dont l’utilisation est presque exclusivement civile et essentielle à la vie des civils ». Après l’offensive d’Israël en 2014, la reconstruction a très peu progressé ; c’est seulement en octobre de l’année dernière que la première maison a été reconstruite et quelques 90.000 Palestiniens sont toujours des personnes déplacées.
2. Restrictions sur les marchandises qui sortent de Gaza
La sortie des marchandises de la Bande de Gaza pour les vendre, soit à l’étranger, soit, pour la majeure partie, sur les marchés principaux de Cisjordanie et d’Israël, demeure extrêmement restreinte. Dans la semaine du 14 au 20 juin par exemple, seules 26 cargaisons sont sorties, tout juste un dixième des niveaux d’avant le blocus. L’année dernière, un haut fonctionnaire de la Banque Mondiale a dit que le blocus et la guerre de 2014 par Israël avaient fait que « les exportations de Gaza avaient virtuellement disparu ». (Il n’exagérait pas : les exportations ont baissé de 97 pour cent entre 2007 et 2012.)
3. Restrictions de la liberté de circulation des gens –
y compris vers et depuis la Cisjordanie.
Même avec les ‘concessions’ faites par Israël après ‘l’opération Barrière de Protection’, le taux de traversée au passage d’Erez contrôlé par Israël ne représente qu’à peine 3 pour cent des chiffres de septembre 2000. Par ailleurs, Israël continue à empêcher les familles palestiniennes de se rendre mutuellement visite, et étudier dans les universités de Cisjordanie est interdit pour les étudiants palestiniens de Gaza. Les porteurs de permis israélien sont donc essentiellement un nombre restreint de « malades et autres cas humanitaires, marchands et personnel humanitaire ».
4. Les attaques israéliennes sur les pêcheurs et les fermiers.
Les forces d’occupation israéliennes continuent régulièrement à attaquer les civils palestiniens dans la Bande de Gaza, spécialement les pêcheurs en mer et les fermiers qui travaillent leur terre près de la frontière. Rien que depuis lundi, les forces israéliennes ont ouvert le feu sur des pêcheurs et (deux fois) sur des fermiers. Selon des chiffres de l’ONU, entre le 7 et le 20 juin, les forces israéliennes ont ouvert le feu à 32 occasions différentes sur des Palestiniens dans les soi-disant ‘Zones d’Accès Restreint’ à terre et en mer.
5. L’Egypte garde le passage de Rafah fermé.
Tandis qu’Israël contrôle presque tous les passages de la Bande de Gaza (et est la force occupante), les autorités égyptiennes jouent un rôle essentiel dans le maintien de l’étranglement de Gaza. Cette semaine, l’Egypte a ouvert le passage de Rafah pendant cinq jours, dans les deux sens, mais c’est une exception plutôt que la règle. Par exemple, dans la mise à jour de l’ONU d’avril – mois pendant lequel le passage de Rafah a été entièrement fermé – il est noté que le passage est resté fermé depuis le 24 octobre 2015, « sauf pour 42 jours ».
En conclusion.
Le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon a dit hier à Gaza que « la fermeture de Gaza… est une punition collective pour laquelle il faudra rendre des comptes ». De nombreux Palestiniens cependant voient l’ONU -et peut-être maintenant la Turquie – comme apportant une aide à Israël pour « gérer le siège plutôt que comme mettant au défi sa poursuite ». Hélas, en termes d’impact sur le terrain, le marché turco-israélien apparaît comme étant « plus remarquable pour ce qu’il ne réalise pas que pour les conséquences que cet accord entraîne ».
Traduction : J. Ch. pour l’Agence Média Palestine
Source : Middle East Monitor