La loi « stop-and-frisk » d’Israël : un « racisme flagrant »

Zena Tahhan – Al Jazeera – 27 juin 2016

 

La récente législation (Loi « stop-and-frisk », « interpellation et fouille des personnes ») est une forme de punition collective contre Jérusalem et sa jeunesse, déclarent des groupes de défense des droits de l’homme.

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« Ce n’est pas le fait qu’ils les fouillent, mais la façon dont ils sont fouillés qui est humiliante. » (Zena Tahhan/Al Jazeera)

 

Jérusalem – En marchant vers la Vieille Ville de Jérusalem, il est devenu courant d’assister au spectacle de soldats israéliens retenant plusieurs adolescents palestiniens simultanément : les mains levées appuyées contre le mur, regardant devant eux, et les jambes écartées.

C’est grâce à une récente législation adoptée par le gouvernement israélien en février, la « loi stop-and-frisk », qui permet aux soldats israéliens de fouiller au corps tout passant « indépendamment de son comportement, dans un lieu propice pour être la cible d’actions hostiles destructrices ». 

« C’est un racisme flagrant. Quiconque ayant simplement l’air d’un Arabe –  et apparemment les Israéliens savent à quoi ressemblent les Arabes – peut être interpellé et mis sur le côté », a déclaré Jamil Freij, habitant palestinien de Jérusalem, à Al Jazeera. Pour Freij, 26 ans, qui travaille dans la Vieille Ville, l’importance « incroyable » des forces israéliennes déployées l’a rendu extrêmement perturbé.

« Ils sont fous. Ils me tueraient – simplement, comme ça. Il leur suffit d’un soupçon de doute ».

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La Vieille Ville se trouve au cœur de la Jérusalem-Est occupée, qu’Israël a envahie lors de la guerre israélo-arabe de 1967. (Zena Tahhan/Al Jazeera)

Depuis le début du soulèvement, en octobre, la peur et la paranoïa en sont arrivées à caractériser l’atmosphère de la ville, particulièrement à la porte de Damas, un site vulnérable dans le conflit.

Des dizaines de soldats israéliens lourdement armés, le doigt sur la détente de leur arme, dans une démonstration de force et de puissance, sont concentrées en des points stratégiques à l’entrée de la porte, un endroit favori habituel des jeunes hommes palestiniens.

« Nous avons un problème maintenant ; les jeunes hommes qui n’ont aucune intention de se battre de cette manière commencent à prendre conscience face à l’armée. Quand je marche, je me mets à penser que je ne dois faire aucun mouvement brusque devant les soldats – par exemple, me mettre à crier que j’ai oublié quelque chose à la maison », dit Freij.

Les huit derniers mois d’attaques sporadiques présumées de Palestiniens contre des soldats et des colons israéliens ont connu une répression vigoureuse sous la forme de tirs à bout portant sur des agresseurs supposés et des manifestants non armés, de check-points militaires, de fouilles corporelles et de déploiements importants de troupes à travers la ville.

Selon cette législation, les soldats peuvent inspecter toute personne, dans des lieux spécifiques, sans avoir à répondre de leurs actes. Cela a abouti à ce que des groupes de défense des droits qualifient ce traitement d’ « ouvertement raciste » envers les Palestiniens qui sont fouillés au corps, parfois de façon agressive, sur la seule base de leur apparence.

« Tout Palestinien qui passe par là est susceptible d’être fouillé. Les soldats israéliens peuvent les retenir entre 15 minutes et une heure. Ce n’est pas le fait qu’ils les fouillent, mais la façon dont ils sont fouillés qui est humiliante », dit Nisreen Allayan, avocat pour le projet de Jérusalem-Est à l’Association pour les droits civils en Israël.

« Ils leur font systématiquement lever les bras, et écarter les jambes. Quelquefois, ils leur font déboutonner leur pantalon et lever leur chemise au plein milieu de la rue. Ils les retiennent aussi sur le côté de la rue pendant un moment, même après en avoir terminé avec la fouille », dit Allayan, décrivant la façon dont les jeunes hommes palestiniens sont contrôlés.

Une mouture précédente du projet de loi permettait aux soldats de contrôler les personnes à condition d’avoir une raison suffisante, au vu de leur comportement et de leurs actes, pour les suspecter d’être potentiellement capables de perpétrer une attaque. En conséquence, ils devaient alors les conduire à un poste de police pour une inspection, et non les humilier dans la rue. Pour Allayan, cette nouvelle législation est une forme de punition collective contre Jérusalem et sa jeunesse.

Même si le gouvernement n’a pas révélé les zones dans lesquelles la loi s’applique, Allayan dit qu’elle vise clairement la porte de Damas, spécialement en raison de plusieurs attaques qui y furent portées contre des soldats israéliens.

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Environ 300 000 Palestiniens vivent sous l’occupation israélienne à Jérusalem-Est (Zena Tahhan/Al Jazeeera)

Bien que lourdement armés, des soldats israéliens ont été vus répondre à des menaces d’attaques présumées par une « force excessive », comme l’ont souligné les Nations-Unies dans un rapport récent.

Une vidéo atroce, filmée par Al Jazeera à la porte de Damas en février, montre des forces israéliennes tirant une grêle de balles sur un Palestinien de 20 ans qui aurait, selon elles, agressé deux policiers des frontières israéliens avec un couteau, alors même qu’il était manifestement déjà mort et qu’il ne représentait pour elles aucune menace.

« Tout geste fait à un mauvais endroit et à un mauvais moment – sur une impulsion – peut être mal interprété et conduire à une pression sur la détente d’une arme, d’autant qu’il existe une orientation nationale en ce sens », dit Issam Jweihan, directeur du Centre Awareness de l’ONG al-Maqdese pour le Développement de la société, une organisation qui oeuvre à la protection et à la défense des droits des Palestiniens, particulièrement à Jérusalem.

En mars, un autre incident de la force disproportionnée a été saisi par une caméra lorsqu’un soldat israélien de 19 ans, Elor Azaria, a été filmé en train d’exécuter un Palestinien sans arme, qui gisait blessé à terre, alors qu’il semblait ne constituer aucune menace, après qu’il aurait prétendument porté une attaque au couteau.

Azaria a été accusé d’homicide involontaire suite à cet épisode, qui a eu lieu à Hébron. Alors, des milliers d’Israéliens ont envahi la place Rabin à Tel Aviv le 19 avril pour s’y rassembler et manifester leur accord avec les tirs d’Azaria, « C’est un héros ».

Selon Jweihan, la démonstration de force sert à envoyer un message aux Palestiniens : « Vous êtes des Arabes, et vous êtes tous suspects ».

Majd Zughayar, autre jeune homme palestinien habitant à Jérusalem, affirme qu’il a cessé de se rendre dans la Vieille Ville à cause de la militarisation du lieu. « Chaque fois que je passe devant des soldats, je commence inconsciemment à mieux présenter mes mains pour leur montrer qu’elles ne tiennent rien » dit Zughayar.

Avant que la loi ne soit adoptée, plusieurs membres de l’opposition à la Knesset israélienne avaient exprimé leurs réserves à propos du racisme que la loi susciterait contre des « groupes affaiblis », et des « pleins pouvoirs » qu’elle accorderait à la police.

« Aujourd’hui, ils entendent quelqu’un parler arabe sur un téléphone et en quelques secondes, ils se pressent autour de lui ou d’elle, qui a des raisons alors de craindre pour sa vie », dit Allayan.

Avec le temps, Jweihan, qui travaille avec de nombreux jeunes Palestiniens, estime que les fouilles corporelles permanentes, qui sont souvent violentes et dégradantes, peuvent générer des problèmes psychologiques chez les jeunes Palestiniens – spécialement les jeunes hommes – car elles les dépouillent de leur virilité.

« Le comportement d’un jeune homme peut devenir violent envers les plus faibles que lui, par exemple son épouse ou ses gosses. Il peut aussi les conduire à prendre de la drogue ».

Ceux qui tentent de résister à l’inspection peuvent être arrêtés au motif d’avoir essayé d’arrêter un soldat en train de faire son devoir, ou sur une accusation de tentative d’agression contre un soldat, même s’ils ne portent aucune arme. Jweihan dit avoir rencontré des dizaines de ces cas où des hommes sans armes qui tentaient de résister ont fini par être arrêtés.

« Il a le choix. Soit il reste silencieux et ne répond à aucune provocation, soit il peut se faire arrêter s’il tente de se défendre », dit Jweihan.

Malgré le vernis du contrôle, le fait qu’Israël reste incontesté à propos de sa surveillance et sa déshumanisation constantes des Palestiniens, sous le prétexte de la sécurité, est une question grave selon les groupes de défense des droits.

« La police considère les Palestiniens comme une menace » dit Allayan. « La façon dont elle les traite ne vise pas à garantir la sécurité des Palestiniens. C’est un traitement entre les forces d’occupation et un peuple sous occupation. »

Traduction : JPP pour l’Agence Média Palestine

Source: Al Jazeera

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