Le logo de l’UE ne protège plus des bulldozers d’Israël

Silvia Boarini – The Electronic Intifada – 15 août 2016

 

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« Avec les démolitions, les gosses prennent peur. C’est vraiment dur, mais nous continuons. Israël veut que nous partions, mais nous ne bougeons pas. Nous avons notre foi », dit Bilal Hammadin, 22 ans, habitant du village d’Abu Nuwwar, près de Jérusalem.

 

Le regard de Bilal Hammadin porte au-delà des baraques en tôle du village d’Abu Nuwwar, en Cisjordanie occupée où vivent environ 600 Palestiniens, il va vers ces maisons au toit rouge de Maaleh Adumim, cette colonie israélienne où près de 40 000 personnes se sont installées.

« Comme je grandissais, j’ai vu la colonie s’agrandir. Je suppose que l’on peut dire que nous avons grandi ensemble », dit-il, riant de sa propre ironie.

Hammadin sait trop bien que l’expansion de la colonie – qui s’est implantée en violation du droit international qui interdit à une puissance occupante comme Israël de transférer sa population à l’intérieur du territoire qu’elle occupe – que cette expansion signifie la fin du développement et la régression régulière de sa communauté.

En février, l’armée israélienne a démoli deux caravanes prévues pour être la nouvelle école des les élèves de première et deuxième année. Sur les cabines, qui leur a été données par une organisation non gouvernementale française, et qui ont été financées par l’Union européenne, on pouvait voir, bien visibles, le logo de l’UE.

150 structures financées par des donateurs ont été démolies

Ce mois-ci, la France a condamné la démolition de bâtiments par Israël à Nabi Samuel, des bâtiments qui ont été financés par une aide humanitaire française. Israël a détruit ou confisquée des structures à financement français, dont une école, à trois reprises jusqu’à présent, dans le même village, cette année.

Dans le passé, ces grands autocollants représentant le logo de l’UE offraient un minimum de protection contre les démolitions. Mais cette année, ce sont au moins 150 structures à financement européen, en Cisjordanie, qui ont été démolies par les bulldozers israéliens, au cours des trois premiers mois de l’année 2016.

Certains observateurs – dont un politicien d’extrême droite israélien qui a plaidé pour les démolitions – pensent que la pointe dans ces destructions de structures à financement européen intervient en représailles contre les nouvelles règles de l’UE pour l’étiquetage des produits des colonies israéliennes publiées à la fin de l’année dernière.

Les démolitions israéliennes des structures palestiniennes en Cisjordanie ont, dans l’ensemble, triplé pendant le premier trimestre 2016, comparé au nombre précédent de 50 démolitions par mois entre 2012 et 2015.

La plupart de ces démolitions ont lieu en Zone C, qui représente 60 % de la Cisjordanie, et qui se trouve sous le contrôle total des Israéliens conformément aux conditions stipulées dans les Accords d’Oslo de 1993 signés par Israël et l’Organisation de libération de la Palestine (OLP).

Israël émet des ordres de démolition sous prétexte que les structures ont été construites sans le permis. Mais entre 2010 et 2014, les autorités israéliennes n’ont accordé que 1,5 % des demandes de permis déposées par les Palestiniens pour pouvoir construire en Zone C.

 

Une protestation, mais sans responsabilisation

 

Dans une lettre adressée à l’armée israélienne, huit ambassadeurs ont protesté auprès d’Israël contre le « démantèlement et la confiscation » d’abris à financement européen en mai et juin de cette année.

Vendredi, le porte-parole des Affaires extérieures de l’UE a condamné la recrudescence des démolitions, notamment des structures financées par l’UE.

Israël « doit cesser les démolitions des maisons et des biens palestiniens, conformément à ses obligations en tant que puissance occupante en vertu du droit international humanitaire », ajoute le porte-parole, et « cesser sa politique de construction et d’expansion de colonies, d’affectation de la terre à des usages exclusivement israéliens, et de déni du développement palestinien ».

Mais jusqu’à présent, aucune initiative n’a été prise par l’UE – qui distribue sans compter des fonds à Israël, notamment pour des projets de recherche sur le territoire occupé – pour qu’il réponde de ces démolitions. De sorte que les communautés palestiniennes s’attendent à plus de destructions encore.

Silvia Boarini est photojournaliste, basée à Jérusalem. Elle est co-directrice de Empty Desert (https://vimeo.com/155047525)

 

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Jabal al-Baba est un village avec quelque 300 membres, de la tribu bédouine Jahalin, qui y ont été transférés de force depuis Tel Arad, dans le sud de ce qui est actuellement Israël, après l’implantation de cet État en 1948. La zone est appelée Jabal al-Baba, littéralement la Montagne du Pape, parce que la colline a été léguée au Vatican par le roi Hussein de Jordanie, qui a gouverné la Cisjordanie entre 1948 et 1967, à l’occasion de la visite du pape en 1964. Le village bédouin est proche de la propriété du Vatican sur une terre, propriété privée palestinienne, à al-Eizariya, mais qui, depuis 1967 année où Israël a occupé la Cisjordanie, est en partie déclarée terre d’État.

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Une fois terminé, le mur d’Israël en Cisjordanie qui consiste actuellement à cet endroit en des fils de fer barbelés, va séparer Jabal al-Baba de la ville d’al-Eizariya. La communauté bédouine dépend de la ville pour les services, tels que l’enseignement et les centres de santé, et le mur aura pour effet de piéger les Bédouins du côté « israélien ». Le mur a déjà limité les zones de pâturage auxquelles a accès cette communauté agraire.

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« Nous n’avons plus d’espace pour faire paître nos troupeaux, le mur est tout autour de nous, et ils démolissent nos maisons. Israël nous étrangle, » dit Atallah Mazara, chef de la communauté villageoise de Jabal al-Baba. Depuis son implantation en 1975, la colonie Maaleh Adumim, à l’est de Jabal al-Baba, s’est étendue, s’emparant des terres antérieurement utilisées pour le pâturage du bétail par la communauté bédouine locale.

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L’un des abris, financé par l’UE, a été démoli par Israël à Jabal al-Baba le 16 mai 2016. Au total, ce sont 10 structures qui ont été démantelées et confisquées, laissant 49 personnes sans toit. Jabal al-Baba est l’un de ces nombreux hameaux bédouins qu’Israël considère comme un obstacle à sa continuité territoriale dans le corridor appelé E1, lequel corridor s’il est développé reliera la colonie Maaleh Adumim à Jérusalem. Les communautés bédouines dans E1 ne sont pas prises en compte dans le plan directeur d’Israël pour la zone.

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Des garçons de Jabal al-Baba, qui participent à un camp d’été. La communauté bédouine a réussi à installer une tente pour les pensionnaires sur la terre du Vatican. La structure est utilisée pour les activités de la communauté et pour accueillir les invités internationaux.

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Une dalle de béton, vide. C’est là que les deux caravanes se trouvaient qui servaient de salles de classe dans le village d’Abu Nuwwar, lui aussi dans le corridor E1. Ces structures, à financement européen, ont été confisquées au petit matin du 20 février 2016, le lendemain de leur installation par un groupe non gouvernemental français.

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Pour la classe, les élèves de l’école primaire d’Abu Nuwwar doivent se rendre à dos d’âne à Wadi Abu Hindi, à plus de deux kilomètres. « Il faut une demi-heure dans chaque sens. S’il y avait un car, ce serait plus facile, surtout quand il pleut en hiver », dit Bara Hammadin, 16 ans, que l’on voit ici dans le jardin d’enfants d’Abu Nuwwar. Les habitants expliquent qu’un tribunal israélien a ordonné la protection des structures construites avant 2010, comme ce jardin d’enfant et la plupart des maisons d’Abu Nuwwar, contre la démolition. Mais avec l’interdiction de nouvelles constructions, il n’est pas possible de répondre à la croissance naturelle du village, notamment par la construction d’une école primaire. Les Jahalin se sont lancés dans plusieurs batailles juridiques pour leur droit à rester et à s’étendre là où ils habitent actuellement.

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Au sud, par-delà les cabanes d’Abu Nuwwar, vous trouvez la colonie de Kedar. Comme Jabal al-Baba, Abu Nuwwar est considéré par Israël comme un obstacle à l’expansion coloniale dans le corridor E1.

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Younes Hamadeen, d’Abu Nuwwar, s’est allongé, à l’extérieur du jardin d’enfant. « Ils voudraient comme nous vivre quelque part entre terre et ciel », plaisante-t-il, évoquant les obstacles qu’Israël leur pose pour empêcher le développement des communautés Jahalin. « Nous ne voulons rien d’Israël, seulement qu’il nous laisse exister. Nous avons notre propre système, notre propre façon de vivre, nous voulons seulement rester là où nous sommes. »

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Khalil Hathaleen, à l’extérieur de sa maison à Umm al-Kheir, village dans les collines du sud d’Hébron. « Ils nous disent que nous sommes tous égaux, noirs et blancs, mais ici, nous ne le sommes pas vraiment » dit-il. Avec une population d’environ 200 personnes appartenant au clan Jahalin, Umm al-Keir se trouve en Zone C, c’est une communauté donc sous contrôle total israélien ; proche de la colonie israélienne de Carmel. Les habitants d’Umm al-Kheir ne sont reliés à aucun réseau d’eau et d’électricité, alors que la colonie profite de ces services.

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Khalil Hathaleen, dans sa maison. Faisant un geste vers l’est, vers un hameau voisin connu aussi sous le nom d’Umm al-Kheir, qui est compris dans le plan directeur d’Israël pour la zone. Il dit : « Ils veulent que nous partions là-bas, mais cette terre n’est pas la nôtre, elle appartient à d’autres familles, nous ne pouvons pas y aller, tout simplement ».

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« Avoir le logo de l’UE sur les maisons nous a aidés pendant un certain temps, mais en réalité, Israël ne craint pas l’UE », dit un habitant d’Umm al-Kheir, Eid Hathaleen, qui utilise les débris des démolitions pour construire des modèles réduits des machines qu’Israël utilise pour détruire les maisons et les infrastructures. Son oeuvre sera présentée dans une exposition prochaine organisée par un artiste chinois, Ai Weiwei, à Berlin. « Vous le voyez, la vie est très dure ici, c’est comme le Far West » dit-il, notant que les colons arrivent de régions éloignées comme les collines du sud d’Hébron, ils croient qu’ils sont sur une mission de conquête de la terre. « Ils ont tendance à être des types agressifs, pas intéressés par la discussion » ajoute-t-il.

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Le traditionnel four « taboun » à Umm al-Kheir, que l’on voit au premier plan, a fait l’objet de nombreux litiges avec les colons de Carmel, en arrière-plan. Le four, utilisé pour cuire le pain, a été un élément central du village pendant des décennies, mais depuis l’expansion de la colonie il y a dix ans, une bataille juridique fait rage sur son sort. Les colons ont cherché faire retirer le four, arguant que les fumées représentent une nuisance et un risque pour la santé. Les colons ont fait des incursions dans le village à plusieurs reprises – une fois accompagnés de soldats israéliens – pour éteindre le four.

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Une dalle de béton sur laquelle il y avait une maison, jusqu’à ce qu’elle soit démolie il y a deux ans et, plus loin, un tas de gravats ; là où un autre abri a été démoli le 6 avril 2016. À gauche de la dalle vide et des ruines, une remorque qui a été montée après la démolition d’avril. Les villageois expliquent qu’une fois qu’un bâtiment est démoli, ils ne peuvent pas reconstruire exactement au même endroit, mais qu’ils vont réessayer de le monter à quelques mètres de là.

Traduction : JPP pour l’Agence Média Palestine

Source: Electronic Intifada

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