Un groupe de rock palestinien rêve d’un avenir plus lumineux

La musique de Typo donne une idée, à travers l’expérience des membres du groupe, de ce que c’est que vivre à Gaza sous une pression politique et économique croissante.

Isra Namey- 10/03/17


Depuis la sortie de son premier album, le groupe a donné cinq concerts à Gaza. [Photo offerte par Typo]

Gaza ville – Depuis le Studio Asayal de Gaza ville, cinq jeunes musiciens se sont donné pour mission de transmettre un message optimiste sur la vie dans le territoire palestinien assiégé.

« Nous essayons simplement d’envoyer au monde depuis Gaza un message plein d’espoir et de paix.La population de Gaza mérite de vivre en paix et dans la dignité », a dit à Al Jazeera le chanteur vedette de Typo, Mohamed Zohud, 25 ans, qui a fait remarquer que le but du groupe, c’est de « faire naître un sourire sur les visages des Palestiniens de Gaza ».

Avec ses quatre copains, Zohud compose des chansons qui reflètent et informent sur ce que c’est que vivre à Gaza sous une pression politique et économique croissante. Typo est le premier groupe de rock né à Gaza et, après avoir produit un premier album l’année dernière, il travaille déjà à la sortie du second.

« De nos jours, les jeunes font tomber les barrières entre les nations et construisent des ponts en s’appuyant sur l’art et la musique », a dit à Al Jazeera le directeur de studio Wael el-Eazji, faisant remarquer que les  médias sociaux ont permis plus facilement l’accès aux différents types de musique dans ce territoire isolé.

REGARDEZ : les enfants de Gaza trouvent une certaine harmonie dans la musique à l’école.

Une première version du groupe s’était formée après la guerre d’Israël sur Gaza en 2012. Zohud et son grand ami Basem Hamlawi ont commencé à penser à ce qui pourrait aider la population à échapper au désespoir généralisé consécutif à la guerre. C’est alors qu’ils se sont tournés vers la musique, étudiant une série de vidéos sur YouTube pour découvrir la musique rock. Ils ont suivi des cours pour apprendre à jouer de la guitare, de la basse et du clavier.

Les deux amis se sont entraînés sans cesse et bientôt, ils ont commencé à participer à des concerts publics.

« Les réactions positives du public nous ont encouragés à former officiellement notre propre groupe et à organiser notre travail afin d’écrire et de chanter nos propres chansons [au lieu de simplement reprendre celles des autres] », a dit Zohud.

Rêve d’aurore

Ne le laisse pas en l’état
Change le concept courant d’amour et de liberté
Ecris sur le coeur des gens,
‘J’existe’
Arrache la peur de leurs âmes avec ton regard bienveillant
Saisis ton pinceau
Colore ta vie
Jette le passé derrière ton dos
Et rêve d’aurore avec un livre ouvert
Avec des yeux noirs et la couleur de la révolution
Offre une vision qui pourrait secouer le monde
Joue tes pensées et compose tes souhaits
La mélodie de la liberté t’appelle
T’appelle et te dit : ‘Ton rêve est réel, ton rêve est possible’

-Paroles de Typo

Fin 2014, Typo a commencé à auditionner de nouveaux musiciens pour qu’ils participent au groupe,  aboutissant finalement à la version à cinq membres qui existe aujourd’hui.

Les membres de Typo ont dû faire avec le manque de soutien et d’instruments de musique à Gaza. Le joueur de basse Mohammed el-Balawi a rappelé comment il avait dû réparer sa guitare après qu’elle se soit cassée pendant une séance d’enregistrement.

« Nous ne devrions pas abandonner nos rêves à cause du blocus et des souffrances à Gaza », a dit Balawi à Al Jazeera. « Nous devons être créatifs pour surmonter nos malheurs et finir par avoir les meilleures chansons et les plus beaux concerts que l’on puisse imaginer. »

Ces derniers mois, le groupe a travaillé dur pour sortir son deuxième album. S’assurer des financements a été un défi, mais le groupe a été très ému de recevoir en 2015 une bourse de la Fondation Qattan, ONG culturelle de Cisjordanie occupée, après avoir fait une demande. Ils ont gagné face à huit autres, des groupes bien plus connus.

La musique de Typo s’inspire de la vie de tous les jours à Gaza, endroit où la musique rock est peu ordinaire. C’est ce qui a inspiré leur nom – le fait que leur musique pourrait à première vue être perçue comme une « erreur » dans la société traditionnelle.

« Ce genre de musique est encore étranger à la communauté palestinienne. C’est pourquoi nous avons dû ruser et mélanger la musique rock avec des tambours orientaux afin de plaire aux oreilles palestiniennes », a dit Zohud.

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La chanson Rêve d’Aurore, par exemple, parle de jours meilleurs en perspective pour les Palestiniens de Gaza.

« C’est un appel à croire à un meilleur avenir encore en attente », a dit le claviériste Samier el-Borno à Al Jazeera. « Ni l’occupation israélienne, ni sa politique d’agression et de siège ne peuvent nous priver d’une lueur d’espoir de rester résilients et inébranlables.


‘Nous sommes impatients d’organiser des concerts hors de Gaza pour transmettre nos messages à plus grande échelle’ [Photo offerte par Typo]

La décennie du blocus de Gaza par Israël a affecté toutes les facettes de la vie dans la bande côtière, y compris l’art et la musique. Typo a été invité à donner cinq concerts publics l’année dernière en Cisjordanie occupée, mais après des mois de préparation et de répétitions, la tournée a été annulée.

« Nous n’avons pas obtenu les permis nous autorisant à aller en Cisjordanie. C’aurait été une expérience gratifiante et un exploit considérable si cela avait pu se faire », a dit Zohud. « Malheureusement, nous avons dû nous habituer à ce genre de déception étant donné la politique israélienne d’étouffement qui nous a laissés grandement isolés et coupés du reste du monde. »

Depuis la sortie de son premier album, le groupe a donné cinq concerts à Gaza, très chaleureusement accueillis par ses fans.

« Ce qui m’a attiré dans leurs chansons, c’est la traduction très sincère et juste de nos vies à Gaza [et] leurs tentatives courageuses pour rectifier les idées fausses en direction de quelques communautés de la société palestinienne », a dit un fan, Ayham Salamah, à Al Jazeera, précisant qu’il admirait particulièrement une chanson qui attire l’attention sur le sort des enfants à la rue à Gaza.

Le groupe a reçu des offres de financement de la part d’institutions culturelles de Gaza, dont l’Institut Français, qui ont exprimé leur intérêt en organisant des tournées à l’étranger – mais pour l’instant, le blocus israélien a mis ce rêve hors d’atteinte.

« Nous sommes impatients d’organiser des concerts hors de Gaza pour transmettre nos messages à plus grande échelle et nous produire à travers le monde arabe », a dit Balawi.

« Le stéréotype répandu dans le monde entier comme quoi Gaza serait une ville de mort et de guerre doit être remplacé par une image positive portée par la jeunesse de Palestine et des générations prometteuses. »

Traduction : J. Ch. pour l’Agence Média Palestine

Source : Al Jazeera

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