Les enfants de Nabi Saleh dans les prisons israéliennes : conversation avec Bassem Tamimi

Par Richard Hardigan – le 18 juillet 2017

Le militant palestinien Bassem Tamimi avec ses proches le 25 avril 2012 à l’hôpital de Ramallah après qu’un tribunal militaire l’ait relâché sous caution le 24 avril, avant le verdict de son procès sur accusation d’organisation de manifestations populaires. Tamimi avait été arrêté le 24 mars 2011 et accusé d’organiser des manifestations illégales et d’inciter au jet de pierres en lien avec une série de manifestations hebdomadaires dans le village de Nabi Saleh en Cisjordanie pour protester contre les colons juifs qui s’appropriaient leur terre. (Photo : Issam Rinawi/APA Images)

Les manifestations dans le village de Nabi Saleh en Cisjordanie ont débuté en décembre 2009. Les villageois ont commencé à protester contre le vol d’une source locale par la colonie israélienne illégale d’Halamish, mais il s’agissait aussi d’un combat contre l’occupation en général. Les autorités israéliennes ont riposté contre les manifestants de façon brutale. En plus de trois morts et d’innombrables blessés au cours des années, le traitement des enfants a été particulièrement effrayant.

Selon l’ONG « Défense des Enfants International-Palestine », la totalité des statistiques concernant l’incarcération des enfants palestiniens par les forces d’occupation est stupéfiante.

Israël est le seul pays au monde qui engage automatiquement des poursuites contre les enfants devant des tribunaux militaires, et qui n’offre pas les garanties minimales d’un procès équitable. Depuis 2000, au moins 8.000 enfants palestiniens ont été arrêtés et poursuivis dans un régime de détention militaire israélien, bien connu pour ses mauvais traitements et son usage de la torture sur les enfants palestiniens.

Nabi Saleh n’est pas une exception à cet égard. Depuis le début des manifestations, il y a eu 220 arrestations, dont environ 100 mineurs et, peut-être encore plus dérangeant, 15 enfants de moins de 15 ans ont été arrêtés. L’un de ceux-ci est Mohammed Fadal Tamimi, âgé de 14 ans, qui est actuellement en prison.

J’ai rencontré Bassem Tamimi, l’un des organisateurs des manifestations, chez lui en fin d’après midi le 15 juillet. Nous avions organisé cette rencontre pour discuter de la situation des enfants du village actuellement détenus par les autorités israéliennes. Mohammed, Ahmed Shakir, Youssef Tamimi, 16 ans, et Ahmed Sami Oudi Tamimi, 17 ans, ont été arrêtés le 24 avril 2017 et sont depuis en prison.

La mère d’Ahmed Shakir, dont le fils aîné a également été arrêté pendant le raid, n’a eu l’autorisation de voir aucun de ses deux fils hormis que pendant le procès. Elle nous a rejoints pendant la conversation et nous a expliqué les circonstances de cette violente arrestation.

« Environ 15 soldats sont entrés chez nous et ont demandé à tous sa carte d’identité. Ils m’ont repoussée quand j’ai essayé de donner quelques vêtements à Ahmed. Il faisait très froid », a-t-elle dit.

Ahmed Sami attend son deuxième procès, mais Ahmed Shakir et Mohammed ont déjà été condamnés sur le témoignage d’un soldat qui a prétendu qu’il avait vu les deux garçons jeter des pierres.

« Le soldat peut dire tout ce qu’il veut, et les autres le croiront », m’a dit sinistrement Bassem.

Ce n’est pas difficile de comprendre le manque de confiance de Tamimi dans le système judiciaire d’Israël. En 2012, il avait lui-même été arrêté onze fois par les autorités israéliennes et avait passé trois ans en détention administrative, sans jamais être accusé ni jugé. En 1993, on l’a battu si sauvagement au cours d’un interrogatoire qu’il est resté inconscient pendant huit jours et, après une intervention chirurgicale au cerveau, il a été mis à l’isolement pendant 40 jours avant d’être relâché.

Arrêté en 2011, il a été détenu pendant 13 mois avant d’être condamné pour organisation de manifestations illégales et exhortation de jeunes à jeter des pierres sur les soldats israéliens. La condamnation était fondée dans une grande mesure sur la confession d’un mineur qui n’avait pas eu droit à un avocat pendant son interrogatoire. Une vidéo remise à l’Associated Press par des militants montrait un interrogateur en train de crier sur le garçon et lui disant de reconnaître que Bassem l’avait poussé à jeter des pierres.

Le procès avait attiré l’attention internationale et avait été suivi par des diplomates européens. La responsable des Affaires Etrangères de l’Union Européenne Catherine Ashton a fait part de son inquiétude sur l’impartialité du procès et a déclaré que « l’UE considère Bassem Tamimi comme un ‘défenseur des droits de l’Homme’ engagé dans une manifestation non-violente contre l’expansion d’une colonie israélienne sur des terres appartenant à son village de Cisjordanie ».

La famille Tamimi repousse un soldat israélien qui s’agrippe à Mohammed « Abu Yazan » Tamimi, 12 ans, pendant une manifestation dans le village de Nabi Saleh en Cisjordanie, près de Ramallah, le 23 août 2015. (Poto : Mohamed Torgkman/Reuters)
Des Palestiniens essaient d’éviter les gaz lacrymogènes tirés par les soldats israéliens pendant les affrontements qui ont éclaté après les funérailles du Palestinien Mustafa Tamimi dans la ville de Nabi Saleh en Cisjordanie, dimanche 11 décembre 2011. Tamimi, 28 ans, jetait des pierres contre un véhicule militaire israélien vendredi dans le village de Nabi Saleh en Cisjordanie quand un soldat à l’intérieur a ouvert la porte arrière et a tiré une bombe lacrymogène sur lui d’à peine quelques mètres, ont dit des témoins. On l’a emmené dans un hôpital israélien où il est mort samedi de ses blessures. (Photo : Issam Rimawi/APA Images)

La libération d’Ahmed Shakir et de Mohammed est prévue pendant la prochaine quinzaine, soumise au paiement d’une amende de 834 $ (3.000 NIS) pour chacun d’entre eux, mais le sort d’Ahmed Sami n’a pas encore été décidé.

La plus grande partie de la conversation avec Bassem Tamimi a été sombre, mais l’interview s’est arrêtée pour un heureux événement, le mariage d’un villageois qui a précipité Tamimi et sa femme dehors pour y assister. Ce que nous ne savions pas à ce moment là, c’est qu’une autre victime s’ajouterait à la liste des morts à peine quelques heures plus tard. Les forces israéliennes entreraient dans le village avant l’aube et tuerait Amr Ahmad Khalil, 34 ans, du village voisin de Kafr Ein, pendant une descente organisée pour l’arrêter. Il était suspect dans une fusillade en voiture au nord de Ramallah.

Traduction : J. Ch. pour l’Agence Média Palestine

Source : Mondoweiss

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