Par Maureen Clare Murphy, 3 Août 2017
Bassel Khartabil (Joy Ito)
Bassel Khartabil, le développeur de logiciels et partisan d’internet libre syrien-palestinien, porté disparu, aussi connu sous le nom de Bassel Safadi, a été exécuté fin 2015, a annoncé mardi sa femme Noura Ghazi sur Facebook.
Khartabil avait été arrêté à Damas en Mars 2012, un an après le soulèvement dans le pays, et maintenu au secret.
“Au départ, il a été arrêté, interrogé et torturé en secret, dans un bâtiment contrôlé par la Direction Générale des Renseignement du pays,” a déclaré mardi le directeur international de Electronic Frontier Foundation, Danny O’Brien.
“Après une campagne internationale menée par des associations pour les droits humains, aux côtés de nombreux collègues de Bassel des communautés de l’internet et de la culture libres, il a été transféré à la prison civile de Adra, d’où il pouvait communiquer avec ses amis et sa famille,” a ajouté O’Brien.
Il resta dans cette prison jusqu’à Octobre 2015, quand il fut transféré vers un lieu inconnu. La famille de Khartabil perdit contact avec lui à ce moment là.
“Plusieurs gouvernements condamnèrent la détention de Bassel par la Syrie et le Groupe de Travail de l’ONU sur la Détention Arbitraire déclara illégal l’emprisonnement de Bassel en Avril 2015, mais le gouvernement de Assad refusa de le libérer ou d’apporter des informations sur son cas,” déclare O’Brien.
On peut maintenant penser que Khartabil fut exécuté peu de temps après son transfert de la prison d’Adra.
Selon Amnesty International, la famille de Khartabil a reçu l’information qu’il a été tué en 2015 après qu’il aurait été ‘jugé’ et ‘condamné à mort’ par le tribunal militaire à al-Qaboun, Damas, lors d’une audience secrète.”
Amnesty ajoute : “Ces tribunaux sont réputés pour mener des procédures à huit-clos qui ne répondent pas au minimum des standards internationaux pour un procès équitable.”
Champion de l’Internet libre
Khartabil était le chef de projet pour la Syrie de Creative Commons, une association à but non-lucratif qui promeut un brevet qui permettrait un plus large partage du travail créatif.
Fin 2010 il mena des négociations à Doha qui aboutirent à un langage commun pour discuter d’un usage juste et des droits d’auteur en Arabe.
“Le patrimoine créatif, et le patrimoine mondial de l’art, de l’histoire et du savoir, sont plus forts grâce au travail de Bassel, et notre communauté est meilleure grâce à son travail et à son amitié,” a déclaré l’association.
“Sa mort nous est un terrible rappel de ce que risquent de nombreuses personnes et familles pour construire une société meilleure.”
Khartabil cofonda le premier hackerspace de Syrie en 2010 et rédigea le code qui permit au navigateur Mozilla Firefox de fonctionner en arabe. Il s’efforça de montrer avec Electronic Frontier Foundation comment le gouvernement syrien censure internet.
Khartabil continua son travail de programmation de logiciels libres à l’intérieur de la prison d’Adra et créa le New Palmyra Project. Cette initiative utilise des informations de source libre pour reproduire virtuellement le site classé au patrimoine mondial de l’UNESCO saisi et gravement endommagé par l’Etat Islamique, qui a aussi exécuté ses meilleurs archéologues, en 2015.
Khartabil a été nommé par Foreign Policy l’un des 100 Penseurs du Monde de 2012 et a reçu, malgré son absence, le prix pour la Liberté Digitale de l’Index on Censorship pour 2013. Le prestigieux MIT Media Lab lui a également offert un poste de chercheur scientifique après sa disparition.
“Au moment où simplement relayer la vérité sur la Syrie était un acte potentiellement dangereux, il ne s’est pas tu,” déclare O’Brien.
“Il a prit le monde comme son public par défaut. Il semble que sa notoriété en tant que voix syrienne indépendante, une notoriété qui découlait de ses connections avec la communauté internet internationale, est ce qu’il l’a mené à sa détention.”
Khartabil est né à Damas en 1981 mais sa famille était originaire de Safed, un village de Galilée, en Palestine historique, qui subit un nettoyage ethnique par les forces sionistes 1948.
Des milliers de prisonniers morts
“Le gouvernement détient illégalement des milliers de Syriens, dont de nombreux militants pacifiques comme Bassel, et des milliers sont morts dans les cachots de la Syrie,” a déclaré mercredi la chercheuse de Human Rights Watch, Sara Kayyali.
“Human Rights Watch a des photos de près de 7 000 corps, morts en détention,” a ajouté Kayyali.
Plus de 1 600 Palestiniens ont été détenus par le gouvernement syrien, selon le Groupe d’Action pour les Palestiniens de Syrie. Des centaines sont morts durant leur emprisonnement.
Environ 65 000 personnes ont subi des disparitions forcées dans le pays depuis le soulèvement qui commença en Mai 2011, selon le Syrian Network for Human Rights.
Alors que la situation s’est détériorée en guerre permanente, des estimations disent que plus de 400 000 personnes ont perdu la vie et plus de la moitié de la population de Syrie a été forcée de quitter on lieu de vie.
A la suite de l’annonce de l’exécution de Khartabil, Human Rights Watch ainsi qu’Amnesty International demandent un suivi indépendant des sites de détention en Syrie.
“Des milliers de vies sont en jeu,” a déclaré Amnesty.
Traduction : Lauriane G. pour l’Agence Média Palestine
Source : Electronic Intifada