Le 12 août 2017
Gal Gadot, l’actrice qui a interprété Wonder Woman, est rapidement devenue l’icône du mouvement féministe des célébrités : blanche, ardente avocate de l’égalité. Elle a même fait la couverture de tous les magazines – le genre de nana qui brise le plafond de verre.
Ce qui est particulièrement intéressant cependant, c’est que Gadot est une ancienne soldate fière d’avoir servi dans les Forces de Défense Israéliennes (FDI). Elle est un soutien avéré de l’armée israélienne ainsi que de l’État d’Israël. Ses expériences vécues semblent correspondre à son robuste personnage à l’écran.
Mais la concordance de Gadot avec l’armée israélienne est plus problématique qu’on pourrait le penser.
Si vous ne le saviez pas déjà, Israël occupe la Palestine depuis plus de 50 ans. L’occupation a provoqué le déplacement de millions de Palestiniens, dont beaucoup ne peuvent revenir chez eux encore aujourd’hui.
Et en plus, les Palestiniens qui résident encore en Israël sont traités comme des citoyens de deuxième classe et se voient régulièrement refuser un logement, un travail et leurs droits fondamentaux.
Ceux qui vivent encore dans les Territoires palestiniens sont derrière un mur qui isole les Palestiniens de leurs villages, des routes universelles et de l’accès à l’emploi et des autres nécessités quotidiennes. Ces checkpoints sont horribles et inhumains.
Il y a des milliers de prisonniers palestiniens qui passent leur vie derrière les barreaux. On appelle cela un ‘conflit’ mais, avec un des côtés fortement soutenu par les financements américains, nous savons que cette occupation est inéquitable.
Pour les besoins de cet article, je ne parlerai pas des violations commises par l’État d’Israël – des violations que tant de « féministes » ont normalisées et même défendues. Mais je ferai remarquer que je considère le sionisme et le féminisme comme diamétralement opposés.
Le sionisme prétend que la patrie légitime du peuple juif est en Palestine – un endroit que des millions d’indigènes palestiniens ont appelé leur terre natale pendant des siècles – et tandis qu’il est normalisé dans quelques poches du féminisme, il est en contradiction avec les valeurs fondamentales du mouvement.
Le féminisme repose sur la libération de toutes les femmes et de leurs familles et exige paix, dignité et sécurité pour toutes – choses à l’encontre desquelles l’occupation israélienne de la Palestine agit directement.
Moi par exemple, je refuse de célébrer le « féminisme » sioniste de Gador. Je ne peux pas l’emporter sur les voix et les luttes des Palestiniennes qui se battent tous les jours pour leurs droits fondamentaux.
Mais, alors que j’aimerais discuter des multiples raisons pour lesquelles il est hypocrite de se définir comme féministe si on soutient l’occupation sioniste de la Palestine, nous laisserons cela pour une autre fois.
Pour l’instant, je préférerais garder un peu de place pour parler de femmes hors du commun qui existent et résistent tous les jours.
Voici cinq Palestiniennes qui se sont battues contre le monde pour leur humanité – c’est pour elles
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Maysoon Zayid
Née dans le New Jersey, Zayid est une comédienne palestinienne-américaine. Initialement, elle a souffert de restrictions dans sa carrière à cause de sa paralysie cérébrale et d’une fierté palestinienne déclarée.
Zayid s’est produite dans les meilleurs clubs de comédie de New York, traitant de sujets allant du handicap à l’identité religieuse et ethnique. Elle n’a pas peur de parler de la Palestine et de l’occupation israélienne.
En 2003, avec d’autres comédiens arabes, Zayid a fondé le Festival de Comédie Arabo-Américain de New York qui a lieu tous les ans, présentant des comédiens arabes-américains de tous les Etats Unis.
Parallèlement à ce travail formidable de diffusion du rire – notamment avec si peu d’atouts dans son jeu en tant que femme palestinienne musulmane souffrant de paralysie cérébrale – Zayid passe la moitié de l’année à militer bénévolement pour les enfants souffrant de handicap en Palestine.
Susan Abulhawa
Un de mes romans préférés depuis toujours, Matins à Jénine, a été écrit par Abulhawa. Ecrivaine et militante palestinienne-américaine, Abulhawa est née de parents palestiniens devenus réfugiés après l’occupation de la Palestine en 1967.
Abulhawa a obtenu une maîtrise en Neurosciences à l’Ecole de Médecine de l’USC. Son premier roman raconte en détail le voyage multi-générationnel d’une famille depuis leur exil de Palestine en 1948, leur vie dans les camps de réfugiés et leur réinstallation aux Etats Unis.
L’énorme succès du roman – il a été traduit dans plus de vingt langues – a eu un résultat exceptionnel pour Abulhawa ainsi que pour la Palestine. Il a procuré à la Palestine la chance de raconter son histoire humaine à un public international.
Les émotions à l‘état brut explorées dans cette histoire ont profondément résonné en moi. Je me souviens avoir pleuré pendant des heures à la première lecture de ce roman.
Abulhawa est également une des fondatrices de Terrains de jeux pour la Palestine, organisation à but non lucratif qui fournit des terrains de jeux pour les enfants de Palestine et des camps de réfugiés.
Le site web déclare : « Ce projet est l’expression d’une solidarité avec la détresse des enfants. Il est l’affirmation de leur droit à l’enfance. C’est la reconnaissance minimale de leur humanité. »
Rafeef Ziadeh
Poétesse et interprète palestinienne-britannique, Ziadeh est née de parents palestiniens réfugiés au Liban. Elle a commencé a interpréter des poèmes en 2004, mêlant musique et poésie qui parle de la Palestine, de l’exil, du genre et de la guerre.
Elle parle de son expérience en tant que réfugiée dans un monde hostile, et de mémoire et de l’idée de nation. Ses poèmes, ‘Nous Enseignons la Vie, Monsieur’ et ‘Nuances de Colère’ ont vécu des jours empoisonnés après leur diffusion sur les réseaux sociaux.
En 2009, Ziadeh a sorti son premier album de poésie parlée, intitulé ‘Hadeel’, qu’elle a dédié à « la jeunesse palestinienne, qui continue à faire voler des cerfs-volants face aux bombardiers F16, qui se souvient encore des noms de ses villages en Palestine et qui entend encore le nom de Hadeel au-dessus de Gaza ».
Les vers de Ziadeh que je préfère sont dans le poème Nuances de Colère :
« Je suis une femme arabe de couleur et nous prenons toutes les nuances de la colère
Alors laissez moi vous dire, cet utérus dans mon ventre ne vous donnera que votre prochaine rebelle
Elle aura une pierre dans une main et le drapeau palestinien dans l’autre. »
La réaffirmation par Ziadeh de notre droit à la colère est rafraîchissant.
Au lieu d’ignorer la réalité et la beauté de la résistance des femmes arabes, Ziadeh la chante haut et fort. Je me souviens que, la première fois que j’ai lu ces vers, je les ai répétés encore et encore.
Je suis une femme arabe en colère et je suis heureuse de l’être. Je sais aimer profondément, vivre librement et combattre passionnément, et cela aussi, c’est beau.
Noura Erakat
Noura Erakat est une avocate palestinienne-américaine des droits de l’Homme et professeure à l’Université George Mason. Son travail se concentre sur le combat pour la Palestine sous l’angle du Droit International.
Erakat a écrit et est parue dans quantité de revues, publiant des articles et des communications sur le sort des réfugiés, le droit humanitaire et la justice sociale.
Erakat a participé à la fondation de Jadaliyya, magazine en ligne qui présente des universitaires, artistes, journalistes et militants arabes.
Jadaliyya est utilisé dans de nombreux milieux sociaux et universitaires dans le monde entier et c’est un outil vital pour comprendre et découvrir quantité de questions essentielles concernant les régions du MOAN (Moyen Orient et Afrique du Nord).
L’un des articles d’Erakat est écrit pour défendre une autre courageuse Palestinienne, Rasmea Odeh, ancienne prisonnière politique dans les prisons israéliennes qui avait été accusée de mentir sur sa demande de citoyenneté américaine lorsqu’elle avait déclaré qu’elle n’avait pas été arrêtée auparavant.
Résultat, Odeh a passé des années en déportation de bataille juridique et avec la menace de perdre sa citoyenneté américaine. Noura Erakat a écrit une œuvre intitulée : « Quand vous Venez pour Rasmea Odeh, Vous Venez Pour Nous Toutes ».
Rasmea Odeh
L’histoire de Rasmea Odeh parle d’une courageuse combattante pour la liberté dans un monde de censure et de rejet.
Femme palestinienne, Odeh est un véritable pilier des communautés arabes et musulmanes de Chicago où elle milite dans des organisations locales dont le Réseau d’Action Arabe-Américain, qui apporte son soutien aux combats de la communauté pour l’immigration et les droits civiques.
Odeh a obtenu le Prix de Leader Eminent de la Communauté de l’Alliance Culturelle de Chicago pour « avoir consacré plus de 40 ans de sa vie à l’émancipation des femmes arabes ».
Ancienne prisonnière politique en Israël, accusée de complicité dans un attentat en 1969, Odeh a subi des tortures et menaces sexuelles en prison – y compris voir son père nu devant elle et être menacée qu’il soit contraint à venir sur elle.
Lors de sa demande de citoyenneté américaine, elle a déclaré qu’elle n’avait jamais été arrêtée. Vingt ans après sa demande, Odeh a été arrêtée chez elle en 2013 par la Sécurité Intérieure pour « Acquisition Illégale de Naturalisation ».
Son arrestation et ses tortures n’étaient pas secrètes. Elle en avait parlé et projetait d’en parler devant les Nations Unies après son arrivée aux Etats Unis.
Odeh était visée, 20 ans après les faits, parce qu’elle est une femme palestinienne et est connue pour son travail rigoureux pour la libération de la Palestine, son soutien à la campagne de Boycott, Désinvestissement et Sanctions contre Israël et son statut bien connu de militante dans la communauté de Chicago.
Quelques mois plus tôt, après trois ans et demi de procès et quelques mois de prison, Odeh a accepté un arrangement par lequel elle acceptait de renoncer à sa citoyenneté américaine et de quitter le pays. A son entrée et à sa sortie du tribunal, elle a été entourée et célébrée par des dizaines de supporters.
Odeh est l’incarnation de la force et de la résilience des femmes palestiniennes ; elle possède la capacité a survivre et prospérer et continue à construire des empires hors de la poussière, de la violence et de la perte.
Odeh incarne la résistance palestinienne. J’espère que, en concluant avec elle, vous comprendrez mieux pourquoi il est si important de célébrer, de reconnaître et de s’enrichir de la force des femmes palestiniennes – non seulement en tant que féministes, mais aussi en tant qu’êtres humains.
Si vous souhaitez faire vos adieux à Odeh avant qu’elle ne quitte le pays, repérez cet événement du 12 août à Chicago, où la conférencière de marque Angela Davis aidera à prononcer des adieux appropriés à cette femme révolutionnaire.
Traduction : J. Ch. pour l’Agence Média Palestine
Source : Everyday feminism