Par Ali Abunimah – The Electronic Intifada – 21 septembre 2017
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu ainsi que d’autres dirigeants israéliens ont, à titre personnel, à répondre de crimes de guerre, affirment des enquêteurs des droits de l’homme. (via Facebook)
Quatre organisations palestiniennes de défense de droits de l’homme ont remis 700 pages de preuves des crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis par Israël au procureur de la Cour pénale internationale.
Cela au moment où deux communautés palestiniennes en Cisjordanie font face à leur destruction imminente par Israël.
Les crimes énumérés dans le dossier comprennent la persécution, l’apartheid, le vol, la destruction et le pillage, à grande échelle, des biens palestiniens, la preuve de « meurtres et assassinats délibérés » sur des centaines de Palestiniens depuis 2014.
Shawan Jabarin, directeur du groupe des droits de l’homme Al-Haq, a déclaré que le dossier « fournit une base indiscutable et légitime » permettant au procureur d’ouvrir une enquête sur les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité qu’il dénonce, commis par Israël en Cisjordanie occupée, y compris Jérusalem-Est.
C’est le quatrième dossier que des groupes de défense des droits de l’homme fournissent à la Cour. Celui-ci se concentre sur la Cisjordanie, mais les dossiers précédents concernaient les crimes perpétrés par de hauts dirigeants civils et militaires israéliens durant l’agression de 2014 contre Gaza.
Menaces de mort et harcèlement
Jabarin a remis le dossier à la Cour de La Haye avec sa collègue Nada Kiswanson.
Kiswanson et d’autres enquêteurs des droits de l’homme affiliés à Al-Haq ont été les cibles d’une campagne, qui dure depuis longtemps, de harcèlement et de menaces de mort, campagne qu’un analyste israélien chevronné relie aux « opérations noires » du gouvernement israélien.
Al-Haq pense que ces menaces sont liées au travail de Kiswanson pour la préparation des dossiers à l’attention de la Cour internationale. Le gouvernement des Pays-Bas, où la Cour est située, a déclaré qu’une enquête criminelle avait été ouverte sur ces menaces.
« Une domination juive israélienne »
Selon une déclaration d’Al-Haq, ce nouveau dossier « répond aux tentatives d’Israël pour agrandir son territoire et y assurer une domination juive israélienne en modifiant la composition démographique du territoire palestinien occupé ».
Raji Sourani, directeur du Centre palestinien pour les droits de l’homme, affirme que le transfert de colons par Israël à l’intérieur de la terre palestinienne « constitue un crime de guerre particulier ajouté à la confiscation de vastes étendues de la terre palestinienne, à la destruction massive de biens palestiniens et à l’éclatement du tissu social et du mode vie des Palestiniens ».
Même si les violations israéliennes en Cisjordanie occupée peuvent être examinées séparément de celles perpétrées dans la bande de Gaza, Issam Younis, directeur du Centre des droits de l’homme Al Mezan, explique de quelle façon elles sont reliées entre elles : « L’isolement de Gaza, en plus des attaques militaires répétées et à grande échelle, permet au bout du compte à Israël de consolider son contrôle sur l’ensemble du territoire palestinien occupé et de dénier aux Palestiniens leur droit à l’autodétermination reconnu internationalement ».
Des pressions sont exercées
La conduite d’Israël durant la guerre contre Gaza en 2014, ainsi que les allégations selon lesquelles de nombreux crimes ont été commis en Cisjordanie, font actuellement l’objet d’un examen préliminaire par les procureurs de La Haye.
Ceux-ci doivent décider ou non de l’ouverture d’une enquête approfondie, laquelle pourra conduire à des inculpations officielles de dirigeants et militaires israéliens.
Il n’existe pas de date limite pour l’examen préliminaire, et les procureurs se trouvent constamment sous la pression d’Israël et des États-Unis pour épargner Israël. Ils ont toutes les incitations à baisser les bras.
L’imposture des auto-enquêtes
Le mois dernier, deux groupes de défense des droits de l’homme ont conclu que le système d’enquête d’Israël sur les crimes présumés commis contre les Palestiniens par ses propres forces était une imposture.
Des centaines de dossiers, comprenant les assassinats avérés de quatre garçons qui jouaient au football sur une plage en juillet 2014, n’ont donné lieu à aucune poursuite contre leurs auteurs.
En mai 2016, B’Tselem a annoncé qu’il ne coopérerait plus aux enquêtes militaires israéliennes sur les meurtres et autres agressions contre des Palestiniens en Cisjordanie occupée.
« Nous n’aiderons pas un système à blanchir ses enquêtes et s’en servir pour masquer l’occupation », explique le directeur du groupe israélien pour les droits de l’homme.
S’agissant des crimes contre l’apartheid et de la colonisation de peuplement, Israël, évidemment, ne fait rien pour enquêter à leur sujet et pour se punir lui-même – étant donné que ces crimes sont programmés et exécutés par l’État lui-même.
Mais même dans les situations où Israël reconnaît – au moins sur le papier – un certain acte comme un crime, il n’y a aucune mise en responsabilité.
Cela devrait être un facteur important dans les décisions des procureurs car, selon son statut fondateur, la Cour pénale internationale n’intervient que lorsque les autorités judiciaires du pays ne veulent pas, ou ne peuvent pas, engager de véritables procédures.
Des villages face à la destruction
Que la Cour agisse ou non n’est pas seulement la question de faire rendre des comptes pour le passé, mais aussi de mettre fin aux crimes en cours.
Ce mois-ci, B’Tselem a prévenu que d’importants dirigeants israéliens, dont le Premier ministre Benjamin Netanyahu lui-même, le ministre de la Défense Avigdor Lieberman, et le chef d’état-major militaire, auraient, à titre personnel, à répondre de crimes de guerre s’ils procédaient à la destruction apparemment imminente de Khan al-Ahmar et Susya, deux communautés de la Cisjordanie.
« La démolition de communautés entières dans les territoires occupés est pratiquement sans précédent depuis 1967 » affirme B’Tselem.
Robert Piper, le plus haut responsable de l’aide humanitaire aux Nations-Unies pour la Palestine, a tweeté : « Tous les regards se portent sur la communauté bédouine de Khan al-Ahmar qui risque d’être transférée de force par les autorités israéliennes dans les jours qui viennent ».
Il a identifié involontairement un problème dans lequel les Nations-Unies jouent un rôle majeur : la soi-disant communauté internationale reste passive et se contente de regarder pendant qu’Israël commet ses crimes quotidiennement.
Il est évident qu’Israël ne se rendra pas de lui-même devant la justice et qu’il appartient à la Cour pénale internationale d’agir. Elle a des montagnes de preuves en sa possession. La question est de savoir si elle a l’indépendance, et la volonté, de remplir son devoir.
Ali Abunimah
Co-fondateur de The Electronic Intifada et auteur de « La bataille pour la justice en Palestine » édité maintenant chez Haymarket Books.
Il a également écrit « Un pays : une proposition audacieuse pour en finir avec l’impasse israélo-palestinienne », une opinion qu’il dit être la sienne, simplement.
Traduction : JPP pour l’Agence Média Palestine
Source: Electronic Intifada