Par Ethan Bronner, 27 Janvier 2018
Un nouveau livre affirme qu’Israël aurait utilisé un poison radioactif pour tuer Yasser Arafat, le chef historique palestinien, ce que les dirigeants israéliens ont toujours nié.
Sur cette photo d’archive du lundi 23 Février 2015 le premier ministre israélien Benjamin Netanyahu passe devant une fenêtre surplombant la vieille ville de Jérusalem. (AP Photo/Sebastian Scheiner)
Du dentifrice empoisonné qui met fin à la vie de la cible en un mois. Des drones armés. Des téléphones portables explosifs. Des roues de secours contenant des bombes télécommandées. Assassiner des scientifiques ennemis et découvrir les maîtresses de religieux musulmans.
Un nouveau livre relate ces techniques et affirme qu’Israël aurait perpétré au moins 2 700 assassinats durant les 70 années de son existence. L’ouvrage explique que, bien que nombre d’entre elles aient échoué, Israël en compte bien plus que n’importe quel autre pays occidental.
Ronen Bergman, journaliste d’investigation au journal Yediot Aharonot, a convaincu de nombreux agents du Mossad, du Shin Bet et de l’armée de lui raconter leurs histoires, certains en gardant leurs vrais noms. Il en résulte un premier examen complet du recours aux assassinats par l’Etat d’Israël.
Basé sur près de mille entretiens et des milliers de documents, “Rise and Kill First” démontre, sur plus de 600 pages, qu’Israël a assassiné pour éviter des guerres, tuant une douzaine de scientifiques nucléaires iraniens, par exemple, plutôt que de lancer une attaque militaire. Le livre suggère aussi clairement qu’Israël a utilisé un poison radioactif pour tuer Yasser Arafat, le chef historique palestinien, ce que les dirigeants israéliens ont toujours nié.
Le dirigeant palestinien Yasser Arafat s’exprimant lors de la signature de l’accord de paix de Wye dans l’aile ouest de la Maison Blanche à Washington, le 23 Octobre 1998. (Dennis Brack / Bloomberg)
Bergman écrit que la mort d’Arafat en 2004 correspondait à un modèle et avait des partisans. Mais il évite d’affirmer clairement ce qu’il s’est passé, expliquant que la censure militaire israélienne l’empêche de révéler ce qu’il pourrait savoir.
Le titre du livre vient de la recommandation ancestrale du Talmud juif, “Si quelqu’un vient pour te tuer, lève-toi et tue-le en premier” (“If someone comes to kill you, rise up and kill him first”). Bergman raconte qu’une grande partie des personnes qu’il a interviewée ont cité ce passage comme justification de leurs actes. Tout comme le fait l’avocat de l’armée en déclarant que de telles opérations sont des actes de guerre légitimes.
Malgré les nombreux entretiens, y compris ceux avec les anciens premiers ministres Ehud Barak et Ehud Olmert, Bergman, auteur de plusieurs livres, explique que les services secrets israéliens ont cherché à interférer dans son travail. Ils se sont réunis en 2010 pour savoir comment interrompre ses recherches et ont mis en garde les anciens employés du Mossad de lui parler.
Il explique que bien que les Etats-Unis imposent des contraintes plus strictes à ses agents que ne le fait Israël, le président George W. Bush a adopté de nombreuses techniques israéliennes après les attentats terroristes du 11 Septembre 2001, et le président Barack Obama a ordonné plusieurs centaines d’exécutions ciblées.
“Les systèmes de commandement et de contrôle, les centres de crise, les méthodes de collecte d’informations, les technologies d’avion sans pilote ou de drones, qui sont aujourd’hui utilisés par les Américains et leurs alliés, ont tous été largement développés en Israël,” écrit Bergman.
Le livre dessine l’histoire de personnalités et les stratégies des différents services secrets. Dans les années 1970, un nouveau chef des opérations du Mossad a ouvert des centaines d’entreprises commerciales à l’international avec l’idée qu’elles pourraient un jour être utiles. Par exemple, le Mossad a créé une entreprise de transport maritime au Moyen-Orient qui, des années plus tard, s’avère être utile pour fournir une couverture à une équipe au large du Yémen.
Il y eu beaucoup d’échecs. Après qu’un groupe de terroristes palestiniens a tué des athlètes israéliens aux jeux olympiques de Munich en 1972, Israël a envoyé ses agents tuer les coupables (ainsi que plusieurs hommes mal identifiés). Il y a également eu des opérations réussies qui ont fait plus de mal que de bien aux objectifs politiques d’Israël, souligne Bergman.
Bergman soulève les préoccupations morales et légales qu’engendrent les exécutions perpétrées par l’Etat, y compris l’existence de systèmes judiciaires séparés pour les agents secrets et les autres citoyens d’Israël. Mais il présente des opérations, qui pour la plupart, atteignent leur objectif. Alors que beaucoup attribuent la fin des attaques sur les citoyens israéliens au mur qu’Israël a construit le long et à l’intérieur de la Cisjordanie au début des années 2000, il explique que ce qui a fait la différence a été “un nombre considérable d’assassinats ciblés d’agents terroristes.”
L’une des sources les plus importantes de Bergman a été Meir Dagan, qui a été récemment directeur du Mossad pendant huit ans, et mort début 2016. Vers la fin de sa carrière, Dagan eu un différend avec le premier ministre Benjamin Netanyahu, en partie sur le fait de lancer une attaque militaire sur l’Iran. Netanyahu pensait que les techniques des services secrets, comme le fait de vendre à l’Iran des pièces défectueuses pour ses réacteurs (ce que faisaient Israël et les Etats-Unis) ne suffisait pas.
Dagan répondit que ces techniques, particulièrement les assassinats, feraient l’affaire. Bergman le cite : “Dans une voiture, il y a en moyenne 25 000 pièces. Imagine qu’il en manque 100. Ça va être très dur de la faire marcher. Mais d’un autre côté, des fois c’est plus efficace de tuer le chauffeur, et c’est tout.”
Traduction: Lauriane G. pour l’Agence Média Palestine
Source: NationalPost