Ryan Rodrick Beiler – The Electronic Intifada – 22 février 2018
Le Parti Rødt de Bjørnar Moxnes apporte son soutien à un boycott économique, culturel et académique total d’Israël. (Brage Aronsen)
Lorsque le membre du parlement norvégien Bjørnar Moxnes a nominé le mouvement de boycott, désinvestissement et sanctions (BDS), dirigé par les Palestiniens, pour le prix Nobel de la paix au début de ce mois, il l’a présenté comme une initiative visant à « mettre un arrêt à une politique dominante, raciste et droitière qui se développe beaucoup trop dans notre monde ».
Moxnes dirige le Parti Rødt (Parti Rouge), l’un des quelques groupes relativement peu importants dans la gauche de l’échiquier politique de la Norvège. L’automne dernier, le parti a gagné suffisamment de votes pour avoir, pour la première fois, un membre au parlement.
Il s’agit d’un gain significatif pour la gauche norvégienne alors que l’image terne du Parti travailliste, plus important, est accusée d’avoir été partiellement responsable de la courte victoire de la droite aux élections.
Avec un siège au parlement, de nouvelles possibilités apparaissent pour promouvoir la plate-forme du Rødt qui soutient un total boycott « économique, culturel et académique d’Israël ».
Les membres du Rødt dans les municipalités des villes de Tromsø et Trondheim, dans le nord de la Norvège, ont soutenu ces dernières années des résolutions appelant aux boycotts des produits des colonies israéliennes.
Au niveau national toutefois, le contrôle exercé par le gouvernement conservateur s’est traduit par le renforcement d’une politique bien disposée envers Israël, incluant une coopération économique et militaire plus étroite.
« Nous pensons que décerner au mouvement BDS le prix Nobel de la paix est parfaitement en accord avec les intentions d’Alfred Nobel et son héritage en faveur de la paix », a déclaré par courriel Moxnes à The Electronic Intifada.
Moxnes affirme que la décision de nominer le mouvement BDS, qui a été approuvé par d’anciens lauréats du Prix pour la paix comme l’archevêque Desmond Tutu et Mairead Maguire, a été prise démocratiquement par le parti qu’il dirige.
« Nous portons la volonté des milliers de membres du parti, et des autres militants norvégiens de la solidarité avec les Palestiniens, au Comité Nobel et sur la scène politique internationale » dit Moxnes.
Une opportunité
Il exhorte les militants du monde entier à tirer le meilleur parti de l’opportunité que représente cette nomination.
Le groupe Une Voix juive pour la paix et la Campagne Solidarité-Palestine, basées respectivement aux USA et au Royaume-Uni, ont d’ores et déjà lancé une campagne #NobelforBDS et une pétition en soutien à cette nomination.
Pour Moxnes, cette campagne, et d’autres comme elle, pourrait changer la façon dont l’opinion publique mondiale perçoit le mouvement BDS et la cause palestinienne.
« Nous pensons pouvoir faire progresser la lutte dans la bonne direction avant que le Comité Nobel n’annonce sa décision en octobre, que la campagne BDS soit effectivement récompensée ou non » explique-t-il.
Moxnes déclare avoir reçu des centaines de messages de soutien depuis la nomination. Mais, inévitablement, de fortes réactions négatives sont venues des médias et responsables politiques israéliens.
Dans une lettre adressée à l’ambassadeur de Norvège en Israël, Sharren Haskel, un parlementaire du parti Likoud au pouvoir en Israël, a exprimé sa « consternation », et il répète les accusations habituelles que le BDS est « antisémite » et que ce n’est pas un « mouvement recherchant la paix ».
Pour sa part, l’émissaire norvégien a démarqué son gouvernement de la nomination, affirmant que c’est le Comité Nobel norvégien qui est chargé du processus de sélection et que l’État s’oppose aux boycotts d’Israël.
Tout en reconnaissant ce retour de flamme, Moxnes rétorque que « ceux qui prennent réellement les risques, ce sont les millions de Palestiniens et les nombreux juifs qui résistent à une occupation brutale. Ils font un sacrifice que nous ne pouvons qu’à peine imaginer ».
Israël va déployer de gros efforts pour combattre le mouvement BDS.
Le gouvernement israélien a inclus le Comité Palestine de Norvège dans la liste des 20 organisations interdites en Israël en punition de leur soutien au BDS. Des membres de l’organisation Aide de l’Église norvégienne ont été refoulés par les autorités frontalières israéliennes.
Une contre-réaction et une dynamique
Des lois visant à criminaliser le BDS ont également été introduites en Europe. Le gouvernement actuel de la Norvège a inclus une disposition dans sa dernière proposition budgétaire par laquelle il retirera le financement gouvernemental à toute organisation recommandant le BDS.
Moxnes affirme qu’il existe un large soutien au peuple palestinien en Norvège, en dépit de la politique de son gouvernement. Il met l’accent sur le vote des syndicats de la Confédération norvégienne en faveur du BDS. D’autres grandes organisations norvégiennes, comme YMCA/YWCA, soutiennent un boycott total d’Israël, et l’Église de Norvège soutient les boycotts des colonies de peuplement.
Malgré la montée de l’extrême droite en Europe du Nord, Moxnes estime qu’il existe toujours une dynamique dans le soutien des droits des Palestiniens. Il note que le parlement du Danemark a récemment voté pour exclure les activités des colonies de l’accord avec Israël. C’est le premier État européen à soutenir publiquement des sanctions contre les entreprises listées par les Nations-Unies faisant affaire avec les colonies d’Israël construites en violation du droit international.
« Nous espérons que d’autres pays suivront cet exemple » dit Moxnes.
Lui et son parti agissent pour que la Norvège soit l’un d’eux.
Source: Electronic Intifada
Traduction : JPP pour l’Agence Média Palestine