Ali Abunimah, 2 Mai 2018
Entraînement au tir dans une école israélienne: les cibles mises en place par la police sont des têtes coiffées du keffieh palestinien.
La police israélienne a prévu d’apprendre aux enfants comment tirer sur des Palestiniens, dans le cadre d’un exercice d’entraînement scolaire.
L’incident au Conseil régional de Ménaché, près de Haïfa au nord de ce qui est aujourd’hui Israël, a été récemment mis en lumière lorsque des citoyens palestiniens d’Israël ont pris des photos de ce qu’il se passait.
Jamal Zahalka, un membre du Parlement appartenant à la Liste arabe unie, réclame une enquête sur cet entraînement financé par la police israélienne et par le ministère de l’éducation, dont il dit qu’il « prépare psychologiquement les élèves à tuer des Arabes ».
Une photo montre une personne – dont la plus grande partie du corps est floutée au marqueur noir, tirant avec un fusil à balles de peinture sur des silhouettes d’hommes et de femmes coiffés des keffieh à carreaux que l’on associe aux Palestiniens.
Zahalka a fait sa demande par une lettre adressée au ministre de la sécurité publique, Gilad Erdan, selon la publication Arab48.
L’activité menée au Conseil régional de Ménaché fait partie d’une formation d’enfants largement répandue, effectuée par la police dans les écoles israéliennes, selon Arab48.
En 2011, le journal Haaretz a décrit comment un groupe de lycéens israéliens de Herzliya avait participé à la simulation d’une attaque de tirs dans une base militaire « dans laquelle les cibles étaient des silhouettes aux têtes couvertes du keffieh arabe ».
Une source a rapporté à Haaretz que l’exercice, également soutenu par le ministère de l’éducation, équivalait à « enseigner la haine des Arabes ».
La formation à l’école du Conseil régional de Ménaché rappelle aussi un incident qui s’est produit l’an dernier, dans lequel la police israélienne a fait une démonstration pour un groupe d’élèves de cinquième année sur comment « confirmer une mise à mort », autrement dit comment perpétrer une exécution extrajudiciaire.
Au début de cette année, le comédien américain Jerry Seinfeld a visité un centre d’entraînement dans une colonie israélienne en Cisjordanie occupée où on montre à des touristes comment tuer des Arabes.
Et par un parallèle dérangeant datant de 2015, on a découvert que la police de North Miami Beach en Floride utilise des photos d’hommes africains américains comme cibles d’entraînement à un stand de tir.
Séparés et inégaux
Zahalka a noté que l’incident s’est produit au Conseil régional de Ménaché, qui se présente comme un parangon de la coexistence entre citoyens juifs et palestiniens d’Israël.
Il y a approximativement 1,5 millions de citoyens palestiniens en Israël. Ce sont les survivants et descendants du nettoyage ethnique de la Palestine en 1948.
Contrairement aux Palestiniens de Cisjordanie et de la bande de Gaza occupées, ils ont la citoyenneté israélienne et le droit de vote, mais ils vivent néanmoins sous le poids de dizaines de lois qui les discriminent parce qu’ils ne sont pas juifs.
Israël gère un système scolaire séparé et inégal pour les élèves juifs et arabes.
L’incitation et l’endoctrinement sont endémiques dans les écoles des enfants juifs, dès les premiers niveaux.
Fiers de tuer
La police israélienne a dit que les cibles de l’école du Conseil régional de Ménaché ont été mises en place pour une journée d’activités destinée à apprendre aux enfants « la bonne citoyenneté » et que pour «susciter l’intérêt des participants, un poste de tir de balles peintes avait été aménagé ».
« Avant le début de l’activité, les chefs de l’activité et l’équipe d’enseignants ont pris conscience du problème et ont caché les images ; aucun enfant ne les a vues pendant l’activité elle-même », prétendit la police.
Le ministère de l’éducation a aussi qualifié l’utilisation de ces cibles, de « grave problème » selon la publication Ynet.
Zahalka a aussi écrit au ministre de l’éducation, Naftali Bennett, appelant à ce que les responsables de l’organisation de cet entraînement au tir soient punis.
Il a déclaré qu’il était inacceptable que le ministère se contente d’annuler l’activité sans rechercher les responsabilités et de mettre le blâme sur la seule police.
Zahalka a glissé que si une semblable activité avait pris place dans une école gérée par l’Autorité Palestinienne, le premier ministre israélien Benjamin Netanyahou « aurait réclamé une réunion du Conseil de sécurité de l’ONU ».
Nadav Perez-Vaisvidovsky, un enseignant de collège, a exprimé le choc qu’il a ressenti à la vue de cet entraînement, et il a tweeté : « c’est le genre de choses qu’on voit dans des livres d’histoire et dont on se demande comment il a pu être permis que cela continue ».
מסוג הדברים שרואים אח"כ בספרי ההיסטוריה, ואתה לא מצליח להבין איך נתנו לדברים כאלה לעבור pic.twitter.com/XN936KZMwd
— נדב פרץ-וייסוידובסקי (@NadavPerez) April 29, 2018
Pourtant, ce n’est qu’une petite partie de ce que la dite communauté internationale permet à Israël de faire en toute impunité.
L’Union Européenne, par exemple, qui ne cesse de publier des rappels de l’importance de « tirer des enseignements du passé », fait mine aujourd’hui de ne pas voir comment Israël massacre de façon délibérée des civils non armés assiégés dans la bande de Gaza.
Et il y a peu de chances de reconnaissance des responsabilités, puisque l’incitation vient du sommet, des ministres israéliens appelant régulièrement ou applaudissant aux exécutions extra judiciaires.
Il est notoire que Naftali Bennett, le ministre de l’éducation, a lui-même déclaré en 2013 : « J’ai tué beaucoup d’Arabes dans ma vie – et ce n’est pas un problème ».
Mettre fin à la complicité
En décembre dernier, l’Université belge KU Leuven a annoncé qu’elle mettrait fin à sa participation à un projet de « recherche » financé par l’UE et conduit en partenariat avec la police israélienne.
« La participation du ministère israélien de la sécurité publique pose évidemment un problème éthique si l’on tient compte du rôle que joue le bras de fer du gouvernement israélien en pratiquant une occupation illégale des territoires palestiniens et la répression de la population palestinienne qui y est associée », a expliqué Luc Sels, le recteur de l’université.
Au vu des meurtres et des mutilations actuellement commis par Israël sur des manifestants non armés, des militants palestiniens ont récemment relancé leurs appels à un embargo international des armes sur Israël, incluant une interdiction de la coopération et des entraînement conjoints avec la police et l’armée d’Israël.
Une victoire importante de cette campagne a été remportée lorsque la ville de Durham, en Caroline du Nord a été la première des États Unis à voter une telle interdiction.
« Ce qu’a fait la police israélienne n’est pas tellement inhabituel, en particulier dans le climat actuel de racisme contre les Arabes » a écrit Zahalka.
« De toute façon, la police israélienne n’a pas besoin d’un tel climat, puisque ses actions sont pleines de mépris pour la vie des citoyens arabes qu’elle continue à traiter comme des ennemis et non des citoyens ».
Zahalka a conclu que tirer sur des silhouettes de citoyens arabes « fait partie de la politique raciste de Netanyahou et de son gouvernement, et que donc tout le monde est sollicité pour contester ce racisme jusqu’à ce qu’il soit vaincu ».
Traduction : SF pour l’Agence Média Palestine
Source : The Electronic Intifada