Par Megan Jelinger – 29 mai 2018
Haya Khalid dans sa chambre qui fait office de studio de stylisme.
Actuellement, Haya Khalid conçoit et assemble des vêtements dans un studio improvisé à Ramallah, ville de Cisjordanie occupée.
Mais cette femme de 27 ans aspire à voir ses modèles portés dans le monde entier.
Haya a grandi dans le camp de Nur Shams près de la ville de Tulkarm, également en Cisjordanie. Sa famille vient originellement du village de Ijzem près de la ville côtière de Haïfa. Le village a été dépeuplé comme des centaines d’autres au moment de l’établissement de l’état d’Israël en mai 1948.
Autodidacte, Haya dit que le stylisme est « dans son sang » et qu’elle a conçu des modèles depuis son enfance.
Elle a un diplôme d’ingénieur en informatique de l’université de Birzeit près de Ramallah mais a abandonné cette profession après seulement quelques mois pour suivre sa passion pour la mode.
La styliste dit que sa motivation pour créer une ligne de vêtements palestiniens modernes est venue de « l’autre côté du mur ».
Les créateurs israéliens de mode haut de gamme se sont approprié des tissus et des motifs palestiniens pour leurs modèles.
Pendant la Fashion Week à Tel Aviv en 2015, un styliste israélien a fait défiler des mannequins portant des vêtements fabriqués à partir de keffieh – l’écharpe traditionnelle à carreaux rendue célèbre par Yasser Arafat, le dirigeant maintenant décédé de l’Organisation de libération de la Palestine.
Haya a lancé sa propre ligne pour reprendre possession de l’héritage culturel palestinien.
Sa marque ReBorn [« Re-née »] est inspirée des robes palestiniennes traditionnelles portées par sa grand-mère. L’objectif de Haya est de créer des pièces modernes à partir de l’héritage palestinien en incorporant des tissus et des broderies palestiniennes traditionnels dans ses propres modèles contemporains.
« En tant que Palestiniennes modernes, nous ne portons pas ce que nos grands mères portaient. Les robes traditionnelles sont lourdes et chaudes. Ce serait difficile de travailler avec », explique-t-elle.
« Pour qu’une nouvelle génération veuille continuer les traditions vestimentaires palestiniennes, nous devons les faire dans un nouveau style ».
Megan Jelinger est une photographe américaine de documentaires originaire de Northwest Ohio, actuellement basée à Jérusalem.
« Je m’inspire des tissus et des formes traditionnels. L’idée moderne vient de mon esprit », dit Haya.
« J’avais l’habitude de voir ma grand mère porter et aimer ces robes, et puis, venant de nulle part, Israël les a revendiquées comme siennes », remarque Haya. Chaque région de la Palestine historique a son propre style distinctif de vêtements traditionnels que certains, dans les plus anciennes générations, portent encore. Sur la photo, un motif de points de croix associé à Ramallah.
« Je travaille dans ma chambre parce que je n’ai pas les moyens d’avoir un atelier pour y concevoir des robes », explique Haya. « J’ai décidé de créer une bonne atmosphère dans ma chambre parce que cela m’aide pour mes esquisses. Je remplis ma chambre de mon mobilier favori, de couleurs, de musique, d’accessoires et de mes peintures ».
Pour les jeunes stylistes de mode de Cisjordanie, les options sont limitées. « Les opportunités en Palestine sont tellement rares. La plupart des gens préfèrent acheter du prêt-à-porter plutôt que des vêtements faits main parce que c’est moins cher », dit Haya.
HayHay a lancé une collection avec une subvention du Forum des femmes d’affaires de Ramallah. Elle veut étudier à l’Institut de la mode à Milan et a candidaté à des bourses avec sa nouvelle ligne de vêtements.
»L’idée principale derrière mon style est de refléter l’image de la femme palestinienne impliquée dans le monde de l’entreprise », explique Haya. « De dire que les Palestiniennes peuvent elles aussi travailler et être patronnes, dirigeantes, femmes d’affaires, avocates ou enseignantes ».
« Le tailleur est le style parfait pour une femme qui travaille ; des femmes dans le monde entier préfèrent ce style dans leur carrière et leurs métiers », explique Haya, ajoutant que ses modèles disent : « Hé, Je suis une femme d’affaires palestinienne ».
Haya espère que les vêtements de conception palestinienne deviendront un jour aussi admirés que les marques françaises comme Chanel ou Dior. Au lieu de voir cela comme une appropriation culturelle, elle dit qu’elle serait fière de voir les gens porter des vêtements de conception palestinienne inspirés par les vêtements traditionnels comme ceux montrés ici.
Un mannequin porte une combinaison blanche moderne lors d’une séance photos pour la ligne de Haya, ReBorn. Haya a vendu son travail à des clientes d’Amérique du nord et d’Europe, en utilisant les médias sociaux pour promouvoir ses modèles. Elle aimerait les vendre sur Amazon et Etsy mais dit qu’elle en est empêchée parce qu’il est nécessaire d’avoir un compte bancaire israélien pour vendre à partir de ces sites.
Haya prend une photo sur son portable pendant une séance photo de sa marque avec un photographe professionnel. Elle aimerait déménager à Dubai, suivant les pas d’autres stylistes palestiniens qui sont allés à l’étranger pour se lancer dans des carrières internationales.
Source : The Electronic Intifada
Traduction : CG pour l’Agence Média Palestine