Maureen Clare Murphy – 6 juillet 2018
Ayant inhalé du gaz lacrymogène, un petit Palestinien blessé est évacué au cours d’une manifestation à la limite entre Gaza et Israël, le 6 juillet (Mohammed Zaanoun APA images)
Un tir mortel de l’armée israélienne a atteint Muhammad Abu Halima, 22 ans, dans la poitrine, lors de manifestations à l’est de la ville de Gaza, vendredi [6 juillet].
Près de 400 personnes ont été blessées aux limites orientales de la bande de Gaza lors de la 15e semaine consécutive des manifestations de la Grande Marche du Retour. Presque 60 de ces blessés ont essuyé des tirs par balles réelles, selon le ministère de la Santé de Gaza.
Mercredi [4 juillet], le ministère de la Santé a annoncé que Mahmoud Majid al-Gharableh, 16 ans, avait succombé à ses blessures à la tête après avoir subi des tirs réels le 14 mai, journée où le nombre de morts a été le plus élevé depuis le début des manifestations fin mars.
Le nombre de Palestiniens tués par l’armée israélienne dans la bande de Gaza pendant cette période, dans la plupart des cas lors de manifestations, serait proche de 150 et, parmi eux, Mahmoud Majid al-Gharableh est le 20e enfant. Plus de 4 000 personnes ont été blessées par balles réelles.
Une propagande grossière
Israël a eu recours à une propagande grossière pour rejeter la responsabilité de la mort d’enfants palestiniens, garçons et filles, du fait de balles tirées par ses soldats.
Cette semaine [le 4 juillet], Israël a prétendu que le Hamas utilisait des bonbons pour attirer vers la barrière de séparation des enfants – lesquels ne représentent aucun danger concevable pour des soldats lourdement armés, stationnés dans des postes fortifiés.
Apparemment, les Palestiniens devraient considérer les tirs mortels des snipers postés à la clôture comme un phénomène naturel et inévitable, comparable au temps qu’il fait.
Quant au porte-parole de l’armée israélienne Ronen Manelis, il a déclaré à la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale française que le Hamas avait envoyé une fillette de 7 ans vêtue d’un pyjama Mickey s’infiltrer depuis Gaza sur le territoire d’Israël.
« Il y a seulement une chose derrière : simplement que nous, on se trompe et qu’on la tue », a assuré Manelis, dont les propos ont été relayés par une vidéo publiée sur le compte Twitter de l’armée.
Si l’enfant était morte, cela aurait valu au Hamas une victoire contre Israël en matière de propagande, a suggéré Manelis.
« Mais on a réussi à la voir et à comprendre qu’il s’agissait d’une provocation », a-t-il poursuivi, faisant l’éloge des soldats qui ont donné de l’eau à l’enfant et l’ont renvoyée à Gaza en lui disant « Au revoir ».
C’est une logique aberrante de suggérer que le Hamas porte la responsabilité du meurtre d’enfants palestiniens alors que ce sont des soldats israéliens qui les visent et appuient sur la détente.
En disant « on a réussi à la voir », Manelis fait comprendre que les soldats peuvent voir clairement les manifestants de Gaza qu’ils vont tuer ou mutiler, et qu’ils commettent ces actes délibérément.
Ce n’est pas la première fois que des représentants de l’armée israélienne font cet aveu.
Le 31 mars, le lendemain du début de la Grande Marche du Retour, après la mort de plus de dix Palestiniens tués par des soldats israéliens, l’armée s’est exprimée sur Twitter :
« Hier nous avons vu 30 000 personnes ; nous sommes arrivés avec une bonne préparation et des renforts bien calculés. Rien n’a été fait sans contrôle ; tout était précis et mesuré, et nous savions où aboutissait chaque balle. »
Cet aveu n’a pas tardé à être effacé tandis que se diffusaient des vidéos qui montraient les tirs meurtriers dirigés contre des manifestants sans armes et que les condamnations internationales se multipliaient.
En avril, Zvika Fogel, officier israélien haut placé, a expliqué comment les snipers israéliens visent délibérément des enfants, ne tirant que lorsque des supérieurs le leur ordonnent.
« Et à mon grand regret, parfois quand vous tirez sur un petit corps et que vous avez l’intention de le frapper au bras ou à l’épaule, cela peut frapper un peu plus haut », a précisé Fogel, justifiant ainsi le meurtre d’enfants.
« Une attaque meurtrière »
Selon Human Rights Watch, la politique d’ouverture du feu menée par Israël contre les manifestants de Gaza est « planifiée », et Amnesty International a employé le terme d’« attaque meurtrière ».
Le personnel dirigeant militaire et politique d’Israël a cherché dès le début à présenter la Grande Marche du Retour comme une opération publicitaire du Hamas, qui exploiterait des rassemblements de civils pour couvrir des activités « terroristes » mettant en danger l’existence même des localités et habitations israéliennes proches des limites de la bande de Gaza.
Israël souhaite naturellement détourner l’attention des revendications exprimées par les manifestants : la fin du siège cruel qu’il a imposé à Gaza depuis plus d’une décennie, et la possibilité pour les réfugiés palestiniens de Gaza d’exercer leur droit au retour dans le territoire situé de l’autre côté de la barrière dont leur famille a été chassée il y a 70 ans.
Human Rights Watch affirme que le recours par Israël à la force meurtrière contre les manifestants de Gaza « s’apparente à des crimes de guerre ».
Les propagandistes israéliens ont reconnu que les soldats avaient tué des Palestiniens qui ne représentaient aucun danger immédiat pour eux.
Reconnaissance d’homicide intentionnel
Lundi [2 juillet], le Bureau du porte-parole de l’armée a indiqué sur Twitter que des soldats avaient tué un Palestinien qui aurait tenté d’incendier un poste militaire non gardé.
Selon le récit du porte-parole, des « terroristes » avaient traversé la barrière de séparation munis de « cutters et de matériaux combustibles. » Des soldats « ont repéré l’infiltration, maîtrisé l’incident et poursuivi les terroristes en les prenant pour cibles. »
Le rapport de l’armée ajoute que les soldats ont signalé avoir entendu des tirs qui les visaient.
Si les Palestiniens qu’ils ont pris pour cible avaient réellement eu des armes, l’armée aurait sûrement exhibé des photos de leurs armes, si le comportement passé peut servir d’indice.
« Les soldats ont agi rapidement pour prévenir le risque couru par la souveraineté d’Israël et la tentative d’endommager l’infrastructure de sécurité », a déclaré l’armée.
Le « terroriste » abattu par les soldats israéliens a été identifié par les médias palestiniens : il s’agit de Khaled Samir Abd al-Al, 18 ans.
L’homicide de Palestiniens qui franchissent une barrière frontalière et endommagent l’infrastructure de l’occupation militaire, ou qui possèdent des cutters et des matériaux combustibles, n’est pas justifié.
Le Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme a déclaré que l’armée israélienne, « lorsqu’elle surveille la barrière de Gaza », ne peut « recourir à la force létale qu’en cas d’extrême nécessité, en tant qu’ultime recours répondant à une menace de mort imminente ou au risque d’une blessure grave. »
On a du mal à imaginer quel genre de menace représentait Yasir Amjad Musa Abu al-Naja, qui est à ce jour l’enfant le plus jeune à avoir été tué au cours des manifestations.
La vie de ce garçon de 11 ans s’est terminée lorsqu’il a reçu une balle dans la tête pendant les manifestations de vendredi dernier [29 juin].
Des enfants de Gaza ont lancé des dizaines de ballons portant des portraits de Yasir une semaine après sa mort:
#صور مجموعة من الأطفال يطلقون عشرات البلالين التي تحمل صوراً للشهيد الطفل ياسر أبو نجا خلال حفل تأبينه في مخيم العودة شرق خانيونس. pic.twitter.com/RVxEQXkwwR
— وكالة شهاب للأنباء (@ShehabAgency) July 6, 2018
Source : The Electronic Intifada
Traduction : SM pour Agence Média Palestine