13 août 2018
Tribune de Claude Léostic, coordinatrice pour la France de la Flottille de la Liberté pour Gaza
Quand le Freedom, le grand voilier de la Flottille de la Liberté pour Gaza, a été victime d’un acte de piraterie israélien en haute mer, à l’approche des eaux palestiniennes, le soir du 3 août, je n’ai pas fait appel à E. Macron. Pourtant un Français, marin et syndicaliste, était à bord du navire battant pavillon suédois.
En tant que coordinatrice pour la France de la Coalition internationale de la Flottille de la Liberté, j’ai néanmoins plusieurs fois écrit à l’exécutif français.
Tout d’abord lors de l’épisode lamentable du 17 juin à Paris, où « quelqu’un » a pris la décision d’interdire l’escale de nos deux petits voiliers, annoncée sous l’Institut du Monde arabe au bord de la Seine. La seule réponse aux demandes préalables d’accord pour l’escale fut l’intervention agressive de la brigade fluviale et la présence en nombre de forces de police à terre, nous empêchant violemment d’accoster là où nous attendaient des militant.e.s, des citoyen.ne.s, des élu.e.s et des personnalités. Personne au niveau des décideurs n’a endossé cet acte de censure brutale d’une expression non violente de solidarité avec Gaza. Demandes d’explications et courriers à l’Elysée et au ministère de l’Intérieur pour obtenir des rendez-vous n’ont même pas reçu d’accusés de réception. SILENCE
Ensuite en juillet quand, nos bateaux Al-Awda, Freedom et Falestine * ayant quitté la Sicile pour le dernier tronçon de cette mission solidaire avec Gaza, il est devenu évident que les autorités israéliennes allaient s’en prendre à la Flottille, en violation du droit de la mer et du droit international. J’ai alors demandé l’intervention de la France pour assurer la protection du bateau et particulièrement de notre compatriote Sarah Katz, qui représentait à bord la « coalition Flottille-France » (la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine et le Collectif national pour une Paix juste et durable entre Palestiniens et Israaéliens dont son organisation, l’UJFP, est membre). SILENCE
Dès l’acte de piraterie commis par Israël (attaque du al-Awda le 29 juillet, kidnapping des personnes à bord, violences à leur encontre, emprisonnement en Israël, vol du bateau et du matériel médical qu’il transportait à Gaza), je me suis à nouveau tournée vers M. Macron. Pour qu’il condamne cet acte illégal et qu’il fasse libérer Sarah au plus vite, à défaut des autres militant.e.s de la solidarité, illégalement détenu.e.s. SILENCE
Aussi quand le Freedom a à son tour été attaqué le soir du 3 août avec le même scénario hormis la violence à l’encontre des personnes, n’ai-je pas contacté l’Elysée, ni le Quai d’Orsay ni l’ambassade à Tel-Aviv. J’ai seulement appelé le consulat français en Israël pour m’assurer de la sécurité de Pascal Maurieras, le marin français à bord, et de la protection consulaire. Nos avocats ont pris la suite.
Pourquoi ?
Parce que le silence systématique de M. Macron et son équipe est une insulte réitérée. Insulte aux personnes kidnnappées et à tous ceux et celles qui ont accompagné cette mission. Insulte à l’esprit même de cette mission solidaire non violente, arc-boutée sur la défense du droit et l’exigence de justice pour le peuple palestinien, à Gaza et ailleurs. Insulte à leur engagement sans faille,de quelque nationalité qu’ils et elles soient, pour les valeurs de la France : Liberté, Egalité, Fraternité.
Parce que ce silence revèle une nouvelle fois un positionnement politique d’alignement sur la politique coloniale israélienne. Oh, certes, le président de la République a condamné verbalement la colonisation de la Cisjordanie et demandé la levée du blocus de la bande de Gaza. Mais pas un seul acte et pas une pression n’ont suivi. La colonisation s’intensifie et le blocus se durcit encore.
Parce que ce silence s’accompagne de déclarations officielles indignes de soutien à Israël alors même que la population sans armes de Gaza tombe sous les balles des snipers israéliens et que les bombardements pilonnent les civils et les lieux de culture. Alors que faute de carburant les hôpitaux palestiniens ferment des services vitaux. Parce que le blocus israélien de Gaza est mortel autant qu’illégal.
Parce que l’exécutif français s’est déconsidéré, que par ce silence il a fait alliance de fait avec une puissance coloniale qui s’en prend violemment à des civils pacifiques, palestiniens et internationaux dont des Français. Il n’a pas assumé son devoir envers ses ressortissants, maintenant heureusement sortis des prisons israéliennes, et plus largement en tant que représentant de la France, signataire et garante des conventions internationales et du droit international.
Alors, non, je n’ai pas écrit à M. Macron pour lui rappeler ses obligations. J’imagine qu’il les connaît…A quoi bon ? Il me semble avéré que pour lui d’autres intérêts ou accointances priment, au détriment de son devoir de protection du droit.
La République qu’il préside mérite autre chose, LIBERTE, EGALITE, FRATERNITE, peut-être !?
Madame Claude Léostic
coordinatrice pour la France de la Flottille de la Liberté pour Gaza
Paris, 12 août 2018
*Falestine a subi de sérieuses avaries lors d’une tempête en quittant la Sicile et n’a pu poursuivre longtemps sa route. Elle a dû regagner la terre.