Comment les États Unis écartent les réfugiés palestiniens

Par Kamel Hawwash, le 18 août 2018

Une approche duelle consistant à priver l’UNWRA de financement et à tenter de dépouiller les réfugiés de leur statut.

Des éléments font penser à la proximité d’une trêve qui serait conclue entre le Hamas et Israël, passant outre l’Autorité Palestinienne.

Le point d’accès principal à Gaza pour le commerce, Kerem Shalom, a été rouvert après un temps de fermeture dans le contexte de tensions récemment accrues. Mais malgré quelque soulagement de court terme que cela peut procurer aux Palestiniens de Gaza, il n’est pas question des revendications palestiniennes sur le long terme.

Les «États Unis continuent à travailler à un « plan de paix » pour mettre fin au conflit israélo-palestinien, sans contributions des Palestiniens. Des éléments ont déjà été mis en œuvre, dont la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël et le retrait de financement des services apportés aux réfugiés palestiniens par l’Agence de Secours et de Travaux des Nations Unies (UNWRA).

L’occupation masquée

L’ambassadeur américain en Israël, David Friedman, a aussi avancé qu’il n’y pas d’occupation illégale. Il a écrit en décembre dernier au Département d’État, en demandant d’abandonner les termes « occupation » et « territoires occupés par Israël ».

Il a suggéré d’employer le terme « Cisjordanie » qu’il a décrit comme « plus neutre ».  Friedman est un donateur important de la colonie illégale de Beit El et il est président des Amis Américains de la Yeshiva de Beit El, l’organisme de financement de nombre d’institutions de la colonie illégale. Il est aussi connu pour être opposé à la solution à deux États.

On a pu remarquer que le rapport 2017 du Département d’État sur les droits humains avait remplacé les références aux « territoires occupés » par « Israël », « les hauteurs du Golan », « la Cisjordanie » ou « Gaza ».

Friedman ne reconnaît pas le droit au retour des réfugiés, inscrit dans la Résolution 194 de l’ONU. Son avis personnel est que « l’objectif devrait être de leur donner les moyens de s’adapter et de s’intégrer dans la société où ils ont abouti ».

Friedman préfère la définition de l’UNCHR, qui ne fait pas référence aux descendants de réfugiés, à celle de l’UNWRA, qui établit que « les descendants des hommes palestiniens réfugiés, dont les enfants adoptés, sont aussi habilités à être enregistrés ».

L’UNWRA a démarré ses opérations en 1950 en réponse aux besoins d’environ 750 000 réfugiés palestiniens ; aujourd’hui, plus de cinq millions sont admissibles à ses services.

« Crise » existentielle

Les États Unis paraissent s’être tournés vers l’objectif de « faire disparaître » les réfugiés palestiniens des problèmes à résoudre. Mais comment les Américains peuvent-ils faire cela, tout en ayant l’air de proposer « l’accord du siècle » ?

Ce qui émerge est une approche duelle qui consiste à priver l’UNWRA des fonds nécessaires et à évacuer en même temps la question des réfugiés. Deux orientations réclamées par le premier ministre israélien Benjamin Netanyahou dont l’argument est que l’UNWRA perpétue le problème des réfugiés.

Les États Unis ont suivi en faisant une coupe de 300 millions de dollars (263 M€) dans le financement de l’agence. Le porte-parole Sami Mushasha a dit le mois dernier dans une interview que l’UNWRA était confrontée à une « crise existentielle ». Un effort pour lever des fonds additionnels, par des conférences à Rome et à New York, a néanmoins laissé un déficit de plus de 200 millions de dollars (175 M€) à l’agence, bien que les préoccupations sur la possibilité que les écoles palestiniennes ne rouvrent pas en septembre aient été dissipées.

Selon Mushasha, le budget d’urgence pour Gaza et la Cisjordanie a presque « disparu du jour au lendemain » à cause des coupes américaines. Seules des provisions alimentaires de survie à des réfugiés palestiniens à Gaza seraient financées. L’UNWRA, qui emploie 13 000 personnes dans les territoires palestiniens occupés, a supprimé 113 postes à Gaza et 154 en Cisjordanie. Dans les protestations qui se sont ensuivies, un homme a tenté de s’immoler par le feu.

Mais l’UNWRA a survécu, ce qui pourrait expliquer pourquoi l’envoyé spécial des États Unis au Moyen Orient, Jared Kushner, a cherché des moyens de priver les réfugiés de leur statut. Dans des mails internes à des représentants haut placés de l’administration américaine, Kushner a dit : « il est important d’avoir une action honnête et sincère pour désorganiser l’UNWRA. Cette (agence) perpétue le statu quo, est corrompue, inefficace et n’aide pas à la paix ».

Le droit au retour

Selon un article de Foreign Policy, des représentants palestiniens ont révélé que Kushner avait fait pression sur la Jordanie en juin « pour retirer aux plus de deux millions de Palestiniens enregistrés leur statut de réfugiés afin que l’UNWRA n’ait plus à agir là-bas ».

Ali Huweidi, le directeur général de l’organisation pour les droits des réfugiés basée au Liban, a dit à Middle East Eye que les réfugiés palestiniens de Jordanie représentent plus de 40% des réfugiés des cinq zones d’opération de l’UNWRA. Si l’agence cessait de fournir ces services, a-t-il dit, les réfugiés seraient transférés à l’UNCHR qui « tenterait alors de réinstaller les réfugiés palestiniens dans des pays tiers. Dès lors qu’ils obtiennent la citoyenneté, leur statut de réfugié tombe ».

La Jordanie et le Liban ont tous deux refusé de prendre des mesures visant à transférer les services rendus aux réfugiés palestiniens par l’UNWRA à des pays d’accueil. Huweidi a remarqué que la Jordanie considère l’agence comme « un partenaire stratégique important ». Des représentants du Liban ont aussi indiqué que l’État ne pouvait pas prendre le rôle de l’UNWRA, en particulier dans les domaines de l’éducation et de la santé.

Les réfugiés palestiniens que j’ai rencontrés lors d’un récent voyage au Liban m’ont tous dit qu’ils n’accepteraient rien d’autre qu’un retour dans leurs maisons, un sentiment auquel font écho ceux qui participent à Gaza à la Grande Marche du Retour. Alors seulement viendra la paix en terre sainte.

Kamel Hawwash est un professeur d’ingénierie anglo-palestinien de l’Université de Birmingham, qui fait campagne depuis longtemps pour la justice, spécialement pour le peuple palestinien. Il est vice-président du Conseil en politique britannico-palestinienne (BPPC) et membre du Comité exécutif de la Campagne de Solidarité avec la Palestine (PSC). Il apparaît régulièrement dans les media comme commentateur sur les questions du Moyen Orient. Il a un blog : www.kamelhawwash.com et tweete sur : @kamelhawwash. Il y écrit à titre personnel.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement la ligne éditoriale de Middle East Eye.

Traduction : SF pour l’Agence Media Palestine

Source : Middle East Eye

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