Noura Erakat est une avocate des droits humains américano-palestinienne, assistante à l’université George Mason. Elle est l’auteure de « Justice for Some : Law as Politics in the Question of Palestine », qui paraîtra l’an prochain à Stanford University Press.
Photo: Ibraheem Abu Mustafa/Reuters
La décision du gouvernement Trump de mettre fin au financement de l’agence onusienne responsable des réfugiés palestiniens, l’UNRWA (Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient), a rempli un objectif de longue date d’Israël et de ses supporters américains. Pendant des années, Israël a cherché à résoudre la crise des réfugiés par des politiques destinées à normaliser l’exil palestinien et à dénier les droits palestiniens.
Ces tactiques allaient de l’esquive face à sa responsabilité dans le problème de la question du statut des réfugiés palestiniens selon le droit international. Cibler l’UNRWA a été depuis longtemps une partie centrale de l’arsenal d’Israël, mais maintenant il dispose du gouvernement Trump, qui a aussi annoncé cette semaine qu’il fermera de fait l’ambassade palestinienne à Washington.
Quand Israël a fait sa première tentative pour devenir un membre des Nations Unies en 1948, le Conseil de sécurité a refusé sa candidature, citant, entre autres choses, sa responsibilité dans la résolution de la crise nouvelle des réfugiés. Environ 750 000 Palestiniens ont fui la Palestine ou ont été expulsés par les milices sionistes et l’armée israélienne pendant les hostilités entre décembre 1947 et mars 1949. Leur élimination réalisait l’objectif d’établir un état doté d’une majorité juive décisive dans la Palestine sous mandat, où les Juifs constituait environ 30% de la population.
Depuis son établissement, Israël a identifié le retour des réfugiés palestiniens avec sa propre destruction. Pas pour une question de capacité ou de sécurité, mais parce que le retour des Palestiniens saperait le mythe d’une présence juive ininterrompue en Palestine et, de manière plus importante, une majorité démographique juive réalisée grâce à un nettoyage ethnique et maintenue grâce à une bureaucratie raciste.
En 1949, Israël a adopté une loi permettant aux Juifs de n’importe quelle partie du monde — sans aucune connexion antérieure au pays — d’y « retourner » et d’acquérir la pleine citoyenneté dès leur entrée. Il a simultanément établi une politique de « tirer-pour-tuer » contre tout Palestinien qui essaierait de retourner dans son foyer et a imposé la loi martiale sur les quelques 160000 Palestiniens restant dans l’état, afin de faciliter leur transfert forcé si par hasard la guerre éclatait à nouveau.
Malgré ce bilan, en 1949, les Nations Unis ont accepté la deuxième candidature d’Israël comme membre, dans l’espoir que cet état se radoucirait, et elles ont établi l’UNRWA pour remplir les besoins humanitaires de base des réfugiés palestiniens. En 1951, quand la communauté internationale a établi une agence de réfugiés, le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR), elle a refusé d’y inclure l’UNRWA par souci de maintenir une obligation politique renforcée à résoudre la question des réfugiés palestiniens.
Les réfugiés palestiniens, maintenant près de 6 millions, entrent dans leur septième décennie d’apatridie et d’exil, et leur situation en tant que réfugiés est la plus longue du monde. Le Département d’état a pris note jadis de la discrimination « institutionnelle » vis-à-vis de la minorité palestinienne. En juillet, le gouvernement du Premier Ministre Benjamin Netanyahu a promulgué une loi de l’état-nation déclarant qu’Israël était un état de personnes juives — pas simplement de ses citoyens —établissant de jure le statut de seconde classe des musulmans palestiniens et des citoyens chrétiens. Le néo-nazi Richard Spencer a salué la loi comme un modèle de souveraineté pour l’avenir des Européens. Comme en 1948, Israël continue à construire le retour des réfugiés palestiniens comme une menace existentielle.
L’afflux d’autres réfugiés d’endroits comme l’Irak, le Soudan, la Syrie, la Libye et le Yémen a exacerbé l’épuisement des donateurs qui affecte l’UNRWA. En 2009, l’Office avait un déficit de 50 millions de dollars et en 2013 il était de 69 millions de dollars en-dessous de ses besoins financiers. Les coupes américaines menacent l’accès à l’éducation dans Gaza, où les réfugiés constituent près des trois quarts de la population, ainsi que la fourniture des services vitaux aux 418000 réfugiés palestiniens en Syrie.
L’UNRWA a néanmoins continué à remplir son mandat. Il sert plus de 170 écoles, près de 150 établissements de soin et des dizaines de centres de femmes pour les 5, 4 millions de réfugiés dans toute la Cisjordanie, à Gaza, en Jordanie, au Liban et en Syrie. La Banque mondiale le considère comme un bien public global, citant son système exemplaire d’éducation, avec des étudiants qui ont de meilleurs résultats que leurs pairs dans la région.
Israël argue que la définition des réfugiés par l’UNRWA, qui inclut leurs descendants, grossit le nombre de réfugiés réels, mais l’UNHCR applique la même définition d’un réfugié. Israël suggère aussi que, sans les dispositions humanitaires de l’UNRWA, les Palestiniens seraient forcés d’abandonner leurs revendications au retour. Essentiellement, si les réfugiés palestiniens étaient encore plus misérables qu’ils ne le sont déjà, ils accepteraient n’importe quelle offre.
Le désir du gouvernement Trump de viser l’UNRWA cible les réfugiés palestiniens et les prend en otage pour leur imposer une solution. Cela fait partie d’une série de décisions similaires, comme le déménagement de l’ambassade à Jérusalem cette année, l’abandon du mot « occupés » pour les Territoires palestiniens dans ses rapports et la fermeture de la mission diplomatique de l’OLP. Elles sont toutes des étapes pour le « Deal du siècle » de Trump, en train d’être rédigé par Jared Kushner et d’autres responsables du gouvernement qui ont des liens étroits avec la droite israélienne. Avec un coût aussi violent et déshumanisant, ce n’est certainement le « Deal » d’aucun siècle. C’est de la coercition sur une communauté en détresse humanitaire avec un message clair : soumettez-vous ou mourez de faim.
Ces développements doivent pousser la communauté internationale à soutenir l’UNRWA pour empêcher un effondrement humanitaire et, de manière aussi importante, à imposer des sanctions sur le régime d’apartheid auto-déclaré d’Israël jusqu’à ce qu’il mette fin à son déni de la liberté palestinienne.
Les Nations Unies ont donné à Israël le bénéfice du doute en 1949. Les sept décennies qui ont suivi ont donné à ses membres le bénéfice du recul. Aujourd’hui, les signes sont incontestablement clairs, et il n’y a aucune excuse pour l’inaction.
Traduction: Catherine G. pour l’Agence Média Palestine
Source: Washington Post