Tamara Nassar – 31 janvier 2019
Au sein du bloc de colonies de peuplement Gush Etzion d’Israël, dans le sud de la Cisjordanie occupée, une sur les centaines de colonies construites sur la terre palestinienne en violation du droit international. (Wisam Hashlamoun APA images)
Les sociétés de réservation en ligne Airbnb, TripAdvisor, Booking.com et Expedia alimentent des crimes de guerre et en tirent profit en répertoriant des centaines de destinations dans les colonies israéliennes en Cisjordanie occupée, dont Jérusalem-Est.
TripAdvisor est l’un des sites de réservation et de recommandation de voyages les plus importants et les plus influents du monde.
« Le gouvernement israélien utilise l’industrie de tourisme en pleine évolution dans les colonies de peuplement comme moyen pour légitimer leur existence et leur expansion, et les sociétés de réservation en ligne entrent dans le jeu de cet agenda » affirme Seema Joshi, d’Amnesty International qui a publié un nouveau rapport sur les activités des sociétés.
Leurs annonces contiennent des logements et des attractions, et souvent omettent d’indiquer qu’ils se trouvent dans des colonies.
« Amnesty International demande à ces quatre sociétés de cesser de faire des affaires dans ou avec les colonies » a déclaré Mark Dummett, chercheur à Amnesty International. « Elles devraient interrompre, retirer ces annonces immédiatement ».
« Nous appelons également les gouvernements dans le monde à réglementer les activités de ces sociétés, à adopter des lois les empêchant de faire de la publicité ou de fournir des annonces dans les colonies israéliennes » ajoute Dummett.
Take a trip with us…to the lands of the illegal Israeli settlements. Promise “guns, check points and walls” aren’t too far away! RT to tell @TripAdvisor to pull out of illegal Israeli settlements now. https://t.co/vwVDEsF8Fa
— Amnesty International (@amnesty) January 30, 2019
Been to #Bali? Done illegal Israeli settlements? Here’s what you should do next: Tell TripAdvisor to pull out of illegal Israeli settlements now. https://t.co/K5xUllJh44
— Amnesty International (@amnesty) January 30, 2019
Toutes les colonies de peuplement d’Israël en Cisjordanie occupée dont Jérusalem-Est et sur les hauteurs du Golan en Syrie sont illégales au regard du droit international et sont considérées comme un crime de guerre.
En construisant ces colonies de peuplement, Israël perpétue des violations des droits de l’homme contre la population palestinienne sous occupation, notamment des démolitions de maisons, des déplacements forcés et des vols de terres.
La présence accrue des colons illégaux signifie une plus grande présence « sécuritaire » de l’armée israélienne, ce qui se traduit par encore plus de violences de la part des forces d’occupation israéliennes, et des colons eux-mêmes, contre les Palestiniens.
Les Palestiniens qui vivent sous l’occupation militaire israélienne et qui sont soumis à de sévères restrictions de circulation en Cisjordanie occupée – ou en tant que réfugiés en exil – ne peuvent pas louer de propriétés dans les colonies israéliennes voisines.
Israël interdit aux Palestiniens en exil de rentrer dans leur patrie, parce qu’ils ne sont pas juifs.
Des colonies de peuplement en expansion
Une annonce sur Airbnb, TripAdvisor et Booking.com concerne Kfar Adumim, une colonie israélienne à l’est de Jérusalem et proche du village palestinien de Khan al-Ahmar.
La Haute Cour d’Israël a donné son feu vert au gouvernement pour démolir Khan al-Ahmar et déplacer de force ses habitants.
Cette terre à l’est de Jérusalem, dans la zone dite E1, est l’endroit où Israël projette d’étendre sa colonie géante Maaleh Adumim, achevant d’isoler l’une de l’autre les parties nord et sud de la Cisjordanie et encerclant Jérusalem avec des colonies.
Au début de ce mois, le ministre de l’Économie d’Israël, Eli Cohen, s’est rendu à Khan al-Ahmar accompagné de représentants de l’organisation israélienne d’extrême droite, Regavim.
Cohen a demandé à Israël que le village soit démoli avant les prochaines élections israéliennes en avril.
« L’avant-poste de Khan al-Ahmar devrait être évacué avant les élections. Mais plus important encore, nous devons nier la contiguïté territoriale de l’Autorité palestinienne, en venant et en annexant, et en en mettant en application la souveraineté (israélienne) sur la Zone C » a déclaré Cohen.
Par Zone C, on entend les 60 % de la Cisjordanie occupée qui sont toujours sous l’entier contrôle d’Israël en vertu des Accords d’Oslo signés dans les années 1990.
Les sites de réservation attirent également les visiteurs vers des attractions « archéologiques » israéliennes à Silwan, un quartier de Jérusalem-Est occupée, dont les habitants palestiniens sont déplacés par la violence par Israël au profit des colons juifs.
Amnesty International a pris note que Silwan et d’autres villages palestiniens situés près des colonies se trouvent à proximité d’attractions touristiques « lucratives ».
Un exemple en est la prétendue Cité de David, qui non seulement génère des profits pour les colons, mais fait aussi partie des efforts en cours d’Israël visant à effacer les caractères palestiniens, arabes, chrétiens et musulmans de Jérusalem, et à refaire et réécrire le passé et le présent de la ville comme étant principalement ou exclusivement juive.
Des appels à respecter le droit international
Dans une lettre de décembre, le groupe palestinien Al-Haq de défense des droits de l’homme et trois autres organisations ont demandé à Booking.com de cesser de répertorier des propriétés en Cisjordanie occupée, dont Jérusalem-Est, et sur les hauteurs du Golan occupé, et de cesser de se référer à ces zones comme si elles faisaient partie d’Israël.
Airbnb et Booking.com favorisent la « poursuite et l’expansion des colonies israéliennes illégales en Cisjordanie occupée », a déclaré Al-Haq.
« En permettant à des touristes de faire des réservations dans les colonies illégales (dans les territoires palestiniens occupés), Booking.com apporte son soutien et aide au financement d’une activité illégale », ajoute le groupe.
Airbnb quitte la Cisjordanie
En novembre, Airbnb a annoncé qu’elle allait retirer de sa liste les unités situées dans les colonies israéliennes en Cisjordanie occupée à la suite d’une campagne de plusieurs années conduite par des militants palestiniens et internationaux défendant les droits de l’homme.
Mais Airbnb n’a pas étendu cet engagement à Jérusalem-Est occupée, où elle a plus de cent annonces dans les colonies.
« Amnesty International demande à Airbnb de mettre en application son annonce et de retirer tous ses répertoires dans les colonies en territoire occupé, y compris Jérusalem-Est » a déclaré le groupe des droits de l’homme.
Malgré des mois de pressions intenses venant d’Israël, de groupes lobbyistes et de législateurs états-uniens pour qu’elle revienne sur sa décision, Airbnb a récemment réitéré son annonce de novembre et déclaré qu’elle retirerait les propriétés en location.
En représailles, le gouverneur de Floride a donné l’ordre à son État de cesser de commercer avec Airbnb.
Ali Abunimah, de The Electronic Intifada, est apparu mercredi soir sur Al Jazeera en anglais pour discuter du rapport d’Amnesty International.
« Promouvoir, aider et profiter des colonies de peuplement ne sont pas différents de pénétrer dans un magasin, le dévaliser sous la menace d’une arme, puis de sortir dans la rue et d’y vendre les biens volés pour votre propre profit » a affirmé Abunimah.
Ali Abunimah ajoute que les États – tels que les Pays-Bas où Booking.com est basé – doivent tenir ces sociétés pour responsables.
« Le gouvernement néerlandais prétend s’opposer à l’occupation mais il ne fait rien pour faire respecter le droit international ni exiger que ses sociétés comme Booking.com le respectent ».
Expulser les organisations de défense des droits de l’homme
Israël prévoit déjà d’exercer des représailles contre Amnesty International en raison de son rapport.
Le ministre de la Sécurité publique israélien, Gilad Erdan, a ordonné aux autorités d’ « examiner la possibilité de s’opposer à l’entrée et au séjour d’Amnesty International en Israël ».
Erdan cherche également à mettre fin à l’exonération fiscale de l’organisation par l’intermédiaire du ministère des Finances israélien.
Le ministre du Tourisme israélien, Yarif Levin, a lui aussi critiqué violemment le rapport d’Amnesty International.
« Aucune force au monde ne changera la vérité historique pure et simple – la terre d’Israël appartient au peuple juif. Nous combattrons cette décision antisémite méprisable. Personne ne peut boycotter Israël, en tout ou en partie » a-t-il dit, selon The Jerusalem Post.
Toute nouvelle répression contre Amnesty International s’inscrirait dans un processus israélien plus large visant à restreindre le travail des défenseurs de droits de l’homme.
En début de semaine, le Premier ministre Benjamin Netanyahu a annoncé qu’il ne renouvellerait pas le mandat d’un groupe de surveillance des droits de l’homme à Hébron.
Le mandat de Temporary International Presence in Hebron (Présence internationale temporaire à Hébron), TIPH, devait être renouvelé le 31 janvier, comme tous les six mois.
Le groupe TIPH a été créé en 1994, à la suite du massacre de 29 hommes et garçons palestiniens dans la mosquée Ibrahimi à Hébron par un colon états-unien, Baruch Goldstein.
Ali Abunimah a contribué à la recherche.
Traduction : JPP pour l’Agence Média Palestine
Source : The Electronic Intifada