Orly Noy – 11 avril 2019
Contrairement aux partis satellites de droite, Netanyahou progresse sur l’annexion des territoires palestiniens occupés sans beaucoup de contrôle public et à coût zéro.
Naftali Bennett assiste à une conférence de presse annonçant le lancement de la nouvelle campagne « Nouveau Sud » du Nouveau Parti Politique de Droite, à Ashdod, le 26 mars 2019. (Yonatan Sindel/Flash90).
La politique israélienne offre très peu de moments de répit à une droite au bout du rouleau. Que le parti « Nouvelle Droite » de Naftali Bennett puisse ne pas réussir au-delà des élections et que sa partenaire politique, l’ancienne ministre de la justice, Ayelet Shaked puisse avoir à supplier la Cour Suprême – qu’elle abhorre tellement- de défendre sa survie politique, sont certainement des exemples de ce répit.
Mais la joie face aux déboires de Bennett et de Shaked, aussi justifiée soit-elle, ne doit pas interférer avec notre lecture de l’échiquier politique. La droite pro colonisation n’apparaît pas plus modérée – en fait c’est le contraire.
Oui, l’hubris avec laquelle Bennett et Shaked ont démissionné du parti ultra nationaliste La Maison Juive et leur décision de former un autre parti de droite a très vraisemblablement eu un impact négatif sur leur base. Il en est allé de même de l’ultime campagne de Netanyahou – une tactique d’intimidation pour pousser les gens à voter – avec le fait que ces élections ont été un référendum sur la légitimité politique d’un premier ministre suspecté de corruption. Cela n’est, toutefois, qu’une partie de l’histoire.
Plus que tout, la victoire électorale du Likoud enseigne que les Israéliens ont internalisé qu’il est plus efficace de favoriser un programme d’extrême droite porté par un dirigeant omnipotent que l’installation de partis satellites, qui sont facilement étiquetés extrémistes et sont plus susceptibles d’exercer un contrôle domestique et international. En d’autres termes, les électeurs de droite ont préféré les actes aux déclarations vides.
L’idéologie de droite, de Netanyahou jusqu’au dernier des Kahanistes, repose sur quatre ingrédients primaires : un pouvoir absolu sur les Palestiniens, la délégitimation des Palestiniens à la fois comme individus et comme nation, l’éradication d’espaces démocratiques et la suprématie juive.
Netanyahou a fait la promotion de chacun de ces éléments avec une efficacité effrayante au cours de la dernière décennie. L’annexion n’est pas nécessaire pour ancrer le contrôle israélien en Cisjordanie à un point de non retour. En fait, il serait plus puissant de le présenter comme un fait accompli, via un nettoyage ethnique progressif des villages palestiniens dans les territoires occupés, en augmentant la population des colons juifs, en exploitant les ressources naturelles de Cisjordanie et en obstruant toute possibilité de développement du leadership palestinien, entre autres.
Pour approfondir l’incitation et la délégitimation des citoyens palestiniens, il n’est pas besoin de menaces fantômes sur un transfert ; il est bien plus attractif de signaler leur participation au jeu politique comme une menace existentielle. L’idée de la suprématie juive sert les partenaires de tous les partis sionistes, non seulement des Bennett et des Kahanistes comme Baruch Marzel. Même pour les politiciens les plus extrémistes de l’extrême droite, le blocus de Gaza et la suffocation mortelle de ses deux millions d’habitants palestiniens sont préférables à la réoccupation physique de la bande de Gaza.
À un certain point, c’est une reproduction des tactiques qui ont eu du succès sur le droit des colons dans les media sur la sphère politique : plutôt que se peindre comme un groupe d’outsiders, le droits des colons a infiltré le coeur des media mainstream et, désormais, donne le ton. Dans la même logique, il est bien plus efficace de donner du pouvoir à Netanyahou et de protéger sa légitimité pour s’assurer qu’il continue à faire avancer des politiques pro colons, sans l’indignation publique qui suit d’ordinaire des déclarations politiques ambitieuses.
Plus que n’importe quel leader avant lui, Netanyahou a fait en sorte de détruire la foi ou le désir pour une solution politique dans le public israélien. Ce qu’il reste est l’idée de « gérer le conflit », c’est à dire le contrôle permanent des Palestiniens et l’intensification de l’occupation pour un coût nul. En ce sens, les grands plans d’annexion de Bennett et de Smotrich sont le boulet qui annihilerait la politique d’annexion de fait menée par Netanyahou depuis des années. Lorsque l’annexion s’inscrit dans la pratique, des sursauts déclaratifs semblent, d’un coup, puérils. L’extrême droite israélienne a eu un premier ministre idéal, au pouvoir pendant des années, et la chose rationnelle à faire, en ce qui la concerne, est de cimenter son pouvoir.
Aussi, nous ne devrions pas être surpris par l’échec des ultra nationalistes, mais par le fait que Netanyahou n’a pas arraché encore davantage de votes de l’extrême droite. Le premier ministre est le choix rationnel pour un large spectre d’électeurs de droite, des soutiens de Miri Regev jusqu’aux Kahanistes. Ce à quoi nous assistons aujourd’hui est le rétrécissement de cette différence.
Traduction : SF pour l’Agence Media Palestine
Source : +972