Par Ali Abunimah – 13 août 2019
L’expert des Nations Unies chargé de contrôler la liberté religieuse à travers le monde est accusé de passer sous silence les violations systématiques par Israël des droits des Palestiniens de pratiquer leur foi.
Ahmed Shaheed, rapporteur spécial de l’ONU sur la liberté de religion ou de croyance, travaille aussi étroitement avec des lobbies israéliens pour produire un rapport qui puisse stigmatiser le soutien aux droits des Palestiniens en le faisant passer pour de l’antisémitisme.
Shaheed est un universitaire et l’ancien ministre des Affaires étrangères des Maldives.
« Depuis sa nomination en novembre 2016, Mr. Shaheed a été très loquace, disert et engagé sur des sujets importants et essentiels tels que l’antisémitisme », a dit lundi l’organisation euro-méditerranéenne Human Rights Monitor.
« Il a aussi été exagérément loquace à propos de la liberté de religion en Iran, en comparaison avec son silence sur les questions de liberté de religion des minorités Chiites dans des pays comme l’Arabie Saoudite par exemple. »
Mais Euro-Med Monitor remarque qu’il n’est « pas arrivé à trouver une seule déclaration de Mr. Shaeed à propos des violations israéliennes incessantes des droits des Palestiniens à leur liberté de religion sur le Mont du Temple/al-Haram al-Sharif, même lorsque les autorités israéliennes ont complètement fermé les grilles de la mosquée [al-Aqsa] au nez des fidèles musulmans en juillet 2017, ou plus récemment ».
Les forces d’occupation israéliennes ont attaqué les fidèles musulmans et leur ont fermé le complexe d’al-Aqsa à Jérusalem dimanche, premier jour de l’Aïd al-Adha.
Au même moment, il a autorisé quelque 1.700 fidèles juifs, organisés en associations dont le but est de détruire la mosquée al-Aqsa et le Dôme du Rocher, à entrer sur le site.
Israël impose aussi habituellement des restrictions à la liberté de religion des chrétiens.
Par ailleurs, la visite la plus récente en Israël et dans les territoires occupés palestiniens du bureau du rapporteur spécial sur la liberté de religion remonte à plus d’une décennie.
Travailler avec un lobby israélien
« Nous trouvons extrêmement inquiétant que l’une des autorités les plus pertinentes sur la question de la liberté de religion reste complètement silencieuse et aveugle devant les graves et systématiques violations d’Israël contre les fidèles musulmans à la mosquée al-Aqsa », a dit Anas Jerjawi, directeur du bureau palestinien d’Euro-Med Monitor.
Jerjawi a aussi accusé Shaheed « d’être proche de lobbies israéliens tels que le Congrès Juif Européen, le Congrès Juif Mondial et autres ».
« Ceci soulève d’autres questions à propos de l’objectivité de sa conduite lorsqu’il refuse simultanément de critiquer ou au moins de documenter sur les violations contre le droit des Palestiniens à la liberté de religion. »
En mai, Shaheed s’est joint au Congrès Juif Mondial et aux organisations communautaires juives d’Europe pour préparer le « tout premier » rapport de l’ONU sur l’antisémitisme.
Le Congrès Juif Mondial exerce une pression pour soutenir Israël, y compris en justifiant ses attaques contre les civils palestiniens en tant qu’ « auto-défense » et opposition à BDS, le mouvement non violent de boycott, désinvestissement et sanctions pour les droits des Palestiniens.
L’organisation du lobbying a pour but de « mettre en œuvre la richesse prodigieuse du talent des Juifs dans le domaine des relations publiques pour contrer les images négatives d’Israël et de son peuple, dans les médias, sur internet et via les porte-paroles éloquents qui l’attaquent ».
Shaheed cherche à soumettre son rapport sur l’antisémitisme à l’Assemblée Générale de l’ONU en septembre.
Dans l’appel à témoins pour son rapport, Shaheed demande explicitement des exemples d’antisémitisme « tels qu’énumérés dans la Définition de Travail de l’antisémitisme de l’Alliance Internationale du Souvenir de l’Holocauste (IHRA) ».
C’est significatif parce que la définition controversée de l’IHRA, promue par Israël et son lobby, met sur le même plan les préjugés anti-juifs, d’une part, et la critique d’Israël et de son idéologie raciste d’État, le Sionisme, d’autre part.
Le Sionisme est raciste parce qu’il prétend que les Palestiniens, expulsés de leur terre natale, avant, pendant et après la création d’Israël, ne devraient pas être autorisés à revenir chez eux, simplement parce qu’ils ne sont pas juifs.
En conservant cette idéologie sioniste, Israël considère les Palestiniens comme une « menace démographique » qu’il faut contrôler en utilisant des moyens qui vont de lois racistes et discriminatoires aux massacres habituels.
La semaine dernière, on a appris qu’une autorité locale britannique avait utilisé la définition de l’IHRA pour interdire à une randonnée caritative à vélos pour lever de l’argent pour les enfants palestiniens d’utiliser des parcs publics.
Dans des courriels internes, des responsables du quartier londonien de Tower Hamlets ont parlé de l’opposition des organisateurs aux crimes bien documentés d’Israël contre les Palestiniens comme de l’antisémitisme.
En réponse à cet incident, Antony Lerman, ancien directeur de l’Institut de Recherche sur la Politique Juive, a renouvelé ses mises en garde contre le fait que l’utilisation de la définition de l’IHRA sert de manière criante à la censure.
Lerman écrit que c’est « l’imprécision même de l’IHRA qui a autorisé une interprétation totalement libre, réjouissant les opposants aux demandes des Palestiniens pour l’égalité des droits, le droit au retour pour les réfugiés, la fin du nettoyage ethnique et la reconnaissance de la Nakba ».
Mais maintenant, l’expert en liberté de religion de l’ONU adopte cette définition arbitraire, vague et large comme base de son rapport.
Tweets anti-palestiniens
Shaheed a utilisé son compte Twitter avant d’assumer son rôle à l’ONU pour exprimer son penchant en faveur d’Israël.
Il faisait écho à un point de discussion israélien comme quoi l’ONU met Israël à part, quand en fait l’organisation mondiale n’a pas une seule fois imposé de sanctions à Israël pour ses nombreuses insignes violations du droit international.
Il a encouragé l’opposition aux efforts des Palestiniens pour tenir Israël responsable par des boycotts non violents.
Il a même pris pour cible le gouvernement des Maldives pour aider à reconstruire les maisons des Palestiniens détruites à Gaza.
Shaheed s’est aussi vanté de ses « ouvertures vers Israël ».
Notamment, Shaheed est un attaché supérieur au Centre Raoul Wallenberg pour les Droits de l’Homme, groupe de réflexion présidé par Irwin Cotler, un des plus éminents personnages du lobby israélien au Canada.
Euro-Med Monitor dit qu’il a « essayé à de nombreuses occasions d’entrer en contact avec Mr. Shaheed, pour essayer de lui donner envie d’entreprendre les actions nécessaires en accord avec sa position et les responsabilités qui lui sont assignées ».
Mais l’association des droits de l’Homme dit que toutes ses lettres « sont restées totalement ignorées et sans réponse ».
L’association a également écrit au Haut Commissaire aux Droits de l’Homme de l’ONU, l’exhortant à faire une enquête sur la conduite de Shaheed et à le remplacer si nécessaire.
Traduction : J. Ch. pour l’Agence Média Palestine
Source : The Electronic Intifada