Omar Karmi, 18 septembre 2019
Des électeurs palestiniens attendent pour déposer leur bulletin de vote dans un bureau électoral de Jaffa. Malgré l’incitation qui leur était destinée, notamment par le Premier ministre Benjamin Netanyahu, les citoyens palestiniens d’Israël sont venus en nombre pour faire de la Liste Commune le troisième parti politique d’Israël. (Heidi Levine / Sipa Press)
Alors que le décompte des votes est presque terminé au moment où j’écris, Israël est à nouveau confronté à un parlement sans majorité.
Cela pourrait conduire à une troisième élection en un an. Ou bien, nous pourrions voir l’avènement d’une grande coalition de trois partis laïques.
Que ce gouvernement inclue ou pas Benjamin Netanyahu du Likoud, quatre fois titulaire du poste de premier ministre, ce n’est pas clair.
Pour quelque 6.7 millions de Juifs israéliens, la possibilité que beaucoup trop d’années de gouvernement Netanyahu puissent déboucher sur une issue ignoble, avec des accusations pour corruption, a une grande importance.
La perspective que les partis extrémistes religieux ne fassent pas, pour la première fois depuis des années, partie du gouvernement, est elle aussi significative.
C’est également important, même si à un moindre degré, pour les 1.6 millions de citoyens palestiniens d’Israël sur lesquels Netanyahu a déversé tout son sectarisme dérisoire au cours d’une campagne de réélection farcie de sautes d’humeur.
Mais rien n’est encore clair. Netanyahu, l’éternel survivant, peut attirer Avigdor Lieberman d’Israël Notre Maison, l’éternel opportuniste, dans une autre coalition de droite.
Ou bien, Benny Gantz de Bleu-Blanc, ancien chef de cabinet qui a supervisé le massacre israélien de haute technologie sur Gaza en 2014, pourrait former une coalition sans le Likoud. Ou, en fait, sans Lieberman.
Pour l’instant, la balance des probabilités laisse entendre que Gantz conduira tout nouveau gouvernement. Mais il y a des tas de possibilités dans l’impasse actuelle et une seule certitude : le résultat spécifiquement confus des élections israéliennes ne signifiera pratiquement rien pour les quelque 5 millions de Palestiniens de Cisjordanie et de la Bande Gaza occupées qui ne peuvent pas voter, mais sont eux aussi gouvernés par quel que soit le gouvernement qui émergera finalement.
Toujours la même chose
Netanyahu avait promis d’annexer de grands pans du territoire occupé s’il formait le nouveau gouvernement.
Aucun des autres grands partis n’a fait ce genre de promesses, ce qui pourrait suggérer qu’ils seraient plus enclins à raviver le processus de paix – depuis longtemps comateux – avec l’Autorité Palestinienne.
Ce n’est pourtant pas le cas. Si Netanyahu avait promis d’arrêter le respirateur artificiel, Gantz et sa clique sont simplement prêts à maintenir le courant.
L’alliance Bleu-Blanc est dirigée par trois anciens généraux – à côté de Gantz, il y a Gabi Ashkenazi et Moshe Yaalon – et un journaliste, Yair Lapid.
Aucun d’entre eux ne fera les concessions territoriales qu’exige n’importe quelle sorte de solution à deux Etats réalisable.
Aucun d’entre eux ne fera sortir un seul colon du territoire occupé, inversant ainsi un crime de guerre auquel les militaires parmi eux ont participé.
Et aucun d’entre n’acceptera de partager Jérusalem ni même de revenir sur l’annexion du Golan maintenant qu’elle a été approuvée par le président américain.
En d’autres termes, il n’y aura absolument aucun changement en ce qui concerne la situation politique pour les Palestiniens et pour la région élargie.
Tout ce que signifie un gouvernement conduit par Bleu-Blanc, c’est que les pays donateurs, qui ont tant payé pour aider Israël à maintenir si longtemps son occupation, vont maintenant avoir une raison pour prolonger ce simulacre pendant deux ans de plus.
La promesse de Netanyahu d’annexer davantage de territoire a été moralement répugnante. Elle aurait été l’équivalent de la saisie d’une terre nue. Mais au moins, elle était honnête. Et elle aurait laissé ceux qui prétendent qu’il y a encore une possibilité pour une solution négociée à deux Etats – qui est d’une certaine façon juste pour les Palestiniens et pourrait en quelque sorte aboutir à un Etat palestinien viable, libre et souverain – sans aucune possibilité de se cacher.
Malheureusement, un gouvernement conduit par Gantz leur procurera à tous une feuille de vigne pour encore un bout de temps.
Une tranche de bonnes nouvelles
L’histoire la plus marquante sortie jusqu’ici de l’élection, c’est la réussite de la Liste Commune, coalition de partis conduits par les citoyens palestiniens d’Israël et répondant à leurs besoins.
Connus pour leurs divisions, ces partis politiques ont longtemps failli à éveiller les passions dans un segment démographique profondément découragé.
Leur découragement était la conséquence naturelle de décennies d’oppression. Les Palestiniens d’Israël ont passé près de vingt ans sous autorité militaire avant d’être « autorisés » à voter. Ils sont institutionnellement discriminés par un Etat qui les exclut explicitement en déclarant que seuls les Juifs y ont droit à l’autodétermination.
Ils sont des citoyens de seconde classe, constamment diabolisés et considérés comme une cinquième colonne. Dans cette toute récente campagne électorale, Netanyahu les a qualifiés de personnes qui « glorifient les terroristes assoiffés de sang » et qui « veulent nous détruire ».
Néanmoins, ils sont une force en croissance. Et, à son crédit, la Liste Commune a non seulement réussi à unifier le vote, mais aussi à le galvaniser. Le taux de participation électorale des Palestiniens a atteint 60 %, dépassant d’un bon 10 % le vote d’avril. Cela a fait de la Liste Commune le troisième parti le plus important d’Israël.
Il est délectable de voir que ce qui a poussé les Palestiniens à participer semble avoir été le racisme même dont l’intention était de les engager à se tenir à l’écart.
La Liste Commune ne sera pas invitée – et elle ne voudrait pas l’être – dans aucune coalition gouvernementale. Mais selon la composition de n’importe quel nouveau gouvernement, la Liste Commune peut avoir un rôle essentiel à jouer au parlement, être un important bloc de voix à courtiser.
Ceci, au moins, est le présage d’un changement positif potentiel, une sorte de contrepoids au racisme pur et simple d’une grande part du régime politique d’Israël.
Traduction : J. Ch. pour l’Agence Média Palestine
Source : The Electronic Intifada