Jonathan Ofir 7 Octobre 2019 – Mondoweiss
Le ministre de l’intérieur d’Israël dit qu’il prend des mesures pour forcer Omar Barghouti, le cofondateur du mouvement de Boycott, Désinvestissement et Sanctions, à quitter le pays.
J’entends agir rapidement pour priver Omar Barghouti de son statut de résident en Israël… Voici un homme qui fait tout pour nuire au pays et qui ne doit donc pas jouir du droit d’être un résident d’Israël.
Aryeh Deri a dit qu’il avait donné des ordres à l’Autorité de la Population et de l’Immigration pour préparer l’opinion publique à la déportation de Barghouti.
L’annonce a été faite après que Dina Zilber, Procureure générale adjointe, a informé le bureau de Deri qu’il avait l’autorité pour révoquer le statut de résident de Barghouti. La base juridique : un amendement de 2018 au droit de résidence, qui classe « l’abus de confiance » comme délit pouvant justifier la suppression du statut de résident. Barghouti a épousé une résidente palestinienne d’Israël et vit à Acre sous le statut de résident.
Imaginez – l’État vous « fait confiance » pour ne pas le blâmer de ses abus, il vous « fait confiance » pour ne pas vous plaindre et pour accepter ces abus, et si vous protestez, même d’une manière non violente et civile, vous avec brisé cette «confiance ».
Barghouti est depuis longtemps la cible de suggestions fascisantes. Lors d’une conférence anti BDS en 2016, sponsorisée par le quotidien israélien Yediot Aharonot, Israël Katz, alors ministre israélien des transports et du renseignement, a suggéré « des éliminations civiles ciblées » de la direction de BDS. « Élimination ciblée » est un terme israélien bien connu pour assassinat. Il a simplement ajouté « civiles » pour que ça sonne plus « civil ». Barghouti a été nommément désigné et le czar anti BDS, Gilad Erdan a dit que les militants BDS « paieraient le prix ». « Nous en saurons bientôt davantage sur notre ami Barghouti », insinua Erdan insidieusement.
Peu après, le bureau local du ministère de l’intérieur notifia à Barghouti que son passeport (qu’il doit renouveler tous les deux ans) ne serait pas renouvelé. Il a alors été renouvelé temporairement, sur pression juridique. Barghouti dit alors à Glenn Greewald :
Donc nous sommes réellement décontenancés, je suis personnellement assez décontenancé par ces menaces. Nous vivons dans un pays où le racisme et les provocations raciales contre les Palestiniens indigènes se sont énormément développés dans l’opinion dominante en Israël. Être très ouvertement raciste vis-à-vis des Palestiniens est vraiment devenu la norme aujourd’hui. De nombreux colons et Israéliens de la droite dure prennent les choses en mains – avec le soutien total de l’État – et attaquent les Palestiniens. Donc, dans ce contexte je suis décontenancé, mais je ne suis aucunement découragé. Je vais poursuivre mon combat non violent pour les droits des Palestiniens sous l’égide du droit international et rien de ce qu’ils peuvent faire ne m’arrêtera.
Barghouti a certes été « ciblé », mais jusqu’à présent uniquement par les moyens « civils » consistant à empêcher ses voyages par des mesures bureaucratiques. Ce fut le cas récemment pour les États Unis et le Royaume Uni, par des retards et refus vagues que le gouvernement n’a pas cherché à justifier.
Dans le cas des États Unis en avril dernier, Barghouti a été stoppé à l’aéroport israélien Ben Gourion et on lui a interdit de se rendre aux USA, bien qu’il possédât un visa en cours de validité. James Zogby, de l’Institut arabo-américain, qui avait coordonné le voyage, a fait le commentaire suivant :
Omar Barghouti est une voix palestinienne majeure sur la question des droits humains. Le refus d’entrée aux USA opposé à Omar est le dernier exemple en date du mépris de l’administration Trump envers ces droits.
Dans le cas du Royaume Uni, le mois dernier, Barghouti était censé s’exprimer à un événement périphérique du Congrès du Parti du Labour, organisé par PSC, la Campagne de Solidarité avec la Palestine. Finalement il a parlé par skype, à cause d’un « retard anormal inexpliqué » dans la délivrance de son visa. PSC a fait la déclaration suivante :
Le retard sans précédent mis à l’examen de la demande de visa de Barghouti par le gouvernement britannique fait partie intégrante des efforts croissants de la part d’Israël et de ses alliés pour faire taire les voix palestiniennes et le mouvement pour les droit des Palestiniens.
La mesure récente visant à révoquer le statut de résident de Barghouti semble venir d’une campagne de provocation de droite du groupe Betzalmo (un jeu de mots sur le groupe de veille sur les droits humains B’Tselem). Ils ont écrit au procureur général Avichaï Mandelblit et à Deri, il y a à peine une semaine, en les incitant à expulser Barghouti. Dans leur lettre, ils ont fait mention du refus d’entrer de la part des États Unis et ont demandé pourquoi le gouvernement israélien n’avait pas agi en vue de priver Barghouti de ses droits de résidence. Ils ont fabriqué l’argument selon lequel Barghouti nuit à l’État, rompt l’allégeance et constitue une menace pour la sécurité :
Une loi récente autorise le Ministre de l’intérieur, avec l’approbation du procureur général, à révoquer le statut de résidence de quiconque porte atteinte à la sécurité de l’État ou viole l’allégeance à l’État, ou met en danger l’ordre public… Il ne fait aucun doute que la direction du mouvement de boycott contre tous les citoyens de l’État d’Israël par Barghouti nuit gravement à l’État d’Israël et constitue une rupture flagrante d’allégeance, ainsi qu’une menace pour la sécurité et la défense d’Israël, en faisant pression pour un embargo sur les armes envers Israël.
Donc : le feu vert du bureau du procureur général, un feu vert de plus du bureau de Deri, et la machine paraît prête pour déporter le « traitre ».
Pour Israël, Barghouti prouve qu’on ne peut pas faire confiance aux Palestiniens pour qu’ils se taisent et qu’il faut qu’ils l’apprennent par la manière forte. Mais chaque pas que fait Israël dans sa tentative de répression pour faire taire la contestation, constitue une nouvelle raison de le boycotter. Comme Erdan l’a promis, nous avons bien sûr entendu beaucoup de choses de la part de et au sujet d’Omar Barghouti. Et nous en entendrons encore bien plus à son sujet et sur BDS.
Jonathan Ofir, musicien israélien, chef d’orchestre et blogueur/écrivain basé au Danemark
Traduction SF pour l’Agence Media Palestine
Source: Mondoweiss