Par Maureen Clare Murphy, 22 janvier 2020
Benjamin Netanyahou s’est engagé à annexer à Israël toutes les colonies de Cisjordanie s’il gagne les prochaines élections. (Ryan Ridrick Beiler / ActiveStills)
Les juges de la Cour Pénale Internationale viennent de renverser tout espoir d’une enquête expéditive sur les crimes de guerre en Palestine.
Pendant ce temps, le Premier ministre d’Israël Benjamin Netanyahou utilise cette semaine le forum sur l’Holocauste à Jérusalem pour rameuter des dirigeants internationaux dans sa campagne contre la Cour.
Mardi, une chambre préliminaire a émis une décision réprimandant la procureure générale Fatou Bensouda pour avoir dépassé la limite de pages dans sa requête pour un verdict sur la compétence judiciaire en Cisjordanie et dans la Bande Gaza occupées.
Israël, qui contrôle effectivement ces territoires, n’est pas signataire du Statut de Rome et n’est donc pas membre du Tribunal Pénal International. L’État rejette vigoureusement la compétence juridique en Cisjordanie et à Gaza.
L’ Etat de Palestine, qui a fait appel au TPI pour qu’il enquête sur Israël, est un des signataires du Statut de Rome mais n’a pas la souveraineté sur la Cisjordanie et Gaza qui sont occupées par Israël.
La demande de Bensouda d’une décision de compétence judiciaire a été faite le 20 décembre, lorsque la procureure générale a annoncé la conclusion de son examen préliminaire de la situation en Palestine qui a débuté en janvier 2015.
Cet enregistrement a totalisé 112 pages, alors que le règlement du tribunal limite ce genre de requêtes à 30 pages. Le 23 décembre, Bensouda a enregistré des éléments supplémentaires – les arguments juridiques publiés par le gouvernement israélien pour rejeter la compétence judiciaire – qui représentent 50 pages supplémentaires.
La décision de mardi émise par la chambre préliminaire accepte que la requête que Bensouda doit soumettre puisse atteindre le nombre de 110 pages, étant donné « la nature, la nouveauté et la complexité » de la question de la compétence judiciaire en Palestine.
Mais les juges demandent que Bensouda soumette à nouveau sa requête pour la compétence judiciaire, repoussant à plus tard le lancement de toute enquête pour crimes de guerre.
Cette même chambre préliminaire déterminera si la Cour a la compétence pour juger des crimes de guerre en Cisjordanie et à Gaza. Bien qu’une enquête ait été recommandée par Bensouda, les juges pourraient empêcher qu’elle ait lieu.
Netanyahou fait campagne contre le tribunal
Cette incertitude n’a pas empêché Israël de passer à l’offensive contre la Cour, ses dirigeants l’accusant d’antisémitisme.
Netanyahou a appelé à un soulèvement contre la Cour cette semaine au cours d’une interview avec une importante chaîne de télévision des Chrétiens évangéliques diffusée aux Etats Unis.
Netanyahou a exhorté les téléspectateurs à demander des sanctions contre la Cour.
« Fondamentalement, il attaque tout à fait frontalement les démocraties, à la fois le droit des démocraties à se défendre et le droit d’Israël et le droit du peuple juif à vivre sur sa terre ancestrale », a dit Netanyahou.
Il a invoqué l’Holocauste et a dit que « les tentatives de destruction du peuple juif n’ont pas disparu. L’Iran déclare ouvertement tous les jours qu’il veut balayer Israël de la surface de la terre ».
Netanyahou se sert aussi du Cinquième Forum International de l’Holocauste, jeudi à Jérusalem, pour pousser les dirigeants internationaux à soutenir publiquement la position d’Israël contre la compétence judiciaire de la Cour Pénale Internationale.
On attend des dizaines de dirigeants étrangers au forum qui commémore le 75ème anniversaire de la libération du camp de concentration d’Auschwitz-Birkenau.
Le quotidien de Tel Aviv Haaretz en a parlé comme de « la plus grande délégation diplomatique qui soit jamais venue en Israël, à l’exception des funérailles des anciens premiers ministres Yitzhak Rabin et Shimon Peres ».
Le journal a écritque « ces derniers mois, Israël a mené une campagne pour obtenir un soutien politique à sa position » contre la compétence judiciaire de la Cour Pénale Internationale en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza.
« Netanyahou a pris contact avec plusieurs dirigeants étrangers, mais seuls quelques uns ont accédé à sa demande ou ont indiqué qu’ils le pourraient », a ajouté Haaretz.
Les Etats Unis se sont longtemps opposés à toute enquête en Israël, ou sur les forces américaines en Afghanistan, menaçantde sanctions des personnalités de la Cour. Au début de l’année dernière, ils ont retiré son visa d’entrée à Bensouda.
L’Australie a dit que la recommandation de Bensouda d’enquêter pour crimes de guerre « l’inquiétait » et qu’elle ne reconnaît pas l’État de Palestine.
Le gouvernement de Hongrie a déclaré que « la position » d’Israël « concernant le manque de compétence de la Cour Pénale Internationale dans ce cas là est justifiée ».
L’Allemagne a été plus circonspecte, s’en remettant au processus judiciaire, tandis que le Canada a dit que « il n’y a pas d’État palestinien et que, par conséquent, nous ne reconnaissons pas le fait qu’il puisse bénéficier des traités internationaux ».
Aucun autre Etat n’a répondu à la demande de Netanyahou, selon Haaretz.
Netanyahou double la mise sur les crimes de guerre
Mardi, Netanyahou a juré d’annexer unilatéralement toutes les colonies israéliennes de Cisjordanie s’il gagne les prochaines élections.
Cette promesse a été faite par le premier ministre après que son rival Benny Gantz se soit engagé à annexer la Vallée du Jourdain en Cisjordanie avec l’accord de la communauté internationale.
Les précédents engagements de Netanyahou d’annexer des pans de la Cisjordanie, dont la Vallée du Jourdain, sont soulignés dans la requête de la Cour Pénale Internationale pour une décision de compétence.
« Malgré les demandes claires et insistantes pour qu’Israël mette fin à ses activités, jugées contraires au droit international, dans le Territoire Palestinien Occupé, on ne voit aucun signe qu’il y mette fin », déclare-t-elle.
« Au contraire, on perçoit des signes comme quoi elles pourraient non seulement continuer, mais comme quoi Israël chercherait à annexer ces territoires », ajoute Bensouda.
« En août et septembre 2019, le Premier ministre Benjamin Netanyahou a juré d’annexer de grandes parties de la Cisjordanie s’il est réélu. »
Traduction : J. Ch. pour l’Agence Média Palestine
Source : The Electronic Intifada