Par Omar Karmi, 29 janvier 2020
Après une longue attente et en grande pompe, le président américain Donald Trump a présenté mardi son plan pour la Paix au Moyen Orient.
C’est « un plan important » avait déjà dit Trump il y a quelques jours, bien qu’il se soit peut-être moqué précédemment de son principal architecte, son gendre Jared Kushner.
Mardi, il a qualifié le plan de « gagnant-gagnant », bien qu’il soit difficile de dire qui est le deuxième gagnant.
Le premier est sans aucun doute Israël, à qui la seule chose qu’on ait demandé est de geler la colonisation pendant les quatre ans prévus pour négocier l’établissement d’un Etat palestinien.
A part cette demande épuisante pour le minimum, Israël obtient : toutes (ou pour ainsi dire) ses colonies, la totalité de Jérusalem, le contrôle sur les frontières, un contrôle militaire incontesté sur la totalité de la Palestine historique, environ un tiers de la Cisjordanie et le retrait de toute possibilité pour les Palestiniens expulsés en 1948 de jamais pouvoir revendiquer un droit au retour ni même une compensation pour les terres et les maisons et les années qu’on leur a volées.
Il n’est pas étonnant qu’un Benjamin Netanyahou rayonnant, premier ministre titulaire d’Israël qui se tenait aux côtés de Trump lorsqu’il a présenté le plan, ait paru plus suffisant que jamais.
« Pendant trop longtemps », a dit Netanyahou dans ses remarques après que Trump ait rendu, (grand dieu, il a vraiment rendu), « le coeur même de la terre d’Israël, où nos patriarches ont prié, où nos prophètes ont prêché et où nos rois ont gouverné, ait été outrageusement qualifié de territoire illégalement occupé. Eh bien, aujourd’hui, M. le président, vous crevez ce gros mensonge ».
En effet. Personne ne pouvait évaluer mieux que Netanyahou combien ce plan est mauvais. Il n’a précisément rien à voir avec les Palestiniens, que l’on a réduits à de petits rôles auquel leur statut – aux yeux de ceux qui sont arrivés avec ce plan et qui le soutiennent – les restreint en tant que personnes de deuxième classe.
L’autre « gagnant »
Les Palestiniens ne repartent pas entièrement les mains vides. Leurs suzerains leur ont accordé « un Etat ». Sur plus de deux fois la terre qu’ils contrôlent actuellement.
C’est tout au moins ce qui a été fiévreusement rapporté et qui a infecté les premiers rapports à l’annonce du plan, bien que personne n’ait cessé de poser la question évidente : deux fois rien, c’est ?
D’après le plan, la question du territoire a été élaborée « dans l’esprit de l’ONU 242 [Résolution du Conseil de Sécurité] ». Mais cela suggérerait une sorte d’adhésion aux frontières de 1967. A en juger par les « cartes conceptuelles » en appendice du plan, il est difficile de voir que les frontières de 1967 aient seulement été considérées.
En réalité, la priorité, telle que visible dans ce plan, c’est la sécurité d’Israël. Et donc, les Palestiniens n’obtiennent aucun contrôle sur les frontières pour entrer et sortir de la Cisjordanie.
Et les cartes n’indiquent pas non plus de quelle façon Jérusalem devient à la fois la capitale unifiée d’Israël tout en devenant également la capitale de la Palestine « Al Quds [comprenant] des quartiers de Jérusalem Est ».
En compensation, un « Plan Economique de Trump » profitera aux réfugiés déjà présents et à ceux qui sont absorbés dans « l’État de Palestine » ou « l’Empire de Palestine » ou « la Grande Palestine » ou quelque soit le nom que les Palestiniens veulent lui donner, une série de zones non contiguës qui seraient reliées par des ponts, des tunnels et des routes.
Nous obtenons des routes ! Ce doit être ce que Jared Kushner voulait dire par progrès économique.
Les Palestiniens pourraient aussi espérer une zone balnéaire au nord de la Mer Morte.
Avec des détails de ce genre, il est facile de voir comment le plan Trump atteint 180 pages.
Inapplicable
Ce plan, bien sûr, est inapplicable. C’est un non-point de départ comme l’ont dit les Palestiniens depuis le début.
Il viole toutes les lignes rouges stipulées par l’Autorité Palestinienne, tous les principes signés en 1993 par l’Organisation de Libération de la Palestine et toutes les résolutions du droit international.
Aucun dirigeant palestinien ne pourrait l’accepter. Aucun dirigeant palestinien ne l’acceptera. Tout dirigeant arabe qui le soutiendra verra sa réputation entachée.
C’est pire qu’une plaisanterie. C’est une insulte.
Les responsables de l’Autorité Palestinienne – Mahmoud Abbas, dirigeant de l’AP, l’a appelé la « gifle du siècle » – et le porte-parole du Hamas ont comme prévu rejeté le plan d’un revers de la main.
D’autres aussi ont été cinglants.
B’Tselem, association de défense des droits de l’Homme, a dit que le plan ne changeait rien.
« Ce qu’on offre à l’instant aux Palestiniens, ce ne sont pas des droits ni un Etat, mais un état permanent d’apartheid. »
Matt Duss, conseiller de politique étrangère du candidat à la présidence américaine Bernie Sanders, a tweeté son mot du jour : « Bantoustan » et a mis en garde les journalistes de parler aux « véritables Palestiniens ».
La majeure partie de la présentation du plan a résonné comme une menace envers les Palestiniens.
Ainsi, la « difficulté » à créer un Etat palestinien d’un seul tenant, étant donné l’étendue des colonies, a été utilisée par un responsable de l’administration comme une raison pour que les Palestiniens l’accepte.
« … Si nous ne figeons pas ceci maintenant, je pense que leur chance de jamais obtenir un Etat disparaît fondamentalement. »
Ce que ce responsable ne semble pas avoir cessé d’envisager, c’est : Et alors ?
Et alors si cette chance disparaît, Israël devra toujours vivre avec six millions de Palestiniens.
Voilà le fait révélateur qui élude ceux qui semblent penser que le pouvoir c’est tout ce qui importe : Ce sera terminé seulement quand les Palestiniens diront que ça l’est. Pas une minute avant.
Traduction : J. Ch. pour l’Agence Média Palestine
Source : The Electronic Intifada