Par Ali Abunimah, 4 février 2020
La semaine dernière, le président des Etats-Unis, Donald Trump, a dévoilé son plan pour qu’Israël asujettisse de manière permanente le peuple palestinien et renomme « paix » son brutal système d’apartheid.
Les détails – qui inclut l’annexion par Israël de vastes morceaux de la Cisjordanie occupée, l’annulation du droit au retour des réfugiés palestiniens et le dépouillement de centaines de milliers de citoyens palestiniens d’Israël de leur citoyenneté — n’ont surpris personne. Pourtant il a fallu à l’Union européenne une semaine entière pour y apporter une réponse.
Une déclaration du chef de la politique étrangère de l’Union européenne, Josep Borrell, critique légèrement le plan américain parce qu’il « s’écarte des paramètres acceptés internationalement », appelant à une « solution à deux états ».
L’Union européenne se déclare « particulièrement inquiète des déclarations sur la perspective d’annexion de la Vallée du Jourdain et d’autres parties de la Cisjordanie ».
« En accord avec le droit international et les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité des Nations unies, l’Union européene ne reconnaît pas la souveraineté d’Israël sur les territoires occupés depuis 1967 », affirme le Bloc, avant d’ajouter l’effet de surprise final : « Des démarches vers l’annexion, si elles sont implémentées, ne pourront pas avoir lieu sans contestation ».
Cette ligne — suggérant une action potentielle de l’Union européenne pour qu’Israël rende des comptes — a déjà fait la une des journaux.
Mais il y a peu de raisons de s’exciter.
Des décennies de complicité
Il n’y a pratiquement aucune chance pour que l’Union européenne change son approche de toujours, c’est-à-dire un soutien inconditionnel et des récompenses pour Israël lorsqu’il commet violation après violation, crime après crime.
Israël a annexé Jérusalem-Est occupé en 1967. Il a aussi annexé les Hauteurs du Golan dans la Syrie occupée en 1981 – les deux mesures ont été rejetées par le monde entier et condamnées comme illégales dans d’innombrables résolutions des Nations Unies.
Dans les décennies qui ont suivi, Israël a agressivement colonisé des terres palestiniennes occupées par des colonies exclusivement juives, un crime de guerre.
L’Union européenne affirme qu’elle s’oppose à toutes ces actions israéliennes et a eu des décennies pour les « contester ». Mais tout ce qu’elle a fait est de plier devant Israël, lui offrant d’autres encouragements pour commettre plus de crimes, conforté dans l’assurance qu’il ne souffrira aucune conséquence.
Pourquoi quiconque devrait-il croire que seules les dernières déclarations israéliennes sur l’annexion seraient un franchissement de la ligne rouge, alors qu’aucune des actions précédentes d’Israël n’a déclenché plus que des mots modérés d’ « inquiétude » ?
Sanctionner la Russie
Alors que Trump dévoilait son plan pour le Moyen-Orient, l’Union européenne annonçait – en parallèle avec le gouvernement de Trump – de nouvelles sanctions contre la Russie.
L’Union européenne a imposé des restrictions sur sept responsables russes pour avoir aidé à organiser des élections dans ce que l’Union européenne appelle la Crimée « illégalement annexée » — le territoire que la Russie a pris à l’Ukraine en 2014, à la suite d’un coup d’état soutenu par l’Union européenne et les Etats-Unis contre le gouvernement de Kiev.
De fait, l’Union européenne se vante du durcissement croissant des sanctions qu’elle a commencé à imposer à la Russie, à peine quelques semaines après le début de la dispute sur la Crimée. Elles incluent un bannissement sur les importations de Crimée et les investissements dans le territoire.
Tout au contraire, l’Union européenne continue à autoriser sur ses marchés le flot des produits issus des colonies israéliennes, malgré l’obligation des états membres, selon le droit international, de stopper tout commerce fondé sur des violations des droits humains massives et systématiques.
Les diplomates européens à Tel Aviv se vantent régulièrement de la croissance des volumes du commerce avec Israël.
Ce commerce inclut presque certainement de larges quantités de produits des colonies, étant donné que les responsables européens ont admis qu’ils n’avaient pas de moyen sûr de mettre en pratique les règlements exigeant l’étiquetage des produits originaires des colonies illégales d’Israël.
L’Union européenne, de plus, s’oppose farouchement à BDS — le mouvement non violent et populaire de boycott, désinvestissement et sanctions — qui vise à empêcher les compagnies européennes et autres d’aider les crimes d’Israël et d’en profiter.
Et malgré la critique européenne des plans d’annexion d’Israël, l’Union européenne et ses membres continuent leurs embrassades avec Israël, grâce à des initiatives qui lui donneront plus de ressources et de pouvoir pouvant être utilisés pour étendre les colonies sur les terres palestiniennes.
Etant donné son bilan, faire confiance à l’Union européenne pour se dresser en faveur des droits palestiniens ne serait pas différent de faire confiance à Donald Trump.
Et donc que faire ?
Notre meilleur espoir reste la démocratie. Un enjeu clé dans l’élection irlandaise du 8 février est le sort de la loi sur les territoires occupés, qui bannirait les importations de produits des colonies israéliennes. Si la volonté des électeurs irlandais prévaut, l’acceptation définitive et l’implémentation de cette mesure populaire seraient un coup significatif contre l’impunité d’Israël et la complicité de l’Union européenne.
Ali Abunimah, cofondateur de The Electronic Intifada, est l’auteur de The Battle for Justice in Palestine, paru chez Haymarket Books. Il a aussi écrit : One Country: A Bold Proposal to end the Israeli-Palestinian Impasse. Les opinions exprimées sont les miennes seules.
Trad. CG. pour l’Agence Media-Palestine
Source: Electronic Intifada