La cour suprême d’Israël limite la surveillance de patients du coronavirus

Par Tamara Nassar, 20 mars 2020

Des travailleurs palestiniens désinfectent les marchés de la ville de Gaza le 19 mars, à titre de prévention par crainte d’une diffusion du nouveau coronavirus qui entraîne une pandémie mondiale. Ashraf Amra APA images
 

Tandis que le nombre de cas confirmés de coronavirus continue à s’élever, Israël et la Cisjordanie occupée s’acheminent vers un confinement total.

Au moment où cet article est écrit, plus de 700 Israéliens sont dits porteurs du COVID-19, la maladie causée par le nouveau coronavirus, plus 48 cas confirmés en Cisjordanie occupée.

Dans la bande de Gaza, pas encore de cas confirmé, celle-ci ayant été fortement isolée du monde depuis plus de dix ans sous l’effet d’un blocus de la part d’Israël.

Le 18 mars, l’Organisation Mondiale de la Santé dit que le risque d’une flambée du COVID-19 en Cisjordanie occupée et dans la bande de Gaza, ainsi que dans la région plus largement, est très élevé.

Le premier ministre intérimaire Benjamin Netanyahou a annoncé jeudi que des mesures de confinement deviendront obligatoires vendredi, tandis qu’Israël se bat pour contenir le nouveau coronavirus.

La police israélienne, avec l’aide de l’armée, aura autorité pour arrêter ou pénaliser ceux qui désobéissent aux ordres du gouvernement de rester chez eux, à l’exception de ceux qui apportent de la nourriture, des remèdes ou de ceux qui se déplacent pour un traitement médical.

Arrêt de la surveillance

Pendant ce temps, la cour suprême d’Israël a publié une injonction temporaire au Shin Bet, l’agence d’espionnage intérieur d’Israël pour qu’il arrête la géolocalisation par téléphones mobiles et autres technologies de surveillance pour pister les téléphones portables de patients et patients potentiels du coronavirus.

Netanyahou avait pris cette mesure mercredi par une déclaration destinée à empêcher la diffusion du virus, en passant par dessus l’approbation nécessaire de la Knesset, le parlement d’Israël. La cour donne au gouvernement jusqu’à mardi pour former un comité parlementaire de surveillance de l’opération. S’il ne le fait pas, la cour interdira le programme.

La décision de la cour est intervenue après qu’elle ait pris connaissance de la demande d’Adalah, un groupe qui défend les droits des Palestiniens en Israël, et de la Liste Unie, une coalition de partis palestiniens en Israël, appelant le procureur général à geler la mesure.

Jeudi, le groupe a applaudi la décision de la cour suprême, mais a souligné que le danger réside plus dans la surveillance, quoiqu’en dise l’instance de surveillance.

« Même une surveillance parlementaire ne peut légitimer une telle violation des droits humains » a déclaré Adalah.

« Les urgences en santé publique ne doivent pas être exploitées pour accorder des pouvoirs supplémentaires aux services de sécurité du Shin Bet et à la police israélienne ».

Jeudi, des centaines d’Israéliens ont protesté contre les tentatives de Netanyahou d’instaurer une surveillance de masse et la fermeture des tribunaux.

De mauvais outils

Au même moment, le Mossad, l’agence d’espionnage israélienne bien connue, s’est débrouillée pour acheter 100 000 kits de test du coronavirus auxquels manquent des instruments clef pour les prélèvements, selon le ministère israélien de la santé.

On ne sait pas très bien d’où vient ce matériel, mais le journaliste israélien Barak Ravid a dit qu’il avait été acheté « dans deux pays qui n’ont pas de relations diplomatiques avec Israël ».

Pas de cas à Gaza

Aucun cas de COVID-19 n’a encore été rapporté dans la bande de Gaza, mais des préparatifs sont en cours en cas de déclenchement. Si le virus atteint le territoire, son impact « pourrait être catastrophique » selon Aide Médicale aux Palestiniens.

Israël impose un siège mortifère depuis 13 ans sur les deux millions de Palestiniens qui vivent dans la bande de Gaza, dont la moitié sont des enfants.

Israël renforce actuellement les restrictions des déplacements au checkpoint d’Erez, le seul passage que peuvent emprunter les gens entre Gaza et Israël. Les sorties de Gaza vers Israël sont pratiquement limitées aux cas médicaux.

Quelques autres cas ont été désignés, qui peuvent demander l’autorisation de sortie auprès des autorités israéliennes, a indiqué mercredi le groupe de défense des droits, Gisha.

Le mouvement par le passage d’Erez était déjà limité au début de ce mois à l’occasion de la fête juive de Pourim, mais a été encore restreint pour combattre la pandémie mondiale.

La passage par Rafah, le seul point d’entrée et sortie pour la grande majorité des habitants de Gaza vers le monde extérieur est aussi limité actuellement « au retour d’habitants vers la bande de Gaza et à la sortie de cas humanitaires urgents » a déclaré Gisha.

Le checkpoint de Kerem Shalom, le seul point par lequel Israël autorise l’entrée et la sortie de marchandises à Gaza, fonctionne toujours.

Depuis le 15 mars, toute personne entrant à Gaza est mise en quarantaine dans trois écoles du sud de Gaza, dont les conditions sont moins qu’optimales, selon le Centre Palestinien des Droits Humains (PCHR).

« Chaque classe contient un groupe de 10, sans lits ni couvertures » a dit le PCHR.

« Les toilettes sont utilisées comme d’habitude, sans hygiène, ni nettoyage ni matériel de stérilisation ; de plus, l’adduction d’eau est irrégulière, avec des heures de coupure ».

Le PCHR a ajouté que certaines personnes en quarantaine nécessitent un suivi médical.

Aide Médicale aux Palestiniens distribue des kits d’hygiène – suffisants pour 800 à 1200 personnes – à utiliser par les Palestiniens en quarantaine.

On attend des centaines d’autres arrivées du passage de Rafah dans les prochains jours, qui seront mises en quarantaine.

Au cours des deux dernières semaines, COGAT – le bras bureaucratique de l’occupation militaire israélienne – a déclaré avoir livré des centaines de kits de test en Cisjordanie occupée et dans la bande de Gaza.

Travailleurs et prisonniers palestiniens

Les Palestiniens qui travaillent dans les colonies israéliennes bravent les ordres d’arrêter de travailler.

« Nous avons des loyers à payer, des dépenses, des tas de choses » a dit un ouvrier du bâtiment au journal israélien Haaretz.

Israël renouvelle automatiquement les permis de résidence des Palestiniens de Cisjordanie occupée et de Gaza qui travaillent en Israël mais on dit que ceux qui retourneront chez eux ne seront pas autorisés à revenir en Israël.

Israël manque aussi à fournir aux prisonniers palestiniens dans ses prisons des produits d’hygiène adéquats, selon le Club des Prisonniers Palestiniens.

Les autorités pénitentiaires israéliennes ont retiré 140 articles des cantines en prison, dont des produits nettoyants et désinfectants.

Parmi les articles retirés il y a aussi les légumes frais et surgelés, la viande, le poisson, l’huile et les herbes aromatiques qui sont souvent des substituts aux médicaments.

« L’administration de la prison essaie d’exploiter les circonstances présentes face à la diffusion du coronavirus, pour imposer plus de mesures punitives contre les prisonniers », a déclaré le club des prisonniers.

« Actuellement, pendant que le monde souffre de la pandémie de COVID-19, les prisonniers palestiniens souffrent encore de négligence médicale » a déclaré Addamir, le groupe de défense des droits des prisonniers.

Quatre détenus palestiniens de la prison de Megiddo dans le nord d’Israël sont dits avoir été mis à l’isolement après avoir été en contact avec un officier israélien infecté par le virus.

Israël a suspendu les visites familiales aux prisonniers palestiniens pour infléchir la diffusion du virus, selon le Comité International de la Croix Rouge.

Human Rights Watch a recommandé aux gouvernements de réduire la population des prisons autant que possible durant l’épidémie en pratiquent des libérations anticipées de détenus à faible risque.

« Des détenus risquant de souffrir gravement d’effets du virus, comme les plus âgés  et ceux qui ont une santé déjà atteinte, devraient aussi être pris en considération pour de semblables libérations anticipées en fonction de a façon dont les services de la détention ont la capacité de protéger leur santé » a déclaré Human Rights Watch.

Les enfants prisonniers

Défense des Enfants International – Palestine (DCIP) appelle Israël à libérer tous les enfants palestiniens emprisonnés, face à la pandémie mondiale.

« Les enfants palestiniens emprisonnés par les autorités israéliennes vivent dans une étroite proximité les uns avec les autres, souvent dans des conditions sanitaires insatisfaisantes, avec un accès limité à des ressources permettant un minimum de mesures d’hygiène » a dit DCIP.

Il y a actuellement 5 000 prisonniers palestiniens dans les prisons israéliennes dont 180 enfants.

Traduction : SF pour l’Agence Média Palestine

Source : The Electronic Intifada

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