Les Palestiniens se retrouvent face à deux ennemis : l’occupation, et la pandémie

Par Tamara Nassar, 26 mars 2020

Des enfants palestiniens portent des masques protecteurs à Gaza, le 22 mars. Il y a neuf cas confirmés de personnes atteintes du coronavirus dans le territoire, tous en quarantaine. (Mohammed Zaanoun ActivesStills)

En dépit de la pandémie mondiale, rien n’a changé concernant l’occupation militaire israélienne en Cisjordanie et dans la bande de Gaza.

Le nombre de cas confirmés de COVID-19, cette maladie respiratoire provoquée par le coronavirus naissant, est passé à près de 2700 en Israël, à environ 80 en Cisjordanie occupée et à 9 dans la bande de Gaza occupée.

Jusqu’à présent, la maladie a coûté la vie à 8 Israéliens, et à une Palestinienne en Cisjordanie occupée.

Pendant que le coronavirus frappe toujours plus de monde, les Palestiniens font face à un plus vieil ennemi : l’occupation militaire israélienne.

Assiégée et densément peuplée, la bande de Gaza est particulièrement menacée par une épidémie généralisée.

« Israël ne pourra pas échapper à ses responsabilités si ce scénario cauchemardesque se transforme en une réalité qu’il aura créée et qu’il n’aura pas tenté d’empêcher », a prévenu cette semaine le groupe B’Tselem, groupe israélien de défense des droits de l’homme.

L’éloignement physique, le fait de rester chez soi et le maintien de l’hygiène sont des précautions que les Palestiniens ont du mal à prendre alors qu’Israël continue de démolir leurs structures, de mener ses raids nocturnes, d’arrêter arbitrairement des enfants et de harceler systématiquement des civils.

Une saisie de structures destinées à une clinique de campagne

En début de journée ce jeudi, les forces israéliennes ont démoli et saisi des structures destinées à une clinique de campagne et à des logements d’urgence à Ibziq, un village dans le nord de la vallées du Jourdain, en Cisjordanie occupée.

Cela s’est fait sous la supervision de de l’Administration civile, le bras bureaucratique de l’occupation militaire d’Israël.

Les forces israéliennes ont confisqué des tentes, un générateur et des matériaux de construction.

« Arrêter une initiative de secours d’une communauté pendant une crise sanitaire est un exemple particulièrement cruel des abus systématiques qui sont infligés à ces communautés » a déclaré le groupe israélien B’Tselem.

Selon le chef du conseil du village, Abdul Majid Khdeirat, cela a été fait sous le prétexte que la construction se situait dans une zone militaire fermée.

Or, Israël a l’habitude de déclarer que les terres en Cisjordanie occupée sont des zones de tirs ou des zones militaires, et par la suite, il s’en empare pour y implanter des colonies de peuplement israéliennes illégales.

Les forces israéliennes ont également démoli les maisons de trois familles palestiniennes dans le village d’al-Duyuk, près de Jéricho.

Un bulldozer de l’armée israélienne a détruit les maisons de Muayad Abu Obaida, de Thaer al-Sharif et de Yasir Alayan, au motif qu’elles avaient été construites sans permis, un permis qu’Israël n’accorde presque jamais aux Palestiniens. Ce qui ne leur laisse pas d’autres choix que de construire leurs maisons sans l’autorisation de l’occupant.

Ces trois agriculteurs sont des habitants de Jérusalem.

Des photos et des vidéos de la démolition ont circulé sur les médias locaux :

Isoler des dizaines de milliers de Palestiniens

En attendant, Israël envisage de boucler plusieurs quartiers de Jérusalem-Est occupée, isolant ainsi des dizaines de milliers de Palestiniens du reste de leur ville.

Près de 70 % des 100 000 Palestiniens du camp de réfugiés de Shuafat ont une carte de résidence israélienne qui leur permet d’entrer à Jérusalem.

« En cas de fermeture, ces habitants seront déconnectés de leur ville sur laquelle ils comptent pour tous les services de base, et cela conduira probablement à une panique et à des troubles généralisés » prévient Ir Amim, un groupe israélien qui milite pour l’égalité à Jérusalem.

« Une telle mesure serait un pas de plus dans la réalisation de projets de longue date d’Israël qui visent à redessiner les frontières municipales de Jérusalem afin de déconnecter officiellement ces quartiers de Jérusalem ».

Israël utiliserait le coronavirus comme prétexte pour couper ces quartiers du reste de Jérusalem, alors que le nombre de cas confirmés est très nettement inférieur dans ces quartiers comparé à Israël.

« Les personnes les plus vulnérables dans le monde »

Les groupes de défense des droits de l’homme mettent en garde contre une catastrophe massive imminente si l’épidémie de COVID-19 se généralise dans la bande de Gaza.

Souvent considérée comme la plus grande prison à ciel ouvert au monde, l’enclave côtière est soumise à un siège israélien très rigoureux depuis 2007. Israël contrôle l’espace aérien et maritime de la bande de Gaza, et avec l’Égypte, il en contrôle les frontières terrestres.

Gaza subit encore les conséquences des trois grandes offensives militaires israéliennes depuis 2008.

« Les Gazaouis sont, dans le monde, parmi les personnes les plus vulnérables à la pandémie mondiale du COVID-19 » a déclaré le groupe Al-Haq, groupe palestinien de défense des droits de l’homme.

Les crises de l’eau et de l’assainissement provoquées par le blocus prolongé de la bande de Gaza par Israël minent « la capacité des Palestiniens à prévenir et atténuer de façon adéquate l’impact de l’épidémie du COVID-19 » ajoute le groupe.

Moins de 4 % de l’eau du territoire sont propres à la consommation humaine.

Des systèmes de santé modernes dans des pays comme l’Italie et l’Espagne s’effondrent sous la pression de la pandémie.

Une éruption du coronavirus naissant dans la bande de Gaza, où l’infrastructure sanitaire est déjà au bord de l’effondrement, la jetterait dans une catastrophe humanitaire – entièrement créée par Israël » ajoute B’Tselem.

Habituellement, Israël retarde ou refuse pour de nombreux Palestiniens l’autorisation d’aller recevoir un traitement à l’extérieur de Gaza, n’accordant cette permission qu’à une partie de ceux qui ont besoin de soins médicaux.

« Dorénavant, même cette possibilité minime n’existera pas » dit B’Tselem.

Le docteur Mona El-Farra, présidente pour la santé au Croissant-Rouge de Palestine à Gaza, a déclaré à The Electronic Intifada qu’il y avait une pénurie de lits, d’équipements protecteurs et de kits de dépistage.

« Nous n’avons pas assez de kits, nous n’avons jusqu’à présent qu’environ 200 kits pour le diagnostic. Actuellement, nous avons 2500 personnes en quarantaine. Toutes doivent être testées ».

Le Qatar s’est engagé à verser 150 millions de dollars au cours des six prochains mois pour aider les Nations-Unies dans leur lutte contre le coronavirus à Gaza.

Si cette aide pourrait aider à court terme, elle n’en dégage pas moins Israël de sa responsabilité en tant que puissante occupante.

Aucun accès aux services d’urgence

Le groupe Adalah, qui défend les droits des Palestiniens en Israël, affirme que les Bédouins palestiniens dans la région du Naqab, dans le sud, n’ont aucun accès aux services médicaux d’urgence.

Le ministère de la Santé israélien interdit à quiconque a de la fièvre et des symptômes respiratoires de quitter son domicile. Si l’état de santé se détériore, le MDA, le service d’urgence national d’Israël, peut recommander un examen au domicile ou une évacuation vers l’hôpital.

Cependant, ces villages bédouins n’ont pas accès au MDA.

Le groupe Adalah a adressé une lettre aux autorités israéliennes dimanche, leur demandant de fournir ces services aux 70 000 citoyens palestiniens d’Israël qui vivent dans les villages non reconnus.

« Israël, depuis des années, maintient une politique de négligence et de discrimination quand il s’agit de fournir les services de santé courants – de même que les services médicaux d’urgence – aux citoyens bédouins d’Israël », affirme Adalah.

«  À la lumière de la crise du coronavirus, cette politique de l’État aboutit à un danger immédiat pour les habitants locaux comme pour le grand public ».

Traduction : BP pour l’Agence Média Palestine

Source : The Electronic Intifada

Retour haut de page