Des colons israéliens profitent du coronavirus pour s’emparer de terres en Cisjordanie avec l’appui des militaires : il y a un pic des attaques violentes en avril

Par B’Tselem, 23 avril 2020

Depuis le début de la crise du coronavirus, les colons israéliens ont lancé des attaques contre des Palestiniens dans toute la Cisjordanie, avec le plein appui de l’état. Les attaques ont augmenté malgré les restrictions de mouvements, les confinements et les mesures de distanciation sociale introduites pour combattre la pandémie. Pendant les trois premières semaines de ce mois (en date du 22 avril), B’Tselem a documenté 23 attaques de colons contre des Palestiniens. Dans l’ensemble de mars, 23 incidents ont été documentés, 11 d’entre eux après que les sévères restrictions sur les mouvements et les rassemblements sociaux ont été imposées (mi-mars). A titre de comparaison, en janvier, 11 attaques ont été enregistrées et 12 en février. Au cours de ces incidents violents, des colons, dont certains portaient des armes à feu, ont physiquement attaqué des Palestiniens avec des gourdins, des hâches, des armes à impulsion électrique, des pierres et des chiens d’attaques, provoquant dans certains cas de sérieuses blessures. Les colons ont aussi attaqué des maisons, incendié des voitures, vandalisé et déraciné des oliviers et d’autres cultures, et volé du bétail.

Ces incidents ont eu lieu dans toute la Cisjordanie, avec plusieurs épicentres : la zone autour de l’avant-poste récemment étendu de Havat Ma’on sur les collines au sud de Hébron ; la zone autour de la colonie de Shilo et son bloc adjacent d’avant-postes, avec les villages de al-Mughayir, Turmusaya, Qaryut et Qusrah comme cibles ; et la zone autour de la colonie de Halamish, où un autre avant-poste nouveau a été récemment érigé. Les colons harcèlent aussi les bergers palestiniens presque quotidiennement dans la vallée du Jourdain, près des colonies de Rimonim et Kochav Hashahar, et dans les collines au sud de Hébron. Les colons font aussi paître leur bétail et leurs troupeaux ovins dans les champs cultivés des Palestiniens, principalement dans la vallée du Jourdain, presque quotidiennement. Ces actions routinières de harcèlement et de vandalisme ne sont pas incluses dans les données indiquées plus haut.

Le 13 avril, au cours d’un incident largement couvert dans les médias israéliens, un groupe de colons envoyé par les autorités se confiner près d’un endroit populaire de randonnée le long de la mer morte au nord (Metzoke Dragot) a attaqué des Palestiniens et incendié leurs voitures. Ce n’était pourtant que l’une des huit attaques physiques contre des Palestiniens au cours des trois premières semaines d’avril. Un incident particulièrementsérieux a eu lieu le 16 avril, quand les frères ‘Issa et Musa Qatash du camp de réfugiés d’al-Jalazun ont été attaqués par des colons alors qu’ils sortaient pour aller dans la parcelle de leur famille près du village de Jibya. Les frères ont été si violemment frappés qu’ils ont dû recevoir des soins médicaux. L’attaque sur ‘Issa Qatash a été de longue durée et a provoqué la fracture d’un os de sa jambe et lui a brisé deux dents de devant. Les colons ont aussi craché sur Qatash, ce qui l’a contraint à entrer en isolement dans un établissement de l’Autorité palestinienne par crainte d’une infection de coronavirus, le maintenant éloigné de sa famille pendant plusieurs jours après cet événement traumatique. Il a été relâché [de quarantaine] le 22 avril et est maintenant à l’isolement chez lui.

‘Issa Qatash a décrit les terrifiants moments qu’il a traversés dans un témoignage accordé à Iyad Hadad, un enquêteur de terrain pour B’Tselem, le 18 avril :

« Je pouvais à peine protéger ma tête et mon visage des coups. Quelqu’un m’a violemment frappé sur la bouche et j’ai pu sentir mes dents de devant se casser. Du sang a commencé à jaillir de ma bouche et à descendre sur mon visage. J’ai crié et me suis exclamé : ‘Pour l’amour de Dieu, qu’estce que je vous ai fait ? N’avez-vous aucune pitié ? Vous êttes en train de me tuer. Ayez pitié.’ Mais aucun d’eux n’écoutait. A un moment, je me suis effondré. Je n’avais plus aucune force. Alors ils m’ont lié les mains derrière le dos avec une corde. Le colon armé a pointé son fusil sur ma tête et l’a armé, comme s’il allait me tirer dans la tête. J’ai commencé à réciter le shahada encore et encore : ‘Il n’y a de Dieu qu’Allah et Muhammed est son prophète’. Je pensais que l’heure de ma mort était arrivée.

Ils ont continué à me frapper et à jurer contre moi et ils ont menacé de me tuer. Ensuite, ils m’ont remis sur mes pieds. Je pouvais à peine marcher et j’avais l’impression que ma jambe gauche était cassée, mais ils m’ont forcé à marcher. Ils m’ont conduit, boitant, au milieu des avoines sauvages, des rochers, des buissons et des épines. De temps en temps, je suis tombé, mais ils m’ont remis debout et m’ont forcé à continuer à marcher. J’étais dans un état terrible, saignant de la bouche et à peine capable d’ouvrir les yeux, qui gonflaient à chaque pas en avant. Ma gorge était sèche et j’avais l’impression que j’étais en train de mourir de soif. Psychologiquement, j’étais brisé. C’était une terrible situation, seul Dieu peut l’imaginer. Ils continuaient à me gifler et à me donner des coups de pied et à m’insulter sur tout le chemin. Ils m’ont craché dessus, aussi. »

‘Issa Qatash emporté pour des soins. Photo de la famille Qatash.

Dans la plupart des autres incidents ce mois-ci, des colons ont violemment emmené des fermiers et des bergers palestiniens hors des pâturages, leur interdisant l’accès aux terres agricoles et aux cultures endommagées. Les colons ont aussi vandalisé des centaines d’arbres en tout juste trois semaines : environ 180 oliviers sur des terres appartenant aux villages de Turmusaya et d’al-Mughayir, 30 à Qaryut, 50 à Ras Karkar, 15 à a-Tuwani et des centaines d’autres, dont certains étaient fraichement plantés,sur desterres appartenant au village d’al-Khader. Ces actionsfont partie d’une stratégie jointe des colons et des autorités israéliennes pour bloquer systématiquement l’accès palestinien à la terre — un acre, une parcelle fertile, un verger ou un pâturage à la fois — pendant des décennies, et en prendre le contrôle. De cette manière l’état transfère les moyens de subsistance des Palestiniens dans les mains des Israéliens. La violence des colons est le bras officieux, privatisé, de l’état qui sert à atteindre graduellement cet objectif.

Vidéo: Des oliviers vandalisés par des colons à Turmusaya, District de Ramallah, 20 avril 2020.

Le soutien entier de l’état à cette violence est évident dans les actions des forces de sécurité israéliennes sur le terrain. Cinq des huit attaques contre des maisons palestiniennes en mars se sont produites en présence de soldats, qui non seulement ont permis aux colons de faire ce qui leur plaisait, mais ont aussi pris des mesures contre les Palestiniens qui essayaient de protéger leurs familles et leurs maisons. Dans certains cas, les soldats ont arrêté des résidents et dans au moins trois incidents ils ont lancé des gaz lacrymogènes sur les résidents. Dans trois incidents, les soldats sont arrivés avec les colons en maraude ou les ont rejoints au début de l’attaque. Des incidents similaires se sont produits en avril, avec des soldats tirant des balles de métal recouvertes de caoutchouc et lançant des gaz lacrymogènes sur les résidents, comme c’est arrivé dans les villages de Qusrah et a-Shuyukh le 6 avril. Dans le cas des frères Qatash, après l’attaque, les colons ont remis ‘Issa Qatash aux soldats, qui ne lui ont donné aucune assistance médicale ni ne l’ont aidé à retourner dans sa famille. Au lieu de cela, ils l’ont simplement abandonné dans le champ avec une jambe fracturée.

Pendant des années, Israël a autorisé pratiquement sans entrave les colons à attaquer les Palestiniens et à endommager leurs possessions, à titre de politique. Cela inclut la fourniture de protection militaire aux attaquants et dans certains cas, une participation active des soldats à l’attaque. La police, pendant ce temps, retarde l’application de la loi contre les agresseurs. Cela fait partie de la stratégie d’Israël pour encourager la dépossession des Palestiniens de zones croissantes dans toute la Cisjordanie, qui pave le chemin de l’état pour s’emparer de plus de terres et de plus de ressources. Le fait que cette violence s’est exacerbée pendant une pandémie mondiale ajoute une nouvelle couche de brutalité à la politique d’Israël.

Traduction : CG. pour l’Agence Média Palestine

Source : B’Tselem

Retour haut de page