COVID-19. La double peine des prisonniers palestiniens et arabes

Par Orient XXI, 19 mai 2020

Plus de 150 personnalités du monde arabe appellent à la libération des prisonniers palestiniens dans les geôles israéliennes et des prisonniers d’opinion dans le monde arabe. Parmi les signataires de la tribune figurent les universitaires tunisien et marocain Yadh Ben Achour et Abdullah Hammoudi, les écrivains jordanien et égyptien Ibrahim Nasrallah et Ahmed Nagy, le compositeur et joueur de oud tunisien Anouar Brahem, la chanteuse libanaise Omaima El Khalil et l’acteur palestinien Saleh Bakri, les journalistes libanais et égyptien Pierre Abi Saab et Khaled Al-Balshi, les responsables politiques palestiniens Hanan Ashrawi et Nabil Shaath et les défenseurs des droits humains palestinien et tunisien Omar Barghouti et Mokhtar Trifi.

En ce temps de confinement, nous mesurons encore plus la primauté de la liberté pour l’être humain et les souffrances qu’engendre la privation de la liberté de circulation (ne pas pouvoir voir les êtres chers, les serrer dans ses bras, ou pire encore leur dire un dernier adieu). Ces souffrances sont le pain quotidien des prisonniers palestiniens dans les geôles israéliennes et des prisonniers politiques et d’opinion dans le monde arabe. Mais contrairement à notre confinement sans barreaux, rempart médiéval pour nous protéger du Covid-19, la prison est l’arme des lâches contre des femmes, des hommes et des enfants dont le seul crime est d’avoir défendu des droits humains fondamentaux. Elle est utilisée depuis des décennies par les occupants israéliens pour briser la volonté des Palestiniens de défendre leurs droits inaliénables, mais ils se heurtent à leur résilience face à la colonisation et à l’apartheid. C’est aussi l’arme de prédilection des régimes corrompus et pervers qui règnent sur le monde arabe pour faire taire toute opposition, voire même toute critique.

En ce temps d’épidémie, la prison devient une double peine : à la privation de liberté et d’autres droits fondamentaux s’ajoute le risque de contamination par le très contagieux coronavirus. Les prisonniers palestiniens dans les geôles israéliennes et les prisonniers d’opinion dans le monde arabe vivent dans une promiscuité étroite, le plus souvent dans des conditions sanitaires désastreuses, avec un accès limité aux ressources qui permettraient de maintenir une hygiène minimale -sans même parler de l’arsenal prophylactique élémentaire. Dans tout le monde arabe, du Maroc à l’Irak en passant par l’Égypte (à l’exception peut-être de la Tunisie), des milliers de prisonniers politiques croupissent dans des conditions qui favorisent la contagion.

Au début de l’année 2020, il y avait un peu plus de 5047 prisonniers palestiniens dans les geôles israéliennes, dont 431 en détention administrative, c’est-à-dire sans inculpation ni jugement. Parmi eux, on compte 194 mineurs, dont 30 âgés de moins de 16 ans, 43 femmes et 6 membres du Conseil législatif palestinien.

Des prisonniers palestiniens malades ont adressé récemment un appel aux associations de droits humains et à tous les êtres humains libres de par le monde : « Nous réclamons que soit appliqué ce qui nous reste de nos droits, alors que la maladie menace chaque jour nos vies et qu’aucune mesure concrète ni procédures ne sont mises en place pour endiguer la propagation de l’épidémie. […] Ne nous laissez pas mourir sur nos lits de prisonniers, alors que l’épidémie se propage et que personne ne réagit pour nous protéger et éviter que nous périssions ».

Le 17 avril 2020, à l’occasion de la Journée des prisonniers palestiniens, la société civile et des organisations palestiniennes de défense des droits humains ont lancé un appel urgent à la libération immédiate des prisonniers et détenus palestiniens des prisons israéliennes, en particulier ceux qui sont plus vulnérables à la pandémie du Covid-19, tels que ceux qui souffrent de maladies chroniques, afin de faire respecter leur droit à la vie et d’assurer leur sécurité. Le secrétaire général des Nations Unies António Guterres a aussi exigé la protection des prisonniers palestiniens détenus dans les prisons et les centres de détention israéliens en pleine pandémie de coronavirus.

Symbole de la communauté de sort entre la cause des prisonniers palestiniens et celles des prisonniers politiques dans les pays arabes, le défenseur des droits humains égypto-palestinien Ramy Shaath, coordonnateur du mouvement de Boycott, désinvestissement et sanctions (BDS) en Égypte, croupit à la sinistre prison de Tora au Caire depuis 10 mois. Après une accusation sans le moindre début de preuve, un tribunal égyptien a émis le 17 avril 2020 un jugement in absentia et sans la présence de ses avocats, le condamnant lui et 12 autres personnes dont l’ancien parlementaire Zyad El-Elaimy, autre figure de proue de la Révolution de 2011, à figurer sur la liste égyptienne du « terrorisme », avec tout ce que cela entraîne de restrictions de leurs droits.

Les forces démocratiques égyptiennes et la société civile ont condamné dans une déclaration commune l’inclusion de Zyad El-Elaimy et Ramy Shaath sur les listes du « terrorisme » et ont demandé au gouvernement égyptien de les libérer immédiatement, d’enlever leurs noms de ces listes, d’annuler toutes les mesures qui en découlent et de mettre fin à la chaîne d’injustices et d’abus de leurs droits. Arrestations, détentions, tortures : l’Égypte du président Abdel Fatah al-Sissi étouffe la moindre voix dissidente, comme en atteste les 60 000 prisonniers politiques que décomptent les associations de défense des droits humains dans les prisons égyptiennes.

La Haut-Commissaire aux droits de l’homme de l’ONU Michelle Bachelet a appelé mercredi 25 mars 2020 à la libération urgente de détenus à travers le monde pour éviter que la pandémie de Covid-19 ne fasse des « ravages » dans les prisons souvent surpeuplées.

Israël est resté sourd à cet appel puisque entre le 1er mars et le 3 avril 2020, son armée a arrêté 2017 Palestiniens dont 16 enfants. Les organisations de défense des droits humains ont appelé les gouvernements arabes à libérer immédiatement et sans condition tous les militants détenus pour avoir exprimé pacifiquement leurs opinions. Si certains régimes ont fait des annonces et ont même relâché quelques prisonniers, force est de constater que cela ne concerne pas les prisonniers politiques.

Nous appelons à la libération immédiate et sans conditions de tous les prisonniers palestiniens détenus dans les geôles israéliennes et de tous les prisonniers politiques dans le monde arabe. Nous tenons le régime d’apartheid qui règne sur la Palestine et les régimes iniques de la région responsables de la santé de tous ces prisonniers et de leur droit inaliénable à la vie.

LES 167 PREMIERS SIGNATAIRES

Source : Orient XXI

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